La huitième Conférence ministérielle du Forum sur la coopération sino-africaine (FOCAC), qui s’est tenue les 29 et 30 novembre au Sénégal, à Dakar, est un événement qui dit la réalité de l’évolution planétaire et les transformations de la centralité géopolitique. Il a eu lieu à Dakar qui fut la capitale culturelle et politique de la domination coloniale française. Il replace l’Afrique que certains voyaient comme un “continent endormi” au centre des enjeux géopolitiques avec comme principal enjeu le développement de ce continent, l’importance vitale plus généralement d’un rééquilibrage planétaire, multipolaire et le fait que la Chine après l’URSS et d’une manière différente, a considéré cette zone comme celle de nouveaux rapports sud-sud. Nous résumons ici ce contexte à partir en particulier d’un article de Vladimir Terekhov, dans le magazine en ligne “New Eastern Outlook” pro-russe. (note de Danielle Bleitrach pour histoire et société)
PHOTO : le théâtre de DAKAR construit par la Chine avec un financement chinois.
Des plateformes politiques dont nous ignorons tout en France en dehors des spécialistes ont été mises en place. L’une est le FOCAC, créé en 2000. Tous les pays africains y participent à l’exception du Royaume de l’Eswatini, également connu sous le nom de Swaziland, qui entretient des relations diplomatiques avec Taïwan. Sur les huit réunions tenues au cours de cette période, cinq, dont la dernière à Dakar, ont eu lieu au niveau ministériel. Trois hauts fonctionnaires des pays membres du FOCAC y ont participé.
La réunion de Dakar s’est tenue sous le slogan : approfondir le partenariat Chine-Afrique et promouvoir le développement durable pour construire une communauté sino-africaine de destin dans la nouvelle ère. Le dirigeant de la République populaire de Chine, Xi Jinping, s’est adressé aux participants en ligne. Il a souligné la nécessité d’unir les efforts pour « lutter contre la pandémie de COVID-19, approfondir la coopération pragmatique, promouvoir le développement vert et préserver l’équité et la justice ».
En particulier, il a été annoncé que la RPC est prête à fournir à l’Afrique un lot de vaccins contre la COVID-19 de 1 milliard de doses. Cette annonce a été particulièrement intéressante en raison de la découverte d’une nouvelle souche dangereuse de cette infection dans le sud du continent africain.
A la veille de la réunion de Dakar, les médias chinois ont résumé les résultats impressionnants de vingt ans de mise en œuvre de divers projets en Afrique, qui depuis 2013 font désormais partie intégrante du projet mondial de l’initiative « la Ceinture et la Route ». La Chine est depuis longtemps le leader incontesté parmi les autres puissances mondiales en matière de commerce et d’investissement des économies africaines. Le commerce avec le continent africain au cours de l’année COVID 2020 s’est élevé à 187 milliards de dollars, et il augmentera encore de 40% au cours des trois premiers trimestres de 2021. Avec l’aide de la RPC, 10 000 km de voies ferrées et 100 000 km d’autoroutes ont été posés en Afrique, créant 4,5 millions d’emplois. La Chine investit chaque année plus de 2,5 milliards de dollars dans les économies du continent africain.
Les détracteurs essentiellement occidentaux de cette intervention chinoise ont tenté de déconsidérer ces résultats en agitant “le piège de la dette” et en prenant comme exemple le cas de l’aéroport international d’Entebbe, le seul en Ouganda, dont la modernisation a été financée par la Banque d’import-export de Chine.
Les conditions des prêts garantis pour l’aéroport en cours de modernisation d’un montant total de 207 millions de dollars (plus 2% comme revenu du créancier) avec un plan de versement pour rembourser la dette sur 20 ans ont été convenues en 2017. Deux ou trois ans plus tard, le gouvernement du pays a annoncé qu’il ne serait pas en mesure de rembourser le prêteur et a tenu une série de négociations avec Pékin pour modifier les conditions. Dans le même temps, la question de la « qualité de l’argent utilisé » reçu par le gouvernement ougandais reste peu claire. Quelques jours avant le début du FOCAC, les médias occidentaux citant Sahara Reporters ont annoncé que la RPC avait pris le contrôle de l’aéroport international d’Entebbe.
Cependant, aucune information n’a encore été publiée par Pékin confirmant l’adoption d’une telle décision, qui serait légale, mais lourde de certains coûts de réputation pour la BRI dans son ensemble. Peut-être est-il également pris en compte que les espoirs initiaux de transformer le processus de modernisation de l’aéroport international d’Entebbe en un projet commercial rentable pour la forte augmentation prévue du « tourisme des jeunes » ont peu de chances de se réaliser. L’apparition de la pandémie de COVID-19 et en particulier les souches infectieuses avec l’appauvrissement général de la population même dans les pays développés ont mis à mal ces prévisions.
Ce thème du piège de la dette et les possibilités par Pékin d’utiliser la situation pour mettre la main sur les infrastructures vitales ont été également agités en ce qui concerne le corridor économique sino-pakistanais, la construction du port de Hambantota dans le sud du Sri Lanka. Le cas échéant, le seul abus au Sri Lanka était lié au fait que des entreprises chinoises ont reçu des ordres pour moderniser d’autres ports du pays. Les entreprises occidentales feraient de même si elles remportaient les appels d’offres. Parce qu’il est clair que l’attitude des puissances occidentales n’est pas dicté par un souci pour les économies en voie de développement mais par la concurrence dans des marchés face à la Chine que l’on peint alors comme un dangereux prédateur alors qu’à ce jour, les partenaires chinois de la BRI ont bénéficié d’infrastructures de transport et industrielles, d’établissements d’éducation et de santé, d’aide au développement de l’agriculture et de lutte contre les épidémies. Aucun des « débiteurs » n’a eu de problèmes sérieux avec la RPC jusqu’à présent.
Par une étrange coïncidence, une semaine avant l’événement discuté du FOCAC, trois employés d’entreprises chinoises opérant au Nigeria et cinq en République démocratique du Congo ont été enlevés par des « hommes armés ». Rappelons qu’auparavant au Pakistan, des bus avec des spécialistes chinois qui travaillent dans les installations du corridor économique Chine-Pakistan, qui est l’un des éléments critiques de la BRIont été dynamités.
L’article de Vladimir Terekhov, comme d’ailleurs l’ensemble de la presse russe s’interroge sur la similarité des attaques occidentales contre la Chine et la Russie en utilisant des médias entièrement contrôlés (1) et en jetant sur eux “les terroristes internationaux” et les extrémistes “indépendantistes” d’Europe de l’est qui sont dans la même logique et sont sans doute les marionnettes des “démocraties” occidentales.
L’article conclut que prétendre redresser le caractère fallacieux de telles informations est une perte d’énergie et c’est une bataille contre les moulins à vent. La seule solution et on le voit avec l’épidémie serait au contraire comme le font déjà la Russie et la Chine de s’entendre face à des pays qui ont un besoin urgent d’aide et de la coordination des efforts de ceux qui peuvent la fournir.
Malheureusement les Etats-Unis, les maitres d’œuvre et leurs vassaux les anciennes puissances coloniales et leurs forces alliés de l’OTAN en particulier non seulement prétendent donner des leçons que personne ne leur demande sur les mœurs et les modes de gouvernances, créer des conflits et les utiliser pour asseoir leur domination et leur exploitation. Par ailleurs, ils ne paraissent pas avoir le moindre doute sur leurs légitimités impérialistes alors que l’Afrique comme les autres pays en recherche de développement forts de la présence de la Chine et de la Russie s’élèvent de plus en plus contre leurs prétentions, on le voit au Mali, on le voit avec l’intervention du président de la Guinée Bissau Umaro Sissoco Embaló, que nous publions par ailleurs et qui porte ce langage d’exigence de souveraineté.
Danielle Bleitrach
(1) Le plus extraordinaire de la crédulité et de l’arrogance de nos élites c’est quand ils s’estiment “informés” par de tels médias alors que quand un journaliste ose réellement faire son travail on voit ce qui lui en coûte avec Assange, dans le silence de ses confrères toujours prompts à dénoncer un manquement dans un pays que les USA ont dénoncé comme leur prochaine cible à intervention ou à sanctions. Le plus illustratif de la tendance étant sans doute les réseaux sociaux comme Facebook dont on peut être exclu (ce qui est mon cas) dans l’arbitraire le plus total de la délation et des algorithmes… alors que le même réseau laisse passer à propos n’importe quoi en matière de haine et désinformation… Quand de surcroit on voit les mêmes noter à propos des médias russes ou chinois la stigmatisation “contrôlé par le gouvernement” et considérer que des médias comme France culture et le reste de la presse française ne serait contrôlés par aucun intérêt…
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