Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Le Parti des travailleurs de Corée – 76 ans de luttes … et surtout de luttes intestines, par Dmitri Kosmatchev

‌Article trouvé sur Svobodnaia Pressa, un site proche du KPRF, je ne connais pas l’auteur, c’est son premier article sur le site en question. L’intérêt de ce texte est de montrer le chemin parsemé d’embûches de la libération d’un peuple coincé entre plusieurs civilisations… nous dit Marianne qui a traduit ce texte, personnellement vu mon état d’esprit actuel j’y vois aussi la manière dont le capital et les classes dominantes réussissent à mettre dans un état humiliant et de sous-développement les classes exploitées et l’état réel de ceux qui tentent de sortir de ces eaux boueuses donc cette description picaresque du pays ermite n’est pas si éloignée de ce qui m’oblige aujourd’hui à prendre quelques jours de vacances dans la France d’octobre 2021. (note de Danielle Bleitrach et Marianne Dunlop, traduction de Marianne Dunlop)

https://svpressa.ru/politic/article/312404/

Photo : AP Photo/Ahn Young-joon/TASS

Le 10 octobre marque le jour de la fondation du Parti des travailleurs de Corée (PTC), la principale force politique de Corée du Nord. Son prédécesseur, le Parti communiste de Corée du Nord, a été fondé il y a plus de trois quarts de siècle, le 10 octobre 1945, lors d’un congrès fondateur qui s’est tenu dans l’ancienne chambre de commerce et d’industrie japonaise à Pyongyang. La date du 10.10, ainsi que la date de la fondation de la République le 09.09, n’ont pas été choisies par hasard. Selon la numérologie de l’Asie de l’Est, il s’agit de paires de chiffres porte-bonheur. Mais il y a une certaine étrangeté dans la date de la fondation du parti. D’abord, les Japonais auraient été expulsés du pays, l’indépendance gagnée, et ce n’est qu’après que les communistes locaux se seraient rassemblés et auraient créé leur propre parti. Mais où se trouvait jusqu’alors le dirigeant communiste Kim Il Sung ?

Sur les hautes berges du fleuve Amour.

Le parti communiste de Corée a en fait été créé il y a un siècle, mais l’historiographie nord-coréenne ne le reconnaît pas comme canonique. Plus exactement, deux partis communistes coréens ont été créés en même temps.

Un parti communiste a été créé à Irkoutsk en mai 1921 dans la République tampon d’Extrême-Orient, créée pour éviter un conflit armé direct entre la RSFSR russe et le Japon, à l’initiative du représentant du Comintern en Extrême-Orient, Boris Choumiatski. Ce parti communiste était principalement composé de Coréens qui avaient pris la citoyenneté russe sous le tsar.

Sur la photo: les révolutionnaires mongols, parmi eux (septième à partir de la gauche) B. Z. Shumyatsky.

Sur la photo : des révolutionnaires mongols, parmi lesquels (septième à partir de la gauche) Choumiatski. (Photo : wikipedia.org)

À la même époque, les socialistes coréens de Shanghai ont formé leur propre parti communiste, dans le cadre d’un gouvernement coréen en exil créé par des émigrés coréens à Shanghai. Ce gouvernement était dirigé par le futur premier président de la Corée du Sud, le professeur Syngman Rhee. Le Parti communiste de Shanghai n’avait aucun contact avec le Comintern et était largement indépendant de Moscou. Il a simplement adopté le nom, alors très en vogue, de Parti communiste.

La même année, en 1921, des unités de guérilla de l’armée de l’indépendance, contrôlée par le gouvernement des émigrés de Shanghai, ont été défaites par des unités de l’armée régulière japonaise à la frontière de la Mandchourie et ont pénétré dans la partie de l’Extrême-Orient russe contrôlée par les bolcheviks. Le Kremlin a décidé que c’était une bonne occasion de créer un nouveau foyer de la révolution mondiale dans ce coin du monde.

Les unités hétéroclites de la guérilla coréenne sont rassemblées pour se reformer, s’entraîner et se réarmer dans la ville de Svobodny, sur les rives du fleuve Amour, sur le territoire de la République d’Extrême-Orient. Un ancien chef des partisans qui s’était battu contre Koltchak en Yakoutie, Nestor Kalandarishvili, un anarchiste soviétique surnommé “le Grand-père sibérien”, est mis à la tête de cette armée hétéroclite, qui compte cinq mille hommes en tout.

Sur la photo (au centre) : Nestor Kalandarishvili

Sur la photo (au centre) : Nestor Kalandarishvili (Photo : irkutsk-kprf.ru)

La logique était simple : un bagnard autoritaire et anarchiste devait prendre sous son commandement, d’une main de fer, cette milice sauvage qui, pour la plupart, différait peu des bandits de la forêt, les honghuzi (红胡子, littéralement « Barbes rouges »).

Mais il y avait un hic : les commandants de la plus grande unité, l’unité Sakhaline de mille cinq cents baïonnettes, étaient des membres du parti communiste non contrôlé de Shanghai. Il a été décidé de les remplacer par des communistes d’Irkoutsk qui avaient fait leurs preuves. Les guérilleros ont résisté au remaniement et le tout premier conflit armé entre courants alternatifs du communisme en Asie de l’Est a éclaté, préfigurant la guerre sino-vietnamienne et l’occupation du Cambodge par le Vietnam plus de 50 ans plus tard.

Finalement, après trois jours de combats entre communistes coréens, tous les guérilleros coréens ont été désarmés par les unités régulières de la République d’Extrême-Orient. Le Comintern s’est vu contraint d’abandonner ses plans visant à lancer une guérilla à grande échelle en Corée, et Kalandarishvili, après avoir échoué à devenir un Che Guevara, quitte Svobodny pour Yakoutsk et est tué en chemin par des insurgés contre-révolutionnaires yakoutes.

Un mandat frappé d’un sceau taillé dans une pomme de terre

Mais ce n’était que le début. Il s’est avéré que le conflit entre les deux centres du mouvement communiste en exil n’était qu’un prélude à ce qui a commencé lorsque des organisations communistes ont émergé en Corée même.

En général, le factionnalisme, les luttes de factions et de clans font partie intégrante de la tradition politique coréenne. La politique au XIXe siècle sous la dynastie royale des Yi a été façonnée par les luttes entre les cliques de la cour. Ces cliques pouvaient se déclarer partisans ou adversaires du taewongun (régent sous un souverain mineur), partisans du progrès et de l’ouverture du pays ou partisans de l’isolement selon les valeurs confucéennes traditionnelles, adhérents ou adversaires du nouvel enseignement religieux du Tonghak (prônant une alliance avec la Russie, la Chine ou le Japon), mais tout cela était secondaire. L’élément principal de la formation de ces groupes était la parenté : qui était né où, qui étudiait avec qui et qui était apparenté à qui.

Les cliques de la cour se livraient à des querelles fatales, souvent contre les intérêts de l’État. Les différentes factions du mouvement communiste coréen qui ont émergé après 1924 (l’historiographie officielle du parti de la RPDC les appelle le “premier mouvement communiste”) ont littéralement suivi les pas des anciennes camarillas de la cour.

Leurs noms étaient fleuris et cryptiques. Par exemple, “Pukpungpha” – c’est-à-dire la “Société du Vent du Nord”. C’est parce que des idées progressistes arrivaient en Corée depuis le nord, depuis la Russie soviétique. Elle était concurrencée par Hwayopha, la société du mardi, ainsi nommée parce que Karl Marx est né un mardi, et non un autre jour de la semaine. Puis vint Soulpha, la Société de Séoul, et Emelpha, le groupe marxiste-léniniste.

Il n’y avait pratiquement aucune différence d’idéologie, mais il y avait une sérieuse concurrence entre eux, car le principe du Comintern “un pays, un parti” s’appliquait. Cela signifiait que la faction qui serait la première à être reconnue par l’Internationale forçait les autres à se soumettre, à se dissoudre et à admettre leurs membres individuellement.

La lutte entre les factions s’est accompagnée d’attaques de réunions rivales tenues dans des restaurants et de bagarres avec des rouleaux de bois, de dénonciations mutuelles à la police japonaise et enfin de la fabrication d’une fausse lettre-directive du Comintern, scellée avec un faux tampon gravé sur une pomme de terre.

Tout cela aurait ressemblé à une opérette, si la police politique japonaise n’avait pas fait régner une terreur brutale avec le Kempeitai. Les méthodes de torture utilisées étaient si brutales que Ma Dong-hee, l’un des compagnons d’armes de Kim Il-sung dans la lutte souterraine et la guérilla, a fini par être capturé et s’est tranché la langue avec ses dents par peur de trahir ses camarades dans la douleur.

Finalement, Moscou se lasse de cette épreuve de force incessante et, en décembre 1928, le Comintern ordonne de dissoudre toutes les organisations communistes coréennes du début. Ceux qui souhaitent poursuivre la lutte sont invités à rejoindre le parti communiste chinois (la juridiction japonaise sur ce pays n’est pas reconnue par l’état-major de la révolution mondiale).

Le camarade Kim Il Sung était membre du PCC pendant les années difficiles de la lutte antijaponaise. D’autant plus qu’après l’occupation de la Mandchourie en 1931 et la proclamation de l’État fantoche du Mandchoukouo, un mouvement de guérilla de libération chinoise a éclaté en Mandchourie où vivait un nombre considérable de Coréens.

Les listes du Minsengdang jetées au feu

Mais les relations entre les communistes coréens et chinois n’ont pas toujours été sereines. Au début des années 1930, le parti communiste chinois, après une série de défaites infligées par le Kuomintang et diverses cliques militaristes, se met à la recherche d’ennemis internes – espions ou saboteurs.

On pense que des réactionnaires de diverses obédiences créent des sociétés secrètes spéciales de la Ligue AB (c’est-à-dire anti-bolchevique). Leurs membres adhèrent au parti communiste chinois et, pour un temps, tels des agents gelés, attendent de frapper lorsque les dirigeants de cette organisation quasi-maçonnique leur en donneront l’ordre.

Lors de la campagne contre les ligues antibolcheviques, cinq ans avant les procès de 1937 en URSS, des milliers de membres du PCC ont été réprimés dans la clandestinité en Chine. En Mandchourie, le volant de la répression a été abattu par les communistes chinois sur leurs compagnons d’armes coréens.

Le fait est que dans la région de Jiangdao, où vivaient des centaines de milliers de Coréens, les guérilleros avaient créé des districts libérés. Ensuite, ils procédaient à sa “soviétisation”, c’est-à-dire qu’ils mettaient en commun la terre et le bétail, créant ainsi essentiellement des fermes collectives partisanes. Les paysans coréens n’apprécient pas particulièrement cette politique et s’enfuyaient sous la protection des baïonnettes japonaises. Les Japonais, quant à eux, réunissaient les paysans lésés dans une organisation d’autodéfense, le Corps de vie du peuple, ou Minsengdang.

Le corps d’armée lui-même était capable de faire face à la guérilla de manière faible, mais bien plus efficace que l’organisation elle-même étaient les rumeurs à son sujet diffusées par les services de renseignements militaires japonais et la police secrète. Tous les Coréens de Jiangdao, y compris les guérilleros communistes, rêvaient d’arracher la région à la Chine fantoche du Mandchouguo, même si elle lui appartenait, et de l’incorporer à la Corée, qui faisait déjà partie de la métropole japonaise.

Sur la photo: un complexe de monuments à la guérilla coréenne sur la rive du lac Samjien près d’un camp de guérilla secret au pied du mont Paektusan. Selon l’historiographie officielle de la RPDC, pendant la Seconde Guerre mondiale, il y avait un camp secret de guérilleros anti-japonais, qui était dirigé par le fondateur de la République populaire Kim Il Sung. Selon les récits des guides, en 1987, Kim Il Sung est personnellement venu au pied de Paektusan et de mémoire a trouvé dans la forêt l’endroit où se trouvait le détachement pendant la guerre. Après cela, les bâtiments en bois de la guérilla, y compris la maison où Kim Jong-il est né, ont été reconstruits et sont devenus un complexe commémoratif dédié à la révolution coréenne. On pense qu’en 1942 son fils y est né, nommé Kim Jong-il, qui après la mort de son père en 1994 a pris le poste de dirigeant de la RPDC.

Sur la photo : un complexe de monuments à la mémoire des guérilleros coréens sur la rive du lac Samjien, près d’un camp secret de guérilleros au pied du mont Paektusan. Selon l’historiographie nord-coréenne, le site abritait un camp secret de guérilla antijaponaise pendant la Seconde Guerre mondiale, dirigé par Kim Il-sung, le fondateur de la République populaire. Les guides racontent qu’en 1987, Kim Il Sung s’est personnellement rendu au pied du Paektu et, de mémoire, a trouvé l’endroit dans la forêt où se trouvait l’unité pendant la guerre. Les bâtiments en bois de la guérilla, dont la maison où est né Kim Jong Il, ont été reconstruits pour devenir le complexe commémoratif dédié à la révolution coréenne. On dit que son fils, Kim Jong-il, qui a pris la tête de la RPDC après la mort de son père en 1994,y est né en 1942.(Photo : Yevgeny Agoshkov/TASS)

Les communistes chinois ont cru à ces calomnies et ont organisé une purge massive dans les rangs des unités de guérilla dont faisaient partie des Coréens. Presque tous les commandants coréens et une grande partie des guérilleros de base furent accusés d’être membres du Minsendan. Environ un millier exécutés comme espions. Ainsi, les Coréens jusqu’alors épargnés par la purge préfèrent faire défection ou se rendre aux Japonais en échange de la promesse d’une amnistie.

Kim Il-sung a également été accusé d’être impliqué dans le Minsengdang. Il a été sauvé de l’exécution par l’intercession de l’autoritaire commandant de campagne chinois, Shi Zhonghen. Les guérilleros de l’unité Kim Il Sung lui avaient sauvé la vie en le transportant blessé du champ de bataille lors du raid infructueux des forces antijaponaises sur la ville de Dongning. En remerciement, le commandant de la brigade de l’Armée du Salut de la Patrie a dit à ses camarades que le commandant Kim Il-sung ne pouvait pas être un chien japonais.

Sous sa pression, le commandement des forces de guérilla chinoises en Mandchourie rend un jugement de Salomon : tous les Coréens soupçonnés d’être impliqués dans le Minsendan sont remis à l’unité de Kim Il-sung pour être libérés sous caution. Et la première chose qu’il fit après avoir reçu un tel renfort fut de brûler les listes du Minsendan. Cette scène est devenue l’un des principaux sujets de l’iconographie des activités partisanes du grand leader.

Le grand leader Kim Il Sung dirige l’incendie des livres.

Le Grand Leader Kim Il Sung supervisant la destruction des dossiers.

Un casse-tête – rassembler le Parti

Après la libération du pays, la construction du parti et de l’État en Corée du Nord s’est largement inspirée des modèles soviétiques. En construisant le futur PTC, Kim Il Sung a sincèrement tenté de reproduire l’unité morale et politique du Parti communiste de l’Union d’après-guerre des bolcheviks fidèles au leader. Mais dans les premiers temps ça s’est plutôt mal passé.

Ce sont surtout les compagnons d’armes de Kim Il-sung, issus de la guérilla en Mandchourie, ainsi que les Coréens soviétiques revenus dans leur patrie historique pour construire une société nouvelle, qui sont élus au Comité central en octobre 1945.

Il faut dire que les Coréens,dont la majeure partie vivait à l’étranger, étaient considérés comme un peuple peu fiable en URSS. C’est pourquoi, à la veille du début de la Seconde Guerre mondiale, ils ont été déportés des régions frontalières de Primorye vers l’Asie centrale et le Kazakhstan. Ils n’étaient pas admis dans le parti, n’étaient pas enrôlés dans l’armée et ni promus dans l’échelle des carrières.

Par conséquent, les ministres et les membres du comité central de la nouvelle Corée étaient hier des contremaîtres de fermes collectives, des assistants médicaux, des enseignants et des chefs de MTS.Le chef des rapatriés était Alexei Ivanovich Hegai, qui, après sa réinstallation dans sa patrie historique, est devenu Ho Ga Yi. Il est l’un des très rares Coréens de souche à avoir fait carrière en Union soviétique, où il a été secrétaire du comité du parti du district et comptable après s’être installé en Ouzbékistan. Cependant, sous les Japonais, qui traitaient leurs sujets coréens comme du bétail, ils n’étaient pas en mesure de s’élever même à des postes de gestionnaires de bas niveau ou d’intellectuels de bas niveau en dehors de la communauté coréenne elle-même.

Le Parti communiste de Corée du Nord a ensuite fusionné avec une autre organisation marxiste-léniniste, le Nouveau parti populaire, pour former le Parti du travail de Corée du Nord. Le Nouveau parti populaire avait été formé par des communistes qui avaient été basés à Yanan, la capitale d’une zone spéciale de la Chine dans la province de Shaanxi, pendant la guerre. Il s’agissait d’une zone contrôlée par le PCC, où se trouvait la résidence de Mao Zedong.

Le chef officiel de la faction pro-chinoise “Yanan” était le patriarche du mouvement communiste, Kim Du Bon, qui avait pris part au soulèvement du Premier Mars en 1919. En RPDC, il a assumé le poste de président de l’Assemblée populaire suprême. Mais au sein de la faction du parti, Kim Du-Bong était plutôt un général de mariage ; la véritable lutte politique des Yananais était menée par Choi Chang-Ik.

Sur la photo: la délégation du parti-gouvernement coréen dirigée par le président du Cabinet des ministres de la RPDC Kim Il Sung lors d’une réception au président du Présidium du Soviet suprême de l’URSS Nikolai Shvernik, 1949.

Sur la photo : la délégation du parti et du gouvernement coréens dirigée par le président du Cabinet des ministres de la RPDC, Kim Il Sung, lors d’une réception donnée par Nikolaï Chvernik, président du Présidium du Soviet suprême de l’URSS, 1949. (Photo : TASS)

Enfin, en 1949, les membres clandestins qui avaient créé le Parti du travail de Corée du Sud sur le territoire contrôlé par les Américains se sont déplacés vers le Nord, après quoi les Partis du travail du Nord et du Sud ont fusionné pour former le TKP unifié. Du Sud, un autre vétéran du parti communiste d’Irkoutsk et de la Société du Mardi, Park Hongyeon, devenu ministre des affaires étrangères de la RPDC et vice-président du comité central de la TPK, et son assistant Lee Seung-yop, qui a également rejoint le gouvernement et le secrétariat du comité central du parti, ont intégré la direction du parti et du pays.

Par conséquent, quatre factions se sont formées au sein du PTC au début des années 1950 : les guérilleros mandchous de Kim Il-sung, les Coréens soviétiques, les Coréens orientés vers la Chine et les anciens combattants clandestins du sud. Comme dans les factions du mouvement communiste des années 1920, il n’y avait pas de différences idéologiques particulières entre elles. L’appartenance à une faction ou à une autre était déterminée par leur lieu de naissance, leurs études, qui étaient partisans ou qui travaillaient dans la clandestinité. L’acuité de la lutte interne au parti a été temporairement émoussée par la guerre de Corée, la guerre la plus sanglante de la seconde moitié du vingtième siècle.

Au cours de l’été 1953, après l’armistice, le PTC est devenu le théâtre d’une lutte sectaire féroce. Ses premières victimes sont les insurgés du Sud, qui n’ont pas de grands soutiens à l’étranger. Park Hongyeon et Lee Seung-yop ont été qualifiés d’agents américains pendant la guerre, pour avoir dirigé les bombardiers américains vers le quartier général du commandant en chef suprême, situé dans une gigantesque grotte rocheuse.

Sur la photo: Le maréchal Kim Il Sung fait un défilé militaire après la fin de la guerre. Juillet 1953.

Sur la photo : le maréchal Kim Il Sung lors d’une parade militaire après la fin de la guerre. Juillet 1953. (Photo : World History Archive/UIG/TASS)

Sur la photo: un défilé militaire après la fin de la guerre. Juillet 1953.

Sur la photo : parade militaire après la fin de la guerre. Juillet 1953. (Photo : World History Archive/UIG/TASS)

Aussi excentriques que soient ces allégations, elles n’étaient pas totalement dénuées de fondement. La secrétaire de Park Hong-Young Alice Hyun, citoyenne américaine, a été arrêtée par le MGB soviétique à l’aéroport de Moscou en avril 1950, à la veille de la guerre de Corée, avec des documents secrets signés par Kim Il-Sung. L’infortunée secrétaire a ensuite été remise aux services secrets coréens, mais le chef influent a réussi à la dégager de toute responsabilité à l’époque. Cependant, trois ans plus tard, le halo de son pouvoir s’était déjà estompé. Lee Seung-yeop et dix de ses associés ont été condamnés à l’exécution lors d’un procès public à la fin de 1953, et Park Hong-Young a été fusillé quelques années plus tard.

La faction soviétique a également perdu son leader au cours de l’été 1953. Ne pouvant plus résister à la fureur de la lutte, Ho Ga Yi s’est suicidé en se tirant une balle avec un fusil de chasse. Il a appuyé sur la gâchette avec son orteil.

Ce sont les partisans de la Chine qui ont résisté le plus longtemps. Mais en août 1956, ils sont défaits lors du plénum du Comité central qui, dans le sillage du 20e Congrès, tente de faire condamner le “culte de la personnalité” de Kim Il-sung et de l’écarter de tous les postes de direction.

Après cela, quatre factieux ont fui Pyongyang vers le nord. Ils ont loué un bateau, apparemment pour la pêche, dans un village situé sur le fleuve Yalou, à la frontière chinoise, et ont gagné la côte chinoise. L’évasion a donné lieu à la visite d’une prestigieuse commission d’inspection internationale qui, du côté soviétique, comprenait des poids lourds de la politique comme Anastas Mikoyan et, du côté chinois, le maréchal Peng Dehuai, qui avait récemment commandé un million de volontaires du peuple chinois en Corée. Les parties au conflit ont été invitées par l’auditorium à se réconcilier et à ne plus se contrarier. Kim Il-sung conserva tous ses postes, mais il reçut l’ordre de réintégrer les factieux dans le parti.

Mais dès que la haute commission a quitté le pays, la “faction chinoise” a fait l’objet de représailles. Dès lors, un système politique appelé “unité entre le leader du Parti et les masses populaires” a été établi. Après avoir vaincu les factions opposées à Kim Il Sung, l’idéologie du PCC a proclamé les idées originales du Juche au lieu du marxisme-léninisme et s’est engagée dans la construction d’un socialisme spécial sur le modèle coréen. Depuis lors, il y a unanimité et cohésion dans le parti.

La seule rechute de la lutte entre factions à une époque ultérieure s’est produite au sein du PTC après la mort de Kim Il-sung en 1994, pendant la période de difficultés économiques, que l’on appelle en Corée du Nord la “dure marche”. Une lutte d’influence sur le nouveau dirigeant, Kim Jong-il, s’ensuit entre les militaires et les idéologues.

Les “idéologues” engagés dans le développement des idées du Juche étaient dirigés par Hwang Janggyeop, secrétaire du Comité central du PTC pour les affaires internationales. Les militaires ont triomphé et l’arsenal idéologique de la RPDC s’est enrichi du terme “Songun”, qui a temporairement supplanté le juche dans la rhétorique officielle. Songun veut dire : “donner la priorité aux militaires dans chaque situation, mettre le fusil en premier” et appliquer activement les méthodes militaires dans la vie civile. La politique de Songun a été vigoureusement poursuivie tout au long du mandat de Kim Jong-il, et la direction de l’armée était le groupe politique le plus influent à cette époque.

Quant à Hwang Jang-yeop, vaincu, il a peu après fait défection – profitant d’un voyage en Chine pour fuir en Corée du Sud. Il est décédé à Séoul le 10 octobre 2010, date du 65e anniversaire de la fondation du Parti du travail de Corée, alors que des célébrations de masse, dont une procession aux flambeaux, étaient en cours à Pyongyang.

Sur la photo: le monument à la fondation du Parti des travailleurs de Corée - un monument à Pyongyang, la capitale de la RPDC, érigé en l’honneur de la fondation du parti au pouvoir de la RPDC le 10 octobre 1945

Sur la photo : le Monument de la fondation du Parti du travail de Corée, érigé à Pyongyang, capitale de la RPDC, pour commémorer la fondation du parti au pouvoir le 10 octobre 1945.

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1 Commentaire

  • Yannick LB
    Yannick LB

    Passionnant article, pour qui n’est pas familier de l’histoire coréenne, et nous sommes nombreux ! Luttes de factions qui n’étaient pas des luttes de tendances ni des batailles de motion : du saignant !

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