Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Que se cache-t-il derrière les révélations du ministère russe des Affaires étrangères par Timofey BORDACHEV

Timofey Bordachev
18 novembre 2021, 17:57
Si l’on en croit ce résumé de la situation, le ministère russe des affaires étrangères, en l’occurrence l’inflexible et très pince sans rire Lavrov, n’a plus d’interlocuteur crédible à Paris et à Berlin. A Berlin, seuls les intérêts économiques en particulier gaziers ont un sens, à Paris, Macron, un irresponsable en perpétuelle autopromotion, pratique une pose mondaine pour les salons, l’oligarchie et ses maîtres étatsuniens. Poursuivre de tels dialogues revient à chercher la guerre, ce que la Russie ne veut pas. (note et traduction de Danielle Bleitrach pour histoireetsociete)

Le 17 novembre, le ministère russe des Affaires étrangères a publié sur son site officiel une partie de sa correspondance  avec les ministres des Affaires étrangères d’  Allemagne et de France concernant la reprise des activités du soi-disant Quartet de Normandie pour le Donbass. C’est devenu un événement assez inhabituel pour la pratique diplomatique russe, qui, en règle générale, a une attitude très conservatrice envers les questions de confiance, surtout à un niveau aussi élevé.

Apparemment, la réputation de ceux avec qui nous avons affaire maintenant en Europe est à un tel niveau que leur réaction à la décision du chef du ministère russe des Affaires étrangères n’a plus beaucoup d’importance. Si la réponse de Berlin et de Paris à la décision inattendue de Moscou avait la moindre importance pour la partie russe, alors le Ministère n’aurait pas procédé à la publication de tels documents.

Il y a au moins deux raisons. Premièrement, nos partenaires européens ne peuvent plus rien faire de substantiellement préjudiciable à la Russie. Deuxièmement, il y a effectivement des moments en politique internationale où la poursuite du dialogue devient non seulement insensée, mais nuisible.

Aujourd’hui, les relations entre la Russie et l’Europe sur la question la plus aiguë pour la sécurité régionale sont à un stade tel que rechercher un dialogue au prix de concessions revient à créer les conditions d’un retour du conflit à une phase chaude. Les principaux pays européens prennent clairement position pour soutenir tout les comportements des autorités de Kiev. Accepter une telle situation ne fera que conduire au fait que la Russie devra toujours recourir à la persuasion par la force, ce qu’elle ne cherche clairement pas à faire. Dans ce cas, le plus logique, est qu’il vaut mieux “geler” tout le processus que de le pousser dans une direction dangereuse pour tout le monde.

De plus, à en juger par le contenu de la lettre publiée des ministres français et allemand à Moscou, la véritable poursuite des travaux des Quatre de Normandie – le format des négociations entre l’Allemagne, la Russie, l’Ukraine et la France, créé en juin 2014 – est complètement hors de leurs plans. C’est-à-dire qu’il n’est pas le moins du monde question que les ministres européens soient prêts à reprendre le dialogue et à en négocier les termes – ils posent simplement les questions les plus importantes de manière à exclure toute possibilité d’un retour au processus de négociation dans un proche avenir. Ainsi, les contre-propositions adressées à la Russie contiennent tout un ensemble de thèses volontairement inacceptables et juridiquement fausses.

Photo : Sergueï Fadeichev / TASS

En particulier, les ministres européens recourent à des instructions selon lesquelles « les participants au format ne seront pas d’accord » avec la mise en œuvre de l’un des points de l’ensemble des mesures pour la mise en œuvre des accords de Minsk de février 2015.

Une telle idée semblerait ridicule si le dialogue direct de Kiev avec les républiques autoproclamées du Donbass n’avait pas été approuvé par la décision du Conseil de sécurité de l’ONU, la plus haute instance internationale. Ce n’est pas un hasard si la contre-lettre du chef du ministère russe des Affaires étrangères, dans laquelle il informe doucement ses partenaires de son intention de publier la correspondance, pointe plusieurs incohérences et exemples de mensonges évidents contenus dans leurs messages.

Au lieu de discuter de la question sur le fond, les ministres européens suggèrent que la Russie accepte que les autorités de Kiev violent les accords de Minsk et n’ont absolument aucune intention de les mettre en œuvre, et Moscou, de son côté, doit faire plus que ce qu’elle a reconnu comme nécessaire depuis sept ans. Ce comportement des Européens repose sur deux facteurs : d’une part, la confiance que la Russie est prête à mener indéfiniment des “négociations après négociations”, et d’autre part, la sérénité totale qui règne à Paris et à Berlin sur le sort de l’Ukraine en tant que telle. Par conséquent, la publication de la correspondance par Moscou n’est pas un geste de désespoir ou une tentative d’exhorter les partenaires à un comportement plus moral. De plus, personne en Russie ne se fait d’illusions sur la possibilité de ce dernier point .

L’attitude des Européens eux-mêmes vis-à-vis de la question de la confiance dans la communication diplomatique joue également un rôle. Il y a quelques jours à peine, l’administration présidentielle française a rejeté une partie du contenu de ses entretiens avec le président russe dans les médias. L’  annonce qu’Emmanuel Macron a informé Vladimir Poutine de l’intention de la France de “défendre l’intégrité territoriale de l’Ukraine” était susceptible de faire forte impression dans le public dans les salons parisiens. Et de montrer la détermination de l’allié européen des États-Unis, qui ces derniers temps ne cachent plus leur mépris pour leurs satellites de l’OTAN.

Cependant, comme nous pouvons le voir, l’effet s’est avéré avoir un usage interne. Paris officiel, comme un enfant, est très offensé par le fait qu’il se permet avec aisance. Il y a quelques jours à peine, le ministre français des Affaires étrangères était indigné que le Premier ministre australien ait divulgué des négociations secrètes sur la fourniture de sous-marins, et maintenant son propre président a fait de même. Il est clair que les décisions de Macron et de son équipe échappent au contrôle du Quai d’Orsay, mais pour la Russie, comme pour le reste, en fait, quelle est la différence ? Moscou, Pékin ou Canberra n’ont pas à fournir des cautions à la complexité de la construction de l’image du leader français.

Pour l’Allemagne, la conviction dominante reste que peu importe la gravité des relations politiques avec la Russie, l’économie restera en place. Berlin a réalisé son nouveau projet de gazoduc et l’équipe maintenant lentement et avec goût de manière à tirer le meilleur parti de la Russie et de ses partenaires de l’Union européenne.

L’Allemagne est, en principe, indifférente au sort de l’Ukraine et à la stabilité aux frontières orientales de l’UE – plus les choses sont mauvaises, plus le canal de communication allemand avec la Russie est nécessaire. Idéalement, il faudrait un arrêt complet du transit énergétique par l’Ukraine et la Biélorussie. Et les Allemands s’attendent de toute façon à parvenir à un accord avec Moscou – nous sommes de vieux partenaires commerciaux de confiance. Eh bien, le ministre allemand des Affaires étrangères Heiko Maas lui-même est déjà, comme on dit, « sur le point de sortir », et la poursuite du drame ukrainien ne le dérange pas du tout. De plus, sous Angela Merkel, le ministère allemand des Affaires étrangères a cessé de jouer un rôle important dans les relations extérieures de la république fédérale.

En conséquence, la Russie doit traiter avec des partenaires dont le degré de responsabilité dans ce qui se passe à sa frontière occidentale est proche de zéro. Les politiciens européens de l’après-guerre froide ont généralement acquis une fantastique légèreté d’être et ont perdu l’habitude de s’embêter sérieusement avec autre chose qu’une belle pose à la télévision et des bonus à venir dans les conseils d’administration des grandes entreprises. Une existence sereine fait désormais partie de la nature de la plupart des personnages avec lesquels Moscou a affaire dans le Vieux Monde, ce qui ne peut qu’affecter leurs capacités intellectuelles. Les Européens comprennent instinctivement ce qui doit être fait pour rester dans le jeu de la politique internationale, mais ont perdu la capacité de réaliser leurs propres intentions.

La principale conclusion de tout ce qui s’est passé est que la Russie, malgré la présence d’interlocuteurs aussi peu convaincants, reste elle-même extrêmement sérieuse. Et même de telles décisions qui lui sont inhabituelles, même si c’est tout à fait normal, si l’on parle des Européens, sont le signe d’une très sérieuse inquiétude. Nous ne pouvons pas nous attendre à ce que le signal soit entendu. Mais pour la Russie elle-même, il est beaucoup plus important non pas l’effet que ses actions produisent à l’extérieur, mais sa propre conscience. Y compris face aux habitants du malheureux Etat voisin appelé Ukraine.

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2 Commentaires

  • Jeanne Labaigt
    Jeanne Labaigt

    Texte dont l’ironie ne fait que révéler l’incompétence crasse de la diplomatie française, et son ridicule masquant sa malfaisance.
    Berlin comme Paris ne sont plus des arbitres d’un processus voulu et initié par l’ONU afin d’arrêter la guerre, mais des alliés de Kiev, prenant parti et renversant les perspectives de paix possibles.
    Une fois de plus Macron est le caniche frétillant et toiletté des Etats unis d’Amérique.

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    • etoilerouge6
      etoilerouge6

      pour bien comprendre la lutte soi disant pour la liberté pour l’Ukraine des racailles françaises anglaises allemandes, vs entrez chez OLLYGAN, vs prenez un costume certains st fabriqués en UKRAINE. Prix du costard 250 e, prix de l’heure ouvrière en Ukraine 2 euros. En 1 h combien de costumes st fabriqués et revendus par ollygan et d’autres qui il y a20 ans dessinaient et produisaient en FRANCE notamment à Marseille. Voilà la liberté d’exploiter en poussant les ouvriers ds la misère à hair les russes, le communisme et à soutenir le fascisme le plus gd moyen d’exploitaion des ouvriers que le capital ait engendré.

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