Nous avons ici non seulement un panorama de la situation de Cuba et de l’Amérique latine mais une leçon de politique dont les traits doivent être soulignés parce qu’ils concernent Cuba mais aussi une situation plus générale. Il faut bien mesurer les possibles d’une situation et avancer en en tenant compte selon ses principes et sa stratégie. Cette situation connait une évolution favorable, mais les dangers sont là, l’ennemi est plus déterminé que jamais. La bataille idéologique est plus nécessaire que jamais, elle ne se gagne pas dans les médias, les couloirs du pouvoir, avec le peuple et par le peuple, la nécessité de faire son unité par la démocratie socialiste. Cet article nous dit à la fois la solidarité dont a besoin Cuba, matérielle, politique et idéologique mais aussi et surtout la nature du combat révolutionnaire partout dans le monde, en France comme ailleurs. Quelque chose est en train d’évoluer et l’ennemi renforce sa pression alors il faut agir à la base, de là seulement on desserrera l’étau en fonction de notre capacité de mobilisation et d’initiative populaire qui ont le socialisme comme but avec ici comme ailleurs la nécessité d’un parti de militants à la base qui ne seraient pas constamment aspiré par le haut et bureaucratisé. (note et traduction de Danielle Bleitrach pour histoire et société)
Le sommet de la CELAC, qui vient de s’achever, a amené un vent favorable de principes, de décisions et de mesures à prendre pour l’ensemble des pays d’Amérique latine et des Caraïbes. Des Accords prévoyant la mise en œuvre d’actions importantes sur différents fronts: la lutte contre la pandémie, l’intégration d’une agence spatiale régionale et la création d’un organisme financier, doté d’un modeste fonds monétaire, pour aider les petites nations des Caraïbes touchées par de périodiques et terribles catastrophes naturelles.
Les représentants de l’Uruguay et du Paraguay ont marqué leurs divergences, j’imagine après avoir reçu des instructions et des menaces de Mauricio Claver Carone, le tout puissant président de la BID, qui, dans une visite urgente, est arrivé dans leur pays quelques jours avant le conclave. Les discours du président Diaz Canel ont été percutants, à la hauteur d’un homme d’État de bonne souche qu’il représente : j’en suis fier. Il faut dire qu’il a brillé, en particulier, dans ses réponses au laquais La Calle.
À Cuba, nous étions tous suspendus à l’événement. L’intervention solidaire, affectueuse et magistrale d’Andrés Manuel López Obrador, président du Mexique, dénonçant l’empire pour son blocus inhumain de l’île, la qualifiant de nouvelle « Numancia », tout en condamnant ouvertement et directement l’OEA comme appareil colonial des États-Unis, joints aux accords décrits ci-dessus, ont insufflé une nouvelle vitalité à la CELAC fondée par Fidel et Chavez.
Bien sûr, nous nous retrouvons avec le désir de revitaliser d’autres instruments politiques et économiques qui existaient autrefois, la disparition de l’OEA méprisable et la création d’un secrétariat général qui donnerait un pouvoir exécutif à l’organisme, mais tout ne peut pas se réaliser en un jour; on dit que même Dieu en avait eu besoin de sept pour construire le monde.
L’Amérique latine et les Caraïbes d’aujourd’hui, ce ne sont pas celles d’hier, le néolibéralisme brandi par le président équatorien et ses collègues de la région, dirigés par le fasciste Bolsonaro, ont conspiré contre les désirs d’unité et d’intégration. La diplomatie du Mexique, pays hôte, a pu mener le conclave à bon port au milieu d’une mer démontée qui cherchait l’extinction de la CELAC. Le plan de la CEPAL présenté par Alicia Bárcenas et approuvé par tous, représentait une plate-forme unitaire de travail d’une importance vitale, qui préservait l’unité latino-américaine, tout en servant de tribune à d’éminents mandataires, pour exposer leurs points de vue, leurs demandes et leurs condamnations.
Des questions restent en suspens, y compris la revitalisation des commissions gouvernementales et d’autres instruments régionaux, ainsi que l’émigration latino-américaine et caribéenne ; la décision de la déportation de milliers d’Haïtiens, par le gouvernement américain, responsable des malheurs et des angoisses de ce peuple viril et héroïque, est scandaleuse et cruelle. Réaliser tout était impossible et la politique est l’art du possible.
A Cuba, la situation socio-politique reste complexe, même si ne se manifestent pas les signes plus visibles. Les États-Unis poursuivent leurs politiques et mesures criminelles pour étouffer notre économie et faire tomber le pays, comme l’a dit à juste titre le cher AMLO, qui a en outre souligné que l’objectif impérial était de conduire le peuple cubain par le désespoir et les difficultés à une « révolte populaire », qui non seulement renverserait ses autorités, mais briserait l’exemplarité, l’espoir.
Telle est la stratégie de toujours de l’ennemi, provoquer un « soulèvement populaire », parce que c’est la solution dans laquelle l’empire n’apparaîtrait pas publiquement impliqué et il pourrait détruire la Révolution cubaine et son projet libérateur. C’est à cette fin que la CIA, l’USAID, la NED et l’ensemble du réseau d’organismes subversifs de ce pays travaillent activement.
Ils utilisent tout l’arsenal terroriste à leur portée, depuis le sabotage, dans le style de ce qui se passe au Venezuela, jusqu’à l’imposition du blocus multilatéral et une campagne très bien orchestrée de mensonges, de demi-vérités et de désinformation coordonnée dans le cadre d’une opération médiatique impliquant de « sérieuses » organisations internationales telles que l’Union européenne, le Conseil des droits de l’homme des Nations unies, les gouvernements régionaux et du vieux continent, les médias, les radios, la télévision et les réseaux sociaux numériques.
J’imagine que la « gentille » décision du président Biden d’autoriser le retour de « quelques » membres de la famille de diplomates américains éminents à son ambassade de La Havane a quelque chose à voir avec le renforcement de telles actions.
Une autre question qu’il est impossible de minorer est l’activité des agents recrutés dans notre cour, qui ont reçu l’ordre de leurs manipulateurs de Miami, de saboter et d’assassiner et qui doivent être disséminés – comme les 11 et 12 juillet derniers – dans tout le pays. Ce qui fait que chaque événement extraordinaire ou suspect doit être analysé dans ce contexte. L’ennemi est parmi nous, dans la société dans laquelle il essaie de gagner des adeptes et bien qu’ils soient minoritaires, ils peuvent et font du mal.
Le 28 septembre 1960, en créant les CdR, Fidel nous indiquait la voie à suivre pour affronter l’ennemi intérieur : « … Nous allons mettre en place un système de surveillance collective révolutionnaire, et que chacun sache qui il est et ce que fait celui qui vit dans le quartier, quelles relations il a eues avec la tyrannie; et à quoi il se consacre, avec qui il a des relations… parce que s’ils croient pouvoir affronter le peuple, ils vont se prendre une énorme gifle! Car nous leur avons mis en place un comité de surveillance révolutionnaire dans chaque pâté de maisons, pour que le peuple veille, pour que le peuple observe… Et le lendemain soir, dans une émission de télévision, il approfondissait cette idée qu’il qualifiait de « nouvelle forme de lutte », profitant de notre principale et la plus précieuse ressource « le peuple, le soutien du peuple, l’organisation du peuple, quartier par quartier, pâté de maison par pâté de maison …,… » “.. Nous avons organisé la milice pour la lutte frontale, il faut organiser le peuple pour la lutte souterraine…
Sans aucun doute, c’est et ce doit être notre mot d’ordre, aujourd’hui renouvelé dans l’affrontement à la nouvelle offensive ennemie.
En ce sens et en analysant le scénario politico-opérationnel actuel, il conviendrait de reprendre quelques idées et concepts exprimés par Fidel dans les conclusions du IVe Congrès du Parti, événement également rappelé pour la première de la chanson « El necio », de Silvio Rodriguez, cette chanson merveilleuse, combative et invraisemblable, qui doit être la boussole de tous les révolutionnaires.
Dans ces conclusions, Fidel traite de deux thèmes vitaux pour la Révolution: le concept de démocratie et le parti unique et nécessaire pour réussir dans ce scénario de la chute soviétique, de la crise économique interne, à cause essentiellement de cela et de l’augmentation du blocus et de l’agression américaines. Il propose d’attirer dans ses rangs tous les révolutionnaires indépendamment de leurs convictions religieuses. Il expliquait à cet égard:
« Nous avons fait d’importants pas en avant et non pas pour plaire à qui que ce soit, non pas pour nous rendre aimables à qui que ce soit, mais pour réaliser notre volonté de perfectionner de plus en plus notre parti, de démocratiser de plus en plus notre parti, de démocratiser de plus en plus notre système, car seul un système socialiste peut être démocratique. »……
« Notre système électoral est le plus démocratique des systèmes existants – peu importe s’ils feignent de l’ignorer ailleurs – parce que c’est le peuple qui préconise et non seulement qui préconise, mais qui choisit ses délégués de circonscription. Ce sont ces délégués élus par le peuple qui élisent les délégués provinciaux et les députés à l’Assemblée nationale. Mais maintenant, nous avons fait un pas de plus, les délégués de circonscription continueront d’être élus par le peuple, présentés par le peuple, et sur les mêmes principes et à partir de ces délégués de circonscription, nous proposons à l’Assemblée nationale de se présenter et d’élire directement, sans politique et par le biais des mécanismes les plus justes qui offrent des chances égales pour tous, les députés de l’Assemblée nationale, qui constitue la plus haute autorité de l’État …… Parce que je le répète c’est seulement dans le socialisme qu’il peut y avoir la démocratie, seul le socialisme peut développer la démocratie……
«D’autres mesures que nous avons prises qui ont été discutées en ce qui concerne le Parti et ses statuts : résoudre le problème de ceux qui n’avaient pas accès au Parti en raison de leurs croyances religieuses. Ce sujet a fait l’objet de nombreuses discussions et a mis à l’épreuve la pureté et la loyauté de notre Parti envers les doctrines non seulement politiques, mais aussi philosophiques. Mais nous n’avons qu’un seul Parti, un Parti comme Martí l’avait fait, un Parti, un seul Parti pour faire la Révolution; et il faut que tous les PATRIOTES SOIENT DANS CE PARTI, IL Y AIT TOUS LES RÉVOLUTIONNAIRES, QUE DANS CE PARTI, TOUS CEUX QUI VEULENT LE PROGRÈS DE LEUR PEUPLE, TOUS CEUX QUI DÉFENDENT LES IDÉES DE JUSTICE DE NOTRE RÉVOLUTION, A CONDITION, BIEN SÛR, QUE CEUX QUI PEUVENT AVOIR UNE CROYANCE RELIGIEUSE ACCEPTENT LE PROGRAMME ET PARTAGENT TOUS LES PRINCIPES POLITIQUES ET ÉCONOMIQUES DE NOTRE PARTI, DE TOUS CEUX QUI PARTICIPENT À NOTRE CONCEPTION SOCIALISTE.
Je conclurai en répétant les idées de Fidel: nous avons et voulons un seul parti, le plus démocratique, le forgeron du socialisme, le parti dont les racines plongent dans celui qui fut fondé par Martí, qui a fait la révolution de 95, organisé les luttes des années 30 et renversé la dictature machadiste, celui de Jesus Menéndez et Lazaro Peña, celui de Frank País et José Antonio Echeverría, celui de la Moncada, de la Sierra, du Llano, de Girón, de la crise d’Octobre, de tant de batailles gagnées, c’est pourquoi je réitère la nécessité de repenser le travail que nous accomplissons dans toute la structure partisane conçue à une autre époque et à une autre scène politique, influencée par l’expérience soviétique, au sein de laquelle – ne l’oublions pas – a été engendrée bureaucratie qui a été la principale cause de l’effondrement.
Le combat, la bataille d’idées auquel en ce moment nous convoque Fidel, se déroule à la base de la société, pas dans les ministères et les autres institutions semblables, pour cela nous devons analyser où doit se porter le gros de nos combattants, c’est-à-dire les militants, dans la superstructure ou à la base.
Il est nécessaire d’organiser l’affrontement politique de l’ennemi là où celui-ci se manifeste. Les exemples du 11 et 12 juillet en sont la démonstration. Parce que de surcroit, là dans la communauté c’est là où le peuple réalise amèrement les déficiences et les erreurs qui se commettent dans la superstructure. Et c’est là que l’on sait si le pouvoir populaire fonctionne ou est déficient, parce que ne se résolvent pas les problèmes qui affectent la population et sont de son ressort, et je ne parle pas des rumeurs de rue ou des illuminations des mêmes, mais les manques des administrations locales, voir les cavistes, celui du marché, le responsable qui ouvre les vannes d’eau, la propreté et le ramassage des ordures, la rémunération du travail des médecins et infirmiers de la famille.
Il est prévu de transférer le pouvoir populaire aux communes, ce qui est juste, mais pour un tel transfert il n’y a aucune préparation. La stratégie ne peut pas être de haut en bas, mais l’inverse. Renforcer la base, convoquer les organisations de masse et sociales, les rendre attrayantes, éliminer le formalisme, afin que les gens comprennent l’importance de leur participation et ne s’inhibent pas à occuper des postes de direction.
Le Parti doit lui aussi renforcer ses organes de base, ceux des territoires, ceux où militent les hommes et les femmes qui affrontent quotidiennement l’ennemi dans les files d’attente, dans les communautés, dans les territoires, d’excellents combattants, aujourd’hui vieillis par le temps. Il faut du sang jeune, attirant dans les rangs du noyau zonal tous ceux qui militent aujourd’hui dans des structures administratives, afin qu’en concertation avec les organisations de masse et sociales, s’organise la résistance et la lutte contre « les erreurs et tendances négatives », et qu’ils soient réellement capables d’influencer politiquement les communautés, les entités culturelles et éducatives, centres de travail, etc.
Avoir une organisation combative dans la communauté, forte, politisée et respectée par la collectivité, tout en étant son reflet et son exemple, pour parvenir à l’unité de notre peuple dans cet effort de construction d’une société plus juste et plus équitable, le socialisme.
Se rappeler l’exemple de Fidel dans ses interventions convaincantes dans lesquelles il nous montrait que la meilleure façon de faire de la politique est d’écouter, de discuter, de débattre, de dialoguer, de descendre des estrades pour combattre à champ ouvert, avec nos vérités, avec l’œuvre accomplie par la Révolution, avec un programme qui intègre notre jeunesse qui a et doit avoir des attentes propres au développement et aspire en droit d’améliorer ses conditions de vie, sans quitter la patrie.
Malgré les distances, nous nous trouvons aujourd’hui dans des conditions similaires à celles énoncées par Fidel dans ce Congrès historique et nous devons donc et devons déployer ses drapeaux et ses concepts, ceux qu’il nous a toujours signalés, sans dogmatisme ni bureaucratie et en luttant sans relâche contre la corruption.
LES TRANCHÉES D’IDÉES VALENT MIEUX QUE DES TRANCHÉES DE PIERRE
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