Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Jean-Claude Delaunay : Tariq Krim est passionnant, mais il devrait mieux connaitre la Chine…

Le débat est ouvert et il nous aide à mieux percevoir une fois de plus qu’au-delà du numérique et des technologies, de la revendication des travailleurs, du “contrôle social” il y a la possibilité d’une discussion avec “le modèle chinois” non pas pour l’adopter mais pour en parler avec le minimum de connaissances possibles sur sa réalité. (Note de Danielle Bleitrach pour histoire et société)

Ce genre d’article est tout simplement passionnant parce que ce que Tarik Krim évoque est fondamental pour la démocratie et le bien-être en France et que les communistes doivent s’emparer de ces idées, s’ils ne l’ont déjà fait. J’exprime ici naïvement mon enthousiasme, et je vais faire 5 ou 6 remarques pour commencer la discussion, avec Tariq et ce qu’il représente et avec les lecteurs et lectrices de ce blog.
 
1) Ma première remarque a trait à la Chine et aux réserves émises par Tariq à l’égard de ce pays, de son gouvernement. Moi, je veux bien qu’on prenne toutes les distances nécessaires avec la Chine. Je vis en Chine et je ne serai jamais Chinois, mais pour d’autres raisons que celles exprimées par Tariq. Les peuples sont différents et justement, ce que les Chinois cherchent à faire comprendre à la grande bourgeoisie nord-américaine (mais aussi à d’autres trublions impérialistes), c’est que celle-ci doit cesser d’agir pour que le monde entier ne fasse que servir le Dieu du dollar US. Les communistes chinois sont donc profondément démocratiques au plan international. La culture internationale américaine est une culture du rapport des forces alors que la culture internationale chinoise est une culture du rapport de discussion.
 
2) Mais ce que j’observe aussi, c’est que le parti communiste chinois respecte la vie individuelle. On vient d’en avoir un exemple tout récent : quel type de compagnies ne la respecte pas? Eh bien Tariq ne sera pas surpris d’apprendre que ce sont les entreprises privées chinoises du secteur de l’information et des télécommunications. Des lois viennent d’être prises par les Ministères concernés de la Chine pour que ces énormes boîtes n’utilisent pas les informations personnelles qu’elles recueillent inévitablement par les téléphones, les communications, les paiements, les commandes, à des fins commerciales et égoïstes. Et ces entreprises commencent à se faire taper sur le nez de manière significative.  

3) Je ne vais pas développer ces aspects de la vie en Chine. Car mon propos vise tout simplement à dire à Tariq que les Chinois ne sont pas des ennemis, que l’on peut discuter avec eux, que c’est au contraire ce qui leur convient parce qu’ils, elles, savent être différents de nous et ils, elles savent que nous sommes différents d’eux. Je pense au contraire que nous aurions intérêt à bénéficier de leur expérience pour asseoir de manière solide et libre la souveraineté de la France dans le domaine de l’informatique et des communications de toutes sortes.

4) Je pense qu’existe une tendance, en France, à confondre l’humanisme et l’individualisme que le capitalisme monopoliste a exacerbé et continue de pousser à l’extrême. Il est en train de se mettre en place en Chine «un système de crédit social» visant à récompenser les bons comportements et à décourager les comportements asociaux. Cet aspect moral de l’affaire est typiquement confucéen. Le territoire chinois est de plus en plus couvert par des caméras qui permettent de visualiser pas mal d’infractions routières et, dans les villes, dans les milieux sensibles, de limiter considérablement les délits de vol ou les agressions. Je suis personnellement favorable à ce genre de système et, en tant qu’individu, je ne me sens pas agressé parce que, tous les matins, je suis filmé quand je vais faire mes courses. En 2019, je suis allé en France et la première chose qui me soit arrivée après Charles de Gaulle, c’est de me faire voler mon passeport à la Gare du Nord par deux petits connards, que j’ai d’ailleurs revus en fin d’après-midi à la Gare d’Austerlitz, parfaitement à l’aise et parfaitement en pleine action en toute impunité. Moi, je ne trouve pas que le fait de se faire voler soit un indice de grande civilisation.

5) Je passe à autre chose. Tariq parle d’une souveraineté européenne. Est-il sûr qu’il ne faille pas, dans ce domaine encore, marcher sur les deux jambes, celle de la nation en priorité et celle des autres pays européens, s’ils le souhaitent. Ne faut-il pas penser à un modèle français «extensible» par agrégation plutôt qu’à un modèle européen immédiat?

6) Enfin, une dernière remarque sur l’existence de ces nouvelles catégories de travailleurs de l’informatique, de l’information et de la cybernétique sociale. Il me paraît nécessaire et tout à fait possible de réaliser l’unité de la classe ouvrière française et de ces catégories plus intellectualisées (encore que le travail d’un ouvrier tende lui-même à être de plus en plus intellectualisé sans même faire allusion aux techniciens et aux ingénieurs). L’informatique c’est du matériel et du software, et pas seulement du management et de la sous-traitance, comme le rappelle Tariq Krim. Toutes ces catégories nouvelles et les anciennes, elles-mêmes renouvelées, nous, communistes, avons le devoir de les appeler à construire le socialisme dans ce pays, le socialisme c’est à dire la mise à la porte définitive du capital monopoliste et de la grande bourgeoisie qui va avec, et la construction d’une société nouvelle totalement portée par de nouvelles technologies, de nouveaux savoirs, de nouvelles connaissances, et cela pour le bien-être du peuple et la souveraineté de la nation.

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2 Commentaires

  • Xuan

    Souveraineté, oui mais au-delà il s’agit de la liberté d’expression et de la censure.

    Après avoir censuré Trump, la Silicon Valley se pose à nouveau en gardien de la morale : Google et You Tube vont censurer tous les contenus climato-sceptiques.
    Immédiatement des lobbies écologistes se sont engouffrés dans la brèche pour réclamer également la censure du greenwashing (les pratiques de commercialisation abusant de présupposés écologiques).
    Que Trump soit censuré indiffère et certains pourraient se réjouir d’une victoire sur l’obscurantisme, mais le problème est : qui mandate les GAFAM pour juger ce qui est juste et ce qui est faux ? Et de quels lobbies activistes sont-ils eux-mêmes dépendants ? Qui décrète en définitive ce qui relève ou non du mensonge ?
    La loi américaine laisse ses entreprises entièrement libres de ces décisions, mais ces mêmes entreprises jouissent d’un monopole quasi mondial, à l’exception de la Chine, de sorte que leur morale – autoproclamée universelle – s’impose au monde entier.

    Le jour où les bobos de la Silicon Valley décident que le communisme est hors-la-loi qui peut les empêcher de censurer la terre entière ?

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  • Xuan

    Si l’indépendance nationale est indispensable face à l’hégémonisme des monopoles US, faut-il préciser qu’elle ne constitue en rien une garantie face à nos propres monopoles.

    Le point 2 relevé par Jean-Claude est très clair :

    « Mais ce que j’observe aussi, c’est que le parti communiste chinois respecte la vie individuelle. On vient d’en avoir un exemple tout récent : quel type de compagnies ne la respecte pas? Eh bien Tariq ne sera pas surpris d’apprendre que ce sont les entreprises privées chinoises du secteur de l’information et des télécommunications. Des lois viennent d’être prises par les Ministères concernés de la Chine pour que ces énormes boîtes n’utilisent pas les informations personnelles qu’elles recueillent inévitablement par les téléphones, les communications, les paiements, les commandes, à des fins commerciales et égoïstes. Et ces entreprises commencent à se faire taper sur le nez de manière significative ».  

     

    Cela signifie que le développement de l’intelligence artificielle en Europe, voire indépendamment dans notre propre pays, et y compris dans le cadre d’un Frexit, ne protège ni données ni liberté d’expression. Nous avons déjà vu que certains médias comme le Monde ou Libération, par ailleurs largement inféodés au bureau des légendes US, se sont autoproclamés juges arbitres des fake news et de la chasse au complotisme. Nous avons aussi dans notre pays de puissants groupes de presse ou fournisseurs d’accès dirigés par des magnats comme Xavier Niel ou Bolloré, et on voit comment la magie du capital peut propulser aux sommets des sondages un fasciste et un raciste décomplexé.

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