Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Comment l’URSS a vaincu le choléra en pleine bataille de Stalingrad

Je ne demande pas à ce que mon époque ressemble à celle-ci, mais au moins qu’elle ait conscience du niveau de corruption, de caprice et d’égoïsme duquel elle prétend la juger, elle et ceux qui ont permis que nous soyons libres d’être aussi inconséquents. Ce furent des hommes et des femmes sans limite dans leur sacrifice pour tous. (note de Danielle BLEITRACH pour histoire et société)

HISTOIRE09 JANV 2022BORIS EGOROV

Anatoly Garanin/Sputnik

L’issue de l’une des batailles clés de la guerre a été décidée non seulement sur le champ de bataille, mais aussi dans les laboratoires souterrains de la ville légendaire.

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À l’été 1942, l’Armée rouge se retira à Stalingrad (aujourd’hui Volgograd) au milieu de violents combats. En ce moment critique, en plus des troupes de l’Axe, un autre ennemi se profilait – tout aussi impitoyable et beaucoup plus pernicieux. Une épidémie de choléra menaçait de frapper la ville sur la Volga – étant donné le nombre de troupes et de civils qui s’y étaient agglutinés, cela aurait conduit à une catastrophe à grande échelle.

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Danger soudain

Dans un premier temps, les informations sur les foyers de choléra ont ravi le commandement soviétique, puisqu’ils avaient été enregistrés sur le territoire tombé sous le contrôle de l’ennemi. Cette dangereuse infection aurait pu être un bon allié dans la lutte contre les troupes allemandesAnatoliy Garanin/Sputnik

La joie a cependant rapidement laissé place à l’anxiété. Le choléra n’a pas modifié la ligne de front et rapidement, il a été amené à Stalingrad avec les flux de réfugiés et les troupes en retraite. Le 18 juillet, les premiers cas ont été confirmés dans plusieurs quartiers de la ville. 

Sur ordre du commissaire du peuple (ministre) à la Santé, Gueorgui Miterev, l’un des principaux microbiologistes du pays, Zinaïda Iermolieva, a été envoyée dans la ville sur la Volga. Elle était chargée d’organiser le travail des médecins locaux pour prévenir le choléra.

« Il fallait décider des mesures à prendre contre le danger qui pouvait menacer la ville, qui à cette époque préparait avec acharnement sa défense, écrit Iermolieva dans ses mémoires, L’armée invisible : Des centaines de milliers de soldats se rendaient directement au front, jusqu’au coude du Don, où se déroulait une bataille d’une ampleur sans précédent. Les hôpitaux recevaient chaque jour des milliers de blessés. De la ville surpeuplée, où s’entassaient de troupes et la population évacuée, des vapeurs et des convois partaient sans discontinuer pour Astrakhan et Saratov. Ainsi, l’épidémie menaçait de se propager dans de nombreuses régions du pays ».Zinaïda Iermolieva

Zinaïda Iermolieva Maks Alpert /Sputnik

Lors d’une réunion de la commission d’urgence à Stalingrad, il fut décidé de commencer immédiatement à traiter la population avec un bactériophage du choléra, qui infecte les cellules de l’agent causant la maladie. Le médicament apporté de Moscou n’était pas en quantité suffisante et Iermolieva a demandé au centre l’envoi d’un lot de grande ampleur dans la ville. Elle et ses collègues ont lancé les travaux préparatoires lorsque la terrible nouvelle leur est parvenue : le train en route pour Stalingrad contenant le sérum avait été bombardé par des avions allemands.

Mesures d’urgence

Arkday Shaikhet/russiainphoto.ru

Il n’y avait pas le choix – le médicament devait être fabriqué directement à Stalingrad. Un laboratoire a été installé dans le sous-sol d’un des bâtiments, où, dans des conditions difficiles, la production de la quantité requise de bactériophage a été rapidement établie. Le travail avait lieu littéralement 24 heures sur 24.

« Tous ceux qui étaient restés dans la ville ont participé à cette lutte contre l’armée invisible. Chaque escouade de la Croix-Rouge surveillait dix appartements. Nous en faisions le tour tous les jours et demandions s’il y avait des patients qui devaient être hospitalisés immédiatement. D’autres chloraient les puits, montaient la garde dans les boulangeries, dans les centres d’évacuation. Il était impossible de quitter la ville sans un certificat de phagothérapie. Même dans les boulangeries, le pain n’était pas distribué sans un tel certificat », a rappelé Iermolieva.Izrail Ozersky /Sputnik

Tous les personnels médicaux qui n’étaient pas réquisitionnés pour la construction des fortifications défensives ont été mobilisés pour lutter contre l’épidémie. Leurs efforts ont permis d’obtenir des résultats impressionnants : 15 000 personnes ont été examinées quotidiennement et jusqu’à 50 000 ont été traitées.

« Dans les abris anti-aériens, sur les quais, on parlait inlassablement de la prévention des maladies gastro-intestinales. La radio et les journaux étaient impliqués dans cette lutte », a noté Zinaïda Iermolieva.

Avant l’apparition des unités avancées de la Wehrmacht à la périphérie de Stalingrad et le début des combats de rue, une catastrophe épidémiologique à grande échelle, capable de saper les forces des troupes soviétiques défendant la ville, a été évitée. Très vite, cependant, les médecins durent à nouveau lutter contre la propagation de cette dangereuse infection, cette fois parmi les soldats de la 6e armée du maréchal Friedrich Paulus capturés.

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