Au titre des peurs de masse sur lesquelles nous nous interrogeons aujourd’hui, il faudra bien un jour analyser le phénomène antivax, les complaisances dont il a joui et qui ont accompagné et continuent d’accompagner la politisation de l’épidémie, la manière dont dans ce domaine comme dans d’autres, des citoyens exclus de la décision, isolés dans des clusters impuissants ont réagi par la rumeur et comment celle-ci continue à être instrumentalisée. Ici il est question du rôle morbide de ces rumeurs sur la protection infantile (note de Danielle BLEITRACH pour histoire et société).
Par Sciences et Avenir avec AFP le 23.01.2022 à 06h45, mis à jour le 24.01.2022 à 11h49 Lecture 4 min.
Le Covid-19 a causé des décès en cascade chez les adultes américains pendant deux ans, épargnant largement les enfants, mais la propagation éclair du variant Omicron a conduit à des records d’infections et hospitalisations pédiatriques, la désinformation autour des vaccins accentuant les risques encourus.
Un enfant reçoit une injection du vaccin Pfizer contre le Covid-19, le 5 novembre 2021 à Southfield, dans le Michigan AFP/ARCHIVES – JEFF KOWALSKY
Peur que les sérums aient été développés trop vite, rumeurs sur un impact des injections sur la fertilité… Wassim Ballan, médecin au Phoenix Children’s Hospital, assure que combattre la désinformation fait désormais partie de son métier. “Malheureusement, la plupart du temps quand on discute avec une famille de ces choses-là, l’enfant est déjà à l’hôpital”, déplore-t-il.
Les parents doivent comprendre que les vaccins sont “l’outil le plus important pour se protéger”, dit-il, en particulier pour éviter des formes graves de la maladie, comme le syndrome inflammatoire multisystémique chez l’enfant (MIS-C), une complication rare et dangereuse qui ne se déclenche que plusieurs semaines après l’infection. Seuls 27% des enfants âgés de 5 à 11 ans ont reçu une première dose de vaccin aux Etats-Unis tandis que les hospitalisations pédiatriques ont atteint un record de 914 par jour en janvier, une hausse spectaculaire par rapport au pic précédent de 342 en septembre 2021.
Une protection dans l’utérus
La première semaine de janvier 2022, le Texas Children’s Hospital à Houston a enregistré douze bébés en soins intensifs avec le Covid-19. Les nourrissons sont trop jeunes pour recevoir le vaccin, mais Kathryn Gray, docteure au Brigham and Women’s Hospital à Boston, assure que de plus en plus des recherches indiquent que la vaccination durant la grossesse mène à une transmission d’anticorps aux bébés, leur conférant une protection temporaire.
Des enfants attendent de recevoir une injection de vaccin Pfizer contre le Covid-19, le 2 novembre 2021 à Hartford, dans le Connecticut (AFP/Archives – JOSEPH PREZIOSO)
De nombreuses femmes enceintes sont néanmoins hésitantes à se faire immuniser car elles ont été exclues des essais cliniques initiaux. La Dr Gray fait partie des professionnels surveillant l’évolution de la situation. “Pour le moment, il n’y a pas eu de signaux d’alarme” dans les données, dit-elle, ajoutant assurer en “toute confiance” à ses patientes que se faire vacciner durant leur grossesse est sûr pour la mère et le bébé. Les autorités sanitaires à travers le monde ont le même discours mais le manque initial de données continue à être exploité par les opposants aux vaccins sur les réseaux sociaux.
Des publications sur Facebook et Twitter prétendent que les cas d’enfants morts-nés ont grimpé depuis que les femmes enceintes se font vacciner, bien que le manque de protection contre le virus soit un risque bien plus grand. Selon les épidémiologistes Carla DeSisto et Sascha Ellington, des Centres de prévention et de lutte contre les maladies (CDC), sur 1,2 million de naissances aux Etats-Unis, les données n’ont pas suggéré “de preuves que le taux de mortinatalité a été plus élevé pendant la pandémie”.
Leurs travaux ont en revanche révélé les risques pour une femme enceinte à contracter le Covid-19. “Par rapport aux personnes enceintes sans Covid-19, les personnes enceintes avec le Covid ont plus de chances de développer une grossesse avec une issue dangereuse, notamment des naissances prématurées ou de bébés morts-nés”, soulignent les chercheuses.
“Lait non-vacciné”
L’allaitement a lui aussi été la cible de désinformation, avec des publications alléguant que des bébés avaient développé des éruptions cutanées ou étaient morts après avoir été nourris par une mère vaccinée.
Une enfant reçoit une injection de vaccin Pfizer contre le Covid-19, le 5 novembre 2021 à Los Angeles, en Californie (AFP/Archives – Frederic J. BROWN)
L’association de périnatalogie Society for Maternal-Fetal Medicine a pourtant recommandé la vaccination aux personnes allaitantes et indique qu’il n’y a aucune raison d’arrêter l’allaitement après avoir été vaccinée. Les fausses informations prolifèrent dans des groupes privés sur Facebook où des parents échangent et vendent du lait maternel, ont expliqué des modérateurs à l’AFP. Sur la page de l’un de ces groupes qui compte plus de 10.500 abonnés, une mère new-yorkaise, Bethany Bristow, a repéré des demandes de “lait non-vacciné”. Avec d’autres modérateurs, elle a décidé d’interdire ce type de requêtes.
Au contraire, des études ont dévoilé que le lait de mères vaccinées avait certains avantages, selon Laura Ward, co-directrice du centre pour l’allaitement médical au Cincinnati Children’s Hospital. “Des anticorps ont été détectés dans le lait maternel de femmes vaccinées allaitantes. Cela signifie que les nourrissons allaités pourraient avoir une certaine protection contre le Covid-19 si leur mère a reçu le vaccin”, note-t-elle. “Les inquiétudes ou les zones d’ombre au sujet des vaccins sont éclipsées par les risques encourus par le Covid”, renchérit la docteure Kathryn Gray.
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