Aujourd’hui tout le monde connait le fameux prix Pulitzer, mais peu de gens connaissent le personnage qui est derrière ce nom hongrois qui paraît être la caution morale du journalisme. Comme le nom de Nobel, ce marchand de dynamite consacré jadis à la paix, est en passe de devenir la caution la plus indigne des révolutions de couleur et de la démocratie à l’occidentale, la vie réelle de Pulitzer révèle sur quel marécage est bâti le droit à l’information et le journalisme incorruptible mythe, un de plus, des ETATS-UNIS. Et notre presse n’est pas en reste par ces temps où Bolloré impose la même loi, celle d’une presse facteur de manipulation. Pulitzer ne fut rien d’autre que le concurrent de HEARST dont les pratiques inspirèrent Citizien Kane d’Orson Wells. Notez que la rivalité entre ces deux ordures culmina autour de l’annexion de Cuba comme l’explique l’article ci-dessous, c’est là qu’on mesure la permanence de la distance entre les valeurs proclamées et la réalité de ce monde qui se prétend en lutte contre les dictatures et se vend au plus offrant…
Joseph Pulitzer est né le 10 avril 1847 en Hongrie. Son père, Fülöp Pulitzer, était un marchand de graines juif hongrois, sa mère était une catholique romaine d’origine allemande. Après la mort de Fülöp, la famille s’appauvrit et Joseph émigre aux États-Unis en 1864 et il ne parle pas un mot d’anglais.
Son billet a été payé par des recruteurs américains qui cherchaient des soldats pour faire la guerre de Sécession.
À la fin du combat, et pour survivre, Pulitzer se lance dans de nombreux métiers et il s’embarque clandestinement dans un train pour Saint-Louis (Missouri), où il travaille pendant un certain temps comme serveur et il apprend l’anglais.
Pulitzer a été victime d’une arnaque en répondant à une fausse annonce d’emploi comme journalier dans une plantation. Un journaliste travaillant pour le Westiche Post, un journal publié en allemand, s’est intéressé à l’histoire et lui a demandé d’écrire une chronique relatant son expérience. Et il l’a fait. Pulitzer a raconté comment lui et d’autres pauvres types ont été abandonnées à 60 kilomètres de Saint-Louis, et ont dû rentrer à pied en cheminant pendant trois jours sans les 5 dollars de caution qui leur avaient été demandés.
Le directeur du journal a été impressionné par l’article et l’a immédiatement engagé. Quatre ans plus tard, Pulitzer a quitté le journal pour étudier le droit et devenir correspondant pour le New York Sun. Des années plus tard, il a pu acheter le Saint Louis Evening Post et l’Evening Post, qu’il a refondés comme le Post Dispatch. Mais ses ambitions journalistiques ne s’arrêtèrent pas là. En 1887, il a acquis le New York World, devenu célèbre grâce à ses articles à sensation. En raison du succès, il a lancé une édition du soir : The Evening World. Les deux éditions incluaient comme nouveauté la publication de BD ; la première était une bande dessinée intitulée Le garçon jaune, créée par le dessinateur Richard F. Outcault.
Le magnat William Randolph Hearst, qui a servi de modèle à Orson Wells dans Citizien Kane, une célèbre ordure, le principal rival de Pulitzer pour le contrôle des médias de l’époque, suivait avec intérêt les mouvements de celui-ci. Les deux hommes ont rivalisé pendant de nombreuses années pour voir qui publiait les contenus et les histoires les plus surprenantes. Hearst a acquis le journal rival de Pulitzer, le New York Journal, pour rivaliser avec celui-ci directement.
Mais l’apogée de leur rivalité dans une presse qui raconte n’importe quoi et invente l’événement se réalise autour de l’affaire du Cuirassé Maine.
Le soir du 15 février 1898, vers 21h40, le cuirassé américain Maine est victime d’une violente explosion dans la rade de la Havane, à Cuba. La détonation est si violente qu’elle souffle les vitres des maisons de la ville. Le navire sombre presque immédiatement et malgré les secours qui arrivent des autres navires, 252 hommes périssent dans l’accident. 8 autres allaient plus tard mourir de leurs blessures.
Immédiatement, la presse américaine accuse les Espagnols, qui gouvernent Cuba, d’avoir placé une mine sous la coque du navire, lequel était en visite de courtoisie. Dans les faits, une commission d’enquête conclura – en 1911 – à une explosion accidentelle dans la salle des machines et les Cubains diront eux comme la plupart des historiens que l’accident a été organisé pour que les Etats-Unis aient un prétexte d’intervention qui débouchera sur l’occupation par Washington de Cuba, Guam, Hawaï, Porto-Rico et les Philippines !
Il faut dire qu’à Cuba, les Espagnols, qui occupent l’île depuis sa découverte par Christophe Colomb, font face à partir de 1895 à une insurrection indépendantiste. Aux États-Unis, deux hommes tentent de populariser cette guerre à travers des nouvelles sensationnelles mais pour la plupart inventées : le magnat de la presse Joseph Pulitzer, du World, et William Randolph Hearst, qui venait de fonder à 32 ans le New York Journal. Leur presse populaire est qualifiée de yellow press (« presse jaune ») parce qu’elle propose des bandes dessinées en jaune dont la couleur a la fâcheuse tendance à déteindre sur les articles. Leur campagne de presse a le soutien intéressé des hommes d’affaires américains qui ont beaucoup investi à Cuba et rêvent d’en évincer la vieille puissance coloniale. Hearst publie le 9 février une lettre confidentielle de l’ambassadeur d’Espagne à Washington qui présente le président américain McKinley comme un homme terne et timoré.
À cette provocation vient s’ajouter quelques jours plus tard l’explosion du Maine. Le magnat de la presse monte une violente campagne. Pendant plusieurs semaines, jour après jour, il consacre plusieurs pages de ses journaux à l’affaire du Maine et réclame vengeance en répétant inlassablement : « Remember the Maine ! In Hell with Spain ! » (Souvenez-vous du Maine ! En enfer l’Espagne !). Pulitzer n’est pas en reste et l’argent coule à flot. Pressé de partout, le président William McKinley déclare la guerre à Madrid le 25 avril 1898. Il était arrivé au pouvoir l’année précédente sur la promesse de maintenir la paix quoiqu’il en coûte.
La couverture médiatique conçue par Pulitzer et Hearst de la nouvelle était complètement bidonnée, même si plusieurs correspondants avaient été envoyés à Cuba pour couvrir le conflit. Comme les informations obtenues n’étaient pas fiables et ne pouvaient être vérifiées, Pulitzer et Hearst ont fini par inventer la plupart des nouvelles. Ce manque d’éthique professionnelle et le mépris absolu pour le journalisme responsable démontré par les deux en ont fait des caricatures absolues…
En 1892, Pulitzer a proposé de financer la première école de journalisme au monde à l’université de Columbia, mais son offre a été initialement rejetée par le rectorat en raison du caractère controversé du personnage. C’est en 1902, que le nouveau président de l’université Nicholas Murray Butler s’intéressa à la chose.
Après la mort du magnat, le 29 octobre 1911, et avec les 2 millions de dollars qu’il a laissés dans son testament, la Columbia University Graduate School of Journalism a été édifiée en 1912.
Ce serai quelques années plus tard, en 1917, avec le prix qui porte son nom, que Pulitzer a obtenu la reconnaissance d’excellence que sa vie ne l’avait pas autorisé à revendiquer et c’est ainsi que l’escroc et l’individu le plus vénal qui se puisse imaginer a donné son nom à un prix et est devenu synonyme de bon journalisme à l’échelle mondiale.
Le tout pour avoir volé leur guerre aux indépendantistes et grâce aux accords signés à Paris avoir permis aux riches capitalistes de s’emparer de Cuba, de Porto RICO et des Philippines grâce à leurs clameurs médiatiques en faveur de l’invasion…
DANIELLE BLEITRACH
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