Il était une fois l’humanité: la Chine, il y a quelques millénaires, était-elle dictatoriale ou communiste? Je m’appuie sur un livre de 744 pages, dont je vous ai déjà parlé pour vous expliquer que tous nos “progrès” venaient d’ailleurs qui que nous soyons et où que nous soyons. Ce livre, je le déguste à la manière dont j’ai lu le pavé d’Edward Gibbon :” Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain“, par petites doses, j’en sirote les anecdotes, j’y alimente ma passion d’éternité. Et sachez que dans mes compte rendus culturels, films, livres, exposition, je revendique mon côté pasteur, prédicateur souabe, tentant toujours d’utiliser la Bible, pour renforcer les rudes intelligences prolétariennes à l’exercice de la lutte des classe… ces pasteurs étaient le fruit du mouvement du « soulier à lacet » (Bundschuh) : dans le cadre de la réforme les Douze Articles des paysans souabes, ceux-ci avaient obtenu d’intervenir sur le choix de ceux dont ils acceptaient le prêche, militant en particulier pour le droit d’élire ou de déposer leurs pasteurs… Le thème d’aujourd’hui sera : C’est Noël, la fête du solstice d’hiver, celle du retour vers la lumière du jour… Alors pour ce jour au moins abandonnons les tristes nouvelles et les stupidités de nos gouvernances ,cet esprit de supériorité qui nous empêche aujourd’hui de voir à quel point tout est en train de changer.
je voudrais vous raconter une histoire chinoise que j’ai lu dans un livre que j’aime bien et dont je vous ai déjà parlé. Ce livre c’est celui de ces deux scientifiques anglais David Graeber et David Wengrow, au commencement était… Une nouvelle histoire de l’humanité.(1) Ils ont rassemblé toutes les connaissances récentes de l’anthropologie sur nos origines avec deux hypothèses sympathiques : certes on ne sait pas grand chose mais l’état de nos connaissances permet de dire: premièrement que tout ce que nous avons appris vient d’ailleurs et est le résultat d’un échange que nous occidentaux nions stupidement. La seconde idée est que l’humanité a eu des manières d’être inventives par rapport à des contraintes matérielles communes. Ainsi en est-il des découvertes de l’archéologie chinoise sur deux sites proches mais où les êtres humains ont agi différemment, On trouve en plein néolithique(2) deux villes d’une grande étendue, ce qui est déjà en soi une surprise… Mais pas pour le lecteur, puisque nous sommes à la page 415 dans un chapitre intitulé “les cités imaginaires” et que depuis le début de l’ouvrage nous avons découvert grâce à leurs érudits mais facétieux auteur que les êtres humains en société ne s’y étaient jamais conduit comme on s’y attendait. Cette invention du social est parfois telle que les groupes humains adoptent alternativement des cultures et des organisations avec des variations saisonnières, passant de la confection disciplinée de construction cyclopéenne au nomadisme libertaire.
Le lecteur est invité à se rendre sur les fouilles de Shimao sur la rivière Tuwei, nous sommes dans le berceau de la civilisation chinoise aux alentours d’un affluent du fleuve jaune tout près de la frontière Mongole, une zone que l’on croyait occupée par des barbares arriérés et qui s’avère avoir abrité une population raffinée mais non dénuée pour autant de cruauté. Une cité de 4000 d’âge et qui a fait reculer au-delà de la dynastie Shang les faits historiques que l’on pensait mythiques, la ville s’étendait sur 400 hectares de superficie. Elle était entourée de hautes murailles et avait en son centre une immense pyramide à degrés, le tout visiblement ayant à sa botte un arrière pays rural. Les fouilles ont révélé un artisanat élaboré, du bronze travaillé et aussi aux alentours de moins 2000,les restes de massacres de masse, des prisonniers décapités avec de magnifiques haches de jade… ça ne badinait pas ici et nos sinophobes d’aujourd’hui y trouveraient probablement la marque d’un atavisme préoccupant…
Ce sur quoi n’insiste pas le livre, mais qui est important dans l’histoire de la Chine, c’est que l’on y considère qu’il y a des dynasties historiques avérées qui bénéficient de témoignages écrits et dont on est assuré de l’existence, mais il y a aussi des souverains légendaire, à qui on attribue beaucoup d’inventions. Les chercheurs évoquent la possibilité que TAOSI, contemporain de SHIMAO, soit l’œuvre de l’un des cinq empereurs légendaires (Huángdì, Zhuanxu, Ku, Yáo et Shùn, dans la version la plus courante du Shiji, du Shiben et du Dadaiji) qui auraient régné entre 2.600 et 1.600 av. J.-C., avant la dynastie des Xia, dont la véracité historique a été reconnue depuis peu. Étaient-ils réels, comme le croient certains historiens, ou mythologiques, comme le pensent la plupart des Chinois, ou un peu des deux ? Les archéologues aimeraient bien le découvrir et l’archéologie est souvent motivée ^par ces mythes, qu’il s’agisse de Troie ou du tombeau de Moïse. Le premier EMPEREUR , Huángdì (entre -2698 et -2597), ou l’Empereur Jaune, est souvent présenté comme un homme sage et civilisateur, à l’origine de l’administration chinoise, de l’acupuncture et promoteur de l’écriture.
Oui mais voilà déjà la Chine est déroutante puisque que plus au sud, dans la région de jinnan, le site de Taosi, contemporain de celui de Shimao raconte une tout autre histoire. Cela commence pareil, une cité fortifiée de 60 hectares s’étend jusqu’à 300 hectares et entre moins 2300 à moins 1800 connait trois stades d’expansion successifs. Au cours des deux premières phases d’expansion on a les mêmes hiérarchies sociales qu’à Shimao ce que l’on trouve plus tard dans une capitale de la Chine impériale, un palais immense, flanqués de zones artisanales , des quartiers nobles et d’autres plébéiens , la distribution en classe sociales se lit dans le cimetière archaïque, des pauvres enterrés dans le sol à la va vite et des tombes d’élite avec des objets précieux de jade et de bronze.
Mais il y a un bouleversement aux alentours de l’an moins 2000 que décrit le responsable des fouilles :
“Les murs d’enceinte furent rasés, […] les divisions originelles entre les quartiers détruites, et toutes régulation spatiale disparut. Les demeures ordinaires couvraient désormais la quasi-totalité du site, s’étendant même au-delà des limites de la cité élargie du milieu de période. La ville grossit pour atteindre une surface de 300 hectares. Le quartier cérémoniel, au sud, fut abandonné. L’ancien secteur du Palais comprenait maintenant une fondation en pisé d’environ 2000 m2, de piètre qualité, entourée de fosses à ordures que fréquentaient des gens d’assez basse extraction. A l’emplacement de, l’ancienne zone résidentielle réservée aux élites de rang inférieur se trouvaient désormais des ateliers de tailleur de pierre. A l’évidence, la ville avait perdu son statut de capitale et se trouvait en proie à l’anarchie.“
Les auteurs du livre reprennent la parole “Certains éléments indiquent que la métamorphose fut parfaitement consciente et parfois violente. Au cimetière, les petites gens commencèrent à être inhumés dans le carré des élites. Non loin du palais, un charnier où les corps présentent des marques de tortures et de profanation outrancières témoignerait selon les fouilleurs, d’“actes de représailles politiques“. p;415
Comme quoi même sous le néolithique en Chine, la Révolution n’est pas un diner de gala(3)… faut ce qui faut, semblent dire nos deux auteurs érudits britanniques que je soupçonne depuis le début d’être des abonnés au Morning star, tendance Monty Python (4)… Et, nonobstant le respect dû à un archéologue, directeur de fouille, ils s’élèvent contre le diagnostic d’anarchie, d’effondrement, de chaos, vu que la situation égalitaire a duré entre deux ou trois siècles… Et que durant ce temps, la superficie de la ville est passée de 280 à 300 hectares. Leur diagnostic à eux est le suivant :
“Cela ressemble beaucoup moins à un effondrement qu’à une ère de prospérité généralisée ouverte par l’abolition d’un système de classe rigide Loin de sombrer dans une guerre hobbesienne de tous contre tous après la destruction du palais, la population de Taosi a continué son petit bonhomme de chemin, privilégiant probablement des dispositifs d’autogouvernance locale qu’elle jugeait plus équitable. “
Donc ce livre s’interroge sur l’organisation sociale de nos ancêtre du néolithique d’une manière un peu iconoclaste . Une période, où, selon une conception établie, la planète humaine aurait basculé de l’égalitarisme des chasseurs cueilleurs à l’agriculture. A ce propos, je pense vous faire également bénéficier de la manière dont les hurons et les Micmacs voyaient les Française dans la Nouvelle-France du CANADA d’aujourd’hui, c’est savoureux… Au néolithique, avec la fondation des villes, on passe à l’inégalité entre les villes et les campagnes, entre classe dominante et artisans, serviteurs dominés. Les auteurs, non seulement remettent en cause le temps et le mode social du basculement mais même l’hypothèse ou les deux hypothèses de base concernant un état social premier. D’un côté Rousseau, avec sa vision du bon sauvage primitif en harmonie avec la nature et ses semblables, état rompu par l’appropriation et la tyrannie d’une poignée et que seul peut rétablir un contrat social égalitaire. De l’autre Hobbes, pour lequel l’état naturel est la guerre de tous contre tous, l’autorité, les hiérarchies sont un mal nécessaire pour la sécurité sans laquelle il n’y a pas de liberté.
David Graeber et David Wengrow ont entrepris un dialogue sur ces deux hypothèses dans lesquelles ils voient le mythe des origines de notre modernité, comme “la pensée sauvage” a ses propres mythes de l’animal totémique ou autres. Et ils reprennent un grand nombre de résultats archéologiques pour en montrer le caractère fallacieux, comme ils le font sur ces sites chinois. Le résultat en est que sans nier le poids des contraintes matérielles sur l’organisation des sociétés humaines, celles-ci sont beaucoup plus inventives que ce qu’on le croit. Il n’y a aucune fatalité à subir l’insupportable et choisir d’en finir avec des abominables emmerdeurs est toujours possible il y a quatre millénaires comme aujourd’hui…
peut-être le dessin vibrant de toutes ces mains sur la paroi d’une grotte est-elle simplement le symbole de cette découverte d’une Révolution comme liberté humaine en Chine et partout, d’ailleurs en Chine cela est théorisé à travers le mandat du ciel et un jour je vous raconterai les origines vraiment révolutionnaires de la dynastie Ming…
Joyeux Noël et bonne année que la Révolution vous ait en sa sainte garde… Rien ne nous condamne à devoir subir un individu insupportable parce que ceux que l’on nous dit être ses adversaires crédibles sont pire que lui … L’être humain a une grande capacité d’innovation…
DANIELLE BLEITRACH poterie ainsi que l
(1) David GRABET et David Wengrow :au commencement était… Histoire de l’humanité, traduit de l’anglais (GRANDE BRETAGNE par Elise Roy),édition les liens qui libèrent. Publié en anglais en 2021, traduit la même année .
(2) Le Néolithique (autrement appelé « âge de la pierre polie »), qui succède au Mésolithique , est une période marquée par de profondes mutations techniques et sociales, liées à l’adoption par les groupes humains d’un modèle de subsistance fondé sur l’agriculture et l’élevage , et impliquant le plus souvent une sédentarisation . Les principales innovations techniques sont la généralisation de l’outillage en pierre polie la poterie, le tissage ainsi que le développement de l’architecture. Cela aurait débuté dans le croissant fertile en Mésopotamie, au 7e siècle avant notre ère et en Chine au 6° siècle, cette dernière présentant néanmoins l’originalité d’une civilisation en continue de cette époque à nos jours … D’où l’intérêt de remonter jusqu’au légendaire pour en confirmer la véracité …
(3) le livre est né d’un dialogue mais David Graeber est mort en 2020. C’est un intellectuel, historien, anthropologue, économiste très en vue, pourfendeur de la bureaucratie capitaliste,enseignant en anthropologie et en éconmie à la London school of Economie. Il estnotamment l’auteur de Dette:cinq mille ans d’histoire (2013) et Bureaucratie (2015). David Wengrow est archéologue et professeur àl’institut d’archéologie de l’University College de Londres (UCI). Il apublié plusieurs livres et articles universitairessur des sujets ayant trait àl’orgine de lécriture, l’art antique,les sociétés néolithiques ou encore l’émergence des premiers Etats en Egypte ou Mésopotamie.
(4) « La révolution n’est pas un dîner de gala; elle ne se fait pas comme une oeuvre littéraire, un dessin ou une broderie […]. C’est un soulèvement, un acte de violence par lequel une classe en renverse une autre. » Mao Tsé-toung, Le Petit Livre rouge, 1966.
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Renaud Bernard
Aujourd’hui à 13 :20 (heure de Paris) décolle de Kourou la fusée Ariane 5 de l’ESA qui mettra sur orbite solaire le télescope James-Webb de la NASA, dont l’acuité ultrafine permettra d’observer et de comprendre l’univers tel qu’il était il y a 13,7 milliards d’années.
La civilisation chinoise, à l’honneur ici, est aussi très ancienne. On peut comme l’univers l’observer sur une longue durée, comptée non en milliards d’années mais en millénaires, et réfléchir sur ce qui régit le cours des sociétés depuis le Néolithique. Nous avons à apprendre de l’Extrême-Orient, comme de toutes les autres civilisations, sans faire de centralisme européen. L’Europe n’est pas une étoile unique rayonnant dans le vide. Les astronomes comme les historiens, ceux-là maniant les milliards et ceux-ci les milliers, savent que les étoiles ne sont jamais solitaires.
Justement l’Extrême-Orient ce n’est pas seulement la Chine, c’est aussi le Japon. Et d’autres, mais le rapprochement entre ces deux pays est intéressant. Leur réussite économique, la Chine étant la deuxième puissance du monde par le PIB, le Japon troisième, les rapprochent, en plus du fait que leur histoire est plus marquée par la continuité que par les ruptures, sans les segmentations de l’histoire occidentale.
Pourtant aujourd’hui leurs situations respectives sont très différentes : le Japon est une monarchie constitutionnelle, la Chine une République populaire. L’économie chinoise s’est orientée vers la socialisme de marché, le Japon en tient pour le capitalisme de marché. Les deux pays ont chacun un parti communiste, l’un au pouvoir, l’autre dans l’opposition. Ces deux partis tiennent entre leurs mains le destin du socialisme dans leurs pays respectifs. En ont-ils la même conception ? Chaque pays adapte le socialisme à ses spécificités nationales, nous dit le Parti communiste chinois. Il serait intéressant de voir ce que nous dit, sur ce thème, le Parti communiste japonais.