“Alors non. Nous ne voulons pas nous adapter. Nous ne voulons pas vous permettre d’utiliser le nom de Monica pour enduire votre vilain papier.” Nous avons été différents et nous le revendiquons, mais vous ne pouvez même pas imaginer à quel point.
Comaguer – 04 Fevrier 2022 –
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Publié par Contropiano le 03.02. Traduction comaguer
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Silence. Le cinéma est mort !
Par Vincenzo Morvillo
Monica Vitti est décédée hier à l’âge de quatre-vingt-dix ans.
Et non, je ne veux pas écrire avec les larmes de crocodile habituelles à la mémoire d’une grande interprète de notre cinéma. Je ne veux pas gaspiller des mots inutiles.
Je veux plutôt rendre hommage à son engagement et à sa mémoire avec la colère pondérée de ceux qui ont aimé et aiment encore son art, malgré tout.
Un humble hommage à ces films de l’aliénation, [L’avventura, L’éclipse, La Nuit, Désert rouge] qu’elle a tournés sous la direction moléculaire d’un maître comme Michelangelo Antonioni.
Et donc…
Des Articles. Des rivières de rhétorique et de condoléances hypocrites. En commençant par le tweet de l’Uolter national.*
Et puis pour poursuive avec son intelligence, sa classe, sa sagacité, son extraordinaire ironie, sa réserve, sa souffrance intime et contenue. Cette douleur cachée, qui a été un facteur déterminant dans ses dons indiscutables d’artiste.
Personne, cependant, n’a le courage de dire ou d’écrire quelque chose de simple. A mon humble avis, c’est flagrant.
Ses capacités extraordinaires en tant qu’interprète ; plus encore, ses qualités inébranlables d’actrice polyvalente – ce qui est tout autre chose que l’interprétation élémentaire d’un rôle – d’actrice/de peintre/de machine à jouer, à tel point, pour paraphraser Carmelo Bene, qu’elle est devenue elle-même le texte du film ; capable de demi-tours et de nuances de couleurs volées tout à la fois aux palettes du Caravage, de Van Gogh et de Monet, même dans le contexte linguistique d’un seul film ;
Eh bien, cette valeur culturelle ajoutée, par quelqu’un qui, bien que diplômée de l’Académie des Arts Dramatiques, n’avait pas mis hautainement de côté l’étude, la recherche, la curiosité – qui sont une partie fondamentale de l’artisanat de l’acteur – en les mettant au second plan par rapport aux lois éphémères du star system ; cette valeur, disais-je, plus personne ne la recherchait.
Monica Vitti a cessé de faire des films à la fin des années 1980. Un sort commun à de nombreux autres grands interprètes de notre cinéma. De la Melato (cinq films et un peu de télévision) à Volontè [Gian Maria], traité comme une peste par le parti communiste, qui ne lui a jamais pardonné de s’être enfui avec Scalzone. *
Même Mastroianni, dans les années 1990, avant sa mort, n’a fait que deux films de réalisateurs italiens et produits en Italie. Le reste, au dehors. Avec de grands réalisateurs étrangers, bien sûr. Mais seulement dans de très rares coproductions italiennes.
Acteurs et actrices, comme par hasard, avec des idéaux communistes.
Submergés, mis de côté, oubliés, peut-être même fatigués et écœurés par un pays qui changeait son code génétique. Et dans lequel le tournant productif hyper-libéral, l’achèvement de la restructuration du Capital dans tous les secteurs de l’existence humaine, ébranlait le monde de la culture et de l’art dans ses fondements mêmes.
Un pays déjà limité politiquement dans sa souveraineté depuis l’après-guerre abandonnait sa dernière tranchée de résistance, se noyant sous les ondes de choc des traités commerciaux internationaux. Envahi et colonisé, jusqu’à l’imagination, par les marchandises à étoiles et à rayures.
En Italie La fin de l’Histoire thème de propagande a porté un coup profond dans la chair vivante de notre patrimoine intellectuel réduisant notre art, notre théâtre, notre littérature, notre cinéma à un divertissement futile. Pire, à un chiffre dans le PIB. Le moins important.
D’exportateurs de connaissances à importateurs de produits.
Avec des films et des auteurs récompensés au Festival des vanités Los Angelesiennes car reprises inauthentiques du postmodernisme américain le plus massifiant. Un style américain qui nous fait regarder l’Italie sous l’angle des étoiles et des rayures. Nous sommes devenus l’œil des USA. Un concept atlantiste.
En un peu plus de trente ans, la manipulation et l’altération de la pensée critique se sont effectuées sous les coups de marteau d’une barbarisation esthétique et intellectuelle. Elle porte les marques de la domination hyper productiviste et entrepreneuriale, les stigmates d’un profit qui coupe le souffle et réduit la créativité à un profit commercial. A des ventes, des coûts, des revenus. L’odeur fétide de l’argent et de la finance envahit et submerge la pensée ailée.
La vulgarité du star-system, l’art gastronomique, le désengagement bourgeois et l’esthétisme de la poésie arcadienne triomphent. Des films comme L’Avventura, La Nuit, l’Eclipse, Désert Rouge n’ont plus de sens. Parce que l’essence même de la pensée dans l’hémisphère occidental a été modifiée.
Mais dans notre pays – selon les mots de Pasolini – l’homologation petite-bourgeoise de la matrice télévisuelle, a eu lieu avec une telle violence qu’elle a déraciné les racines mêmes du sol fertile de notre créativité.
Réfléchir, s’arrêter, regarder le monde à travers le prisme de la critique est soudain devenu un passe-temps risqué pour les rêveurs. Quand ce n’est pas pour les subversifs et les terroristes. Un passe-temps qui soulage du poids encombrant du présent omniprésent et éternel. Cela distrait du rythme incessant de l’usine/monde. Cela élimine le bruit de fond d’une existence qui est devenue un travail à la chaîne.
Le poids d’un être qui a sombré dans l’ontologie du spectacle plane au-dessus de nous. Un spectacle qui ne veut et ne peut plus interpréter la réalité. Il ne peut montrer son image brillante que sous le voile de Maya de la marchandise/fétiche.
Alors à quoi servaient les grands auteurs, les grands acteurs, les grands écrivains et les poètes ? A quoi servaient encore Volonté, Vitti, Melato et Mastroianni ?
A quoi servent, aujourd’hui, les auteurs, acteurs et artistes indépendants et authentiques qui veulent regarder le monde et la réalité avec un point de vue alternatif, qui ne soit pas celui du marché ?
Quand même le Corriere della Sera [ndt : principal quotidien italien bourgeois] et Ansa [ndt : agence de presse italienne], hier, en annonçant la mort de Vitti, l’ont confondue avec Mariangela Melato, se trompant de photo et de film !
Synthèse d’un journalisme honteux – notamment celui de l’ancienne Troisième Page – réduit à une casemate d’approximation et d’analphabétisme. Concentré d’ignorance et réserve clientéliste pour des Chèvres sans Histoire.
Peut-être, pour Monica, cette perte de mémoire symbolisait-elle l’allégorie d’un désir d’oubli, face au passage d’un temps qui, selon elle, ne lui appartenait plus. Qui sait ?
Nous savons cependant que ces artistes, intellectuels, grands acteurs, metteurs en scène, écrivains et poètes qui ont contribué à construire l’histoire de notre pays ne sont évoqués qu’au moment de leur mort. Pour remplir la page blanche d’un journal avec une rhétorique mielleuse et vide;
Alors non. Nous ne voulons pas nous adapter. Nous ne voulons pas vous permettre d’utiliser le nom de Monica pour enduire votre vilain papier.
Silence !
Avec Vitti s’en va le cinéma. Et l’une des derniers morceaux d’idée. L’idée que la réalité peut aussi être modifiée. Avec une image, un mot, un regard, un geste.
“Il y a quelque chose de terrible dans la réalité, et je ne sais pas ce que c’est. Personne ne me le dit”, déclarait Giuliana dans Désert Rouge.
Au revoir Monica. Au revoir, camarade. Le futur lointain sera notre futur. Nous allons changer cette réalité. Et alors vous saurez !
- février 2022 –
* Très grand acteur reconnu mondialement avec des films come Sacco et Vanzetti, L’affaire Mattei, Le christ s’est arrêté à Eboli, Gian Maria Volonté avait mis à la disposition d’Oreste Scalzone un des leaders de Potere Operaio qui venait de s’évader de prison son petit bateau. Ce qui lui permit de rejoindre la Sardaigne et de là la France où il obtint le statut de réfugié politique. Scalzone qui a ensuite été amnistié avait rendu un très bel hommage à l’acteur au moment du décès de celui-ci en 1994
* Uolter prénom de Uolter Veltroni. Ancien directeur de l’Unita, organe officiel quotidien du parti Communiste italien qui a affirmé et n’a pas été démenti n’avoir jamais été communiste. Avec de pareils responsables mais il n’était pas le seul du genre le PCI était voué à disparaitre. Uolter était critique de cinéma ce qui lui avait valu le surnom très cinématographique de « Un américain à Rome »
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SMILEY
Une belle femme rêveuse chez Antonioni. C’est sans doute ce que l’on retiendra d’elle et aura-t-on le choix ? Icône figée pour intellos cinéphiles on la regardera dans sa vitrine avec étiquette explicative et l’on passera son chemin car Antonioni quand même c’est ianch diront nos petits enfants.
Mais elle n’ était pas que ça Monica.
D abord elle n était pas belle, enfin pas comme Gina (belle gueule) ni Sofia (beau cul) donc pas beau cul belle gueule bcbg, plutôt bon chic bon genre.
Je ne me souviens pas avoir jamais désiré son corps, elle le montrait peu, ce n’ était pas non plus Claudia. On ne voyait que son visage, mais quel visage ! Lourd, carré, grande bouche, grosses lèvres.. Une lionne. Crinière blonde, voix un peu rauque, un feulement, dentition carnassière, yeux troubles qui fixent rêveusement sa proie.
Que faire d’autre que de tendre la gorge ?
A part les Antonioni (avec qui elle a vécu 27 ans) pas grand chose d’autre malgré une filmographie impressionnante. C’est Anna Karina sans Godard. Monica ensuite fait de la quantité contre la qualité. Resteront dans les mémoires ‘Modesty Blaise’ une 007 femelle, et ce ‘Drame de la jalousie’ ou elle trompe un communiste (Mastroianni) avec un maoiste (Gian-Carlo Giannini qui deviendra ensuite l’européen de service à hollywood) Je ne sais pas si c’est dans ce film ou dans ‘Mimi métallo blessé dans son honneur’ avec le même Gian Carlo, que lorsque l’homme parle du péchéi (PCI) la femme lui répond: comme tu l’as bien éternué !
Que reste-t il-de ce PC là ? Le désert rouge ? L’éclipse ?