Malgré l’inégalité d’accès – seuls 3 % des doses mondiales ont été administrées en Afrique –, malgré l’échec du programme Covax, malgré l’émergence du variant Omicron… l’UE, désormais quasi seule, s’oppose obstinément à une levée temporaire des brevets. Pour rappel, l’élaboration des vaccins doit beaucoup aux laboratoires publics de recherche et a été en bonne partie subventionnée par les États du début à la fin. Pendant ce temps-là, Pfizer-BioNTech et consorts se gavent. On mesure à quel point les anti-vaccins et les démagogues complaisants qui de fait les soutiennent ont fait le jeu de big pharma alors qu’il aurait fallu se mobiliser pour la gratuité des brevets pour tous… Et la pandémie court toujours et nous viennent des zones déjà en proie au VIH, les mutations, cet article composé à partir des extraits de Thomas LEMAHIEU, nous dit à quel point refus de la gratuité des brevets et propagande obscurantiste sont allés avec les filouteries de l’Union européenne. (note et mise en forme de Danielle Bleitrach pour histoire et société)
Samedi 18 Décembre 2021
Thomas Lemahieu
D’après les indiscrétions parues dans la presse spécialisée, l’acteur américain Danny DeVito vient d’achever un script dans lequel le Pingouin, son personnage de vilain qui, face à Batman, cherche d’ordinaire à mettre la main sur les bijoux les plus précieux de la ville, tomberait amoureux de Catwoman et, avec elle, partirait plutôt dérober les stocks de vaccins retenus par les multinationales pharmaceutiques en vue d’une spéculation effrénée et cynique. Coup de théâtre : le couple, déjà improbable, ferait en réalité tout ça pour distribuer les doses aux plus pauvres et sauver le monde entier du Covid-19… Loin de Gotham City, l’Union européenne, c’est un peu le contraire : un bon petit gars, visage avenant, ton affable, à qui on donnerait le bon dieu sans confession dans le prégénérique, mais qui deviendrait un terrible méchant avant la fin du film.
Dossier
Au début de la pandémie, Bruxelles tenait, en quelque sorte, le discours du bon sens : face au nouveau coronavirus, observait-on sur place, il allait falloir une solidarité mondiale, car personne ne s’en sortirait tant que tout le monde n’en sortait pas… Alors que Donald Trump tentait, lui, une OPA très inamicale sur le labo allemand CureVac et surtout se lançait, à coups de milliards de dollars, dans la course à l’achat des premières doses de vaccins, la Commission européenne prenait, elle, en charge les commandes collectives pour le continent afin d’éviter une concurrence destructrice entre les États membres, occupés alors, pour certains, à se chaparder les stocks de masques sur le tarmac des aéroports.
Puis, début mai 2020, dans la posture des grandes consciences mondiales, plusieurs dirigeants européens, comme Angela Merkel, Charles Michel, Ursula von der Leyen et Emmanuel Macron promettaient de contribuer financièrement à un mécanisme de mutualisation entre le Nord et le Sud, un engagement solennel : « Si nous pouvons développer un vaccin qui serait produit par le monde et pour la planète entière, ce sera un bien public mondial unique pour le XXIe siècle, ont-ils juré la bouche en cœur. Ensemble, avec nos partenaires, nous nous engageons à le rendre disponible, accessible et à un prix modique pour tous. »
Puis en Europe, les bonnes paroles se sont envolées, et les actes ont plus ressemblé à ceux de la brute et du truand à la fois. Ainsi, depuis plus d’un an, à l’Organisation mondiale du commerce (OMC), l’Union européenne bloque la proposition, émanant au départ de l’Afrique du Sud et de l’Inde, et désormais soutenue par une centaine de pays, d’une dérogation temporaire sur les droits de propriété intellectuelle pour les vaccins, les médicaments et toutes les technologies contre le Covid-19. Le but de cette disposition limitée est de décupler la production de vaccins dans le monde entier, en permettant aux producteurs de génériques notamment de participer directement. Pis ! Depuis mai dernier, après le changement d’option de l’administration Biden à l’OMC, qui a fini par appuyer le principe d’une levée provisoire des brevets limitée aux seuls vaccins, la Commission se trouve quasi seule, avec le Royaume-Uni et la Suisse, pour défendre la tranchée des profits des multinationales.
À chaque occasion, Bruxelles répète comme un perroquet l’argument soufflé par les géants pharmaceutiques : les brevets rémunèrent l’innovation et, sans eux, plus de recherche et développement ! Un peu gros dans la mesure où les vaccins contre le Covid-19 doivent beaucoup aux laboratoires publics de recherche et, qui plus est, ils ont été largement subventionnés par les États du début à la fin, des essais cliniques à la chaîne de production. Prise dans son aporie, l’Union européenne avance, alors, que le vrai défi, c’est d’améliorer les capacités de production dans les pays les plus riches afin d’espérer, à terme, livrer les doses promises aux pays du Sud.
Juste avant l’annulation pure et simple, fin novembre, sur fond d’émergence du variant Omicron, d’une conférence ministérielle de l’OMC qui s’annonçait cruciale pour la levée temporaire des brevets (lire page 38), la Commission européenne, acculée par la mobilisation citoyenne grandissante à l’échelle de la planète, a fait mine de glisser une ouverture inédite, mais assez dérisoire : le Letton Valdis Dombrovskis, son vice-président chargé du commerce, a ainsi promis d’octroyer aux pays en voie de développement le droit de fabriquer des vaccins, mais sans donner de détails sur le mécanisme qui, du coup, renvoie toujours aux licences commerciales ou obligatoires, insuffisantes dans le contexte de pénurie mondiale.
Derrière cette énième annonce sans portée réelle, Bruxelles a relancé sa machine à propagande. Le 7 décembre, Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission, s’est gargarisée de la charité orchestrée par les Européens à travers le système Covax : « À ce jour, l’Union européenne est le plus gros donateur de vaccins contre le Covid-19 dans le monde, lance-t-elle. Nous avons déjà partagé 350 millions de doses, et nous travaillons dur avec Covax pour accélérer la livraison partout. » Une affirmation péremptoire et contredite par ses propres comptes : il n’y a que 118 millions de doses venues de l’Union européenne qui ont été réellement livrées aux pays du Sud.
« La Commission réécrit l’histoire en présentant des doses annoncées comme si elles avaient été livrées au bout du compte, dénonce Dimitri Eynikel, l’un des animateurs de la campagne pour l’accès universel de Médecins sans frontières (MSF) à Bruxelles. Cette filouterie est honteuse compte tenu des inégalités planétaires. L’Europe a échoué car, avant la fin de l’année, elle n’aura pas livré les 250 millions de doses promises, mais seulement à peine plus de 100 millions… »
En juin, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a, avec des partenaires locaux, installé une plateforme de transfert des technologies pour fabriquer des vaccins à ARN messager en Afrique du Sud. Mais Pfizer-BioNTech et Moderna refusent de partager leurs brevets. Avec 7,2 % de la population africaine qui a reçu une dose de vaccin, la maison brûle, et l’Europe continue de regarder ailleurs : plus précisément, elle contemple les cours de Bourse des multinationales occidentales qui, avec l’émergence d’Omicron, crèvent de nouveau les plafonds : pour Big Pharma, les variants sont moins une menace qu’une nouvelle opportunité commerciale.
Brevets sur les vaccins, l’OMC bloque toujours. Alors que l’Organisation mondiale de la santé a alerté sur la dangerosité du nouveau variant, nommé Omicron, à l’Organisation mondiale du commerce, aucune avancée n’a été enregistrée sur une levée des brevets sur les vaccins anti-Covid. « En juin, le président Emmanuel Macron s’était engagé devant nous à soutenir la demande de levée temporaire des barrières de propriété intellectuelle portée par l’Inde, l’Afrique du Sud et une centaine de pays au sein de l’OMC, affirme Sandra Lhote-Fernandes, d’Oxfam France. Depuis, la France s’est ralliée à la Commission européenne, qui bloque les négociations depuis des mois. En continuant à favoriser les profits faramineux des laboratoires, les pays riches, dont la France, privent le reste du monde d’accès aux vaccins et nous empêchent de vaincre la pandémie. »
Clothide Mathieu
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Jeanne Labaigt
l’Université de Tours annonce depuis deux ans des recherches autour d’un vaccin nasal protégeant les voies d’accès principal du virus dans le corps.
Faculté de Pharmacie – Equipe BioMAP UMR Infectiologie et Santé Publique 1282 Université-INRAe
Il s’agit de recherche publique. Continue-t-on à la développer ?
En septembre dernier 2021 , la directrice de ce projet disait que les résultats sont prometteurs, que ce vaccin devait être surtout proposé dans la visée d’être un accélérateur (booster) en cas de nécessité de troisième dose.
Nous y sommes à la troisième dose et la quatrième à brève échéance n’est pas exclue, mais rien n’est dit de ce qui ce passe à Tours, même dans les journaux de la Région Centre-Val-de Loire.
Les tests ne sont faits que pour aller au bistrot ou faire la fête, pas de moyens collectifs pour un isolement des gens infectés, pas de mesures de simple éducation à l’hygiène.
Les transports sont anxiogènes, les travailleurs sont sur-exposés et quand on voit ce que font les Chinois (avec la vaccination, pas sans la vaccination) quelle est leur réussite et comment l’Occident capitaliste les considère, on mesure l’abîme qui sépare une approche collective de cette gabegie individualiste.