Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Elections russes : je crois en la victoire du KPRF, par Alexandre Iouchtchenko

Fondamental pour comprendre non seulement les enjeux des prochaines élections législatives et régionales russes mais également comment les communistes se renouvellent, sont effectivement le parti de la jeunesse tout en revendiquant pleinement leur héritage historique sans parler de la possibilité de croire qui va plus loin que la main tendue chère aux Français. Notez également la relation à la Chine, un parti mais un parti pleinement gestionnaire d’une société égalitaire, progressiste et pacifiste. (note de Danielle Bleitrach traduction de Marianne Dunlop pour histoireetsociete)

Mkset s’est entretenu avec l’un des hommes politiques publics les plus charismatiques de Russie – Alexandre Iouchtchenko, candidat à la Douma d’État dans la circonscription à mandat unique n° 3 d’Oufa, et porte-parole du KPRF. Alexandre Iouchtchenko a un emploi du temps très chargé, surtout à la veille des élections. Nous avons réussi à lui parler pendant environ une heure entre les réunions. Afin de ne pas répéter les idées qui ont déjà été exprimées dans les publications, nous avons proposé à Alexandre Andreïevitch de répondre à des questions qui, dans les conversations avec les journalistes, ont été rarement abordées ou n’ont pas été exprimées du tout. Le résultat est un portrait d’un communiste moderne d’une manière que le grand public n’a peut-être pas imaginée .

https://kprf.ru/dep/gosduma/activities/205267.html

10 septembre 2021

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Comment les membres du KPRF se sentent-ils en tant qu’héritiers du PCUS ?

– Nous nous considérons comme les successeurs du PCUS. En même temps, nous avons essayé de prendre le meilleur et le plus digne de l’histoire du Parti. Les pages glorieuses du PCUS sont inséparables des réalisations de l’ère soviétique et de son histoire. La chronique millénaire de la Russie, les 70 ans d’histoire de l’URSS et la Russie actuelle constituent une histoire trinitaire qui ne doit pas faire l’objet de spéculations.

Le PCUS est issu du parti bolchevique, qui a réussi à créer sur les ruines de l’autocratie un nouvel État, l’URSS, sur la base de la justice, de l’amitié entre les peuples et du respect des cultures. L’Union des républiques socialistes soviétiques est ensuite devenue un centre qui a affronté le capitalisme mondial, l’impérialisme mondial. L’énorme potentiel de l’industrie et de l’économie a été créé.

En 1931, lors de la conférence des industriels, Staline a déclaré : “Nous avons 50 à 100 ans de retard sur les pays avancés, nous devons parcourir cette distance en 10 ans. Soit nous le faisons, soit nous serons laminés”. En conséquence, 80 000 usines sont apparues dans le pays de 1933 à 1941. Ils ont créé le potentiel qui nous a ensuite permis de gagner la guerre la plus dure. De plus, une meilleure éducation a été créée. Une histoire bien connue raconte qu’un général allemand interrogé a déclaré que l’Allemagne a perdu avant tout à cause du maître d’école soviétique, qui a élevé un jeune soldat-patriote absolument dévoué à la patrie.

Nous avons été les premiers à conquérir l’espace, à créer une capacité de missiles nucléaires. Notre modèle éducatif a été repris par le reste du monde, y compris le Japon. Et puis, à la fin des années 90, le système de Bologne nous a été imposé, façonnant non pas une personnalité créative, mais des robots à l’état d’esprit stéréotypé.

Quand je dis “nous”, je pense à l’Union soviétique, dirigée par le PCUS, qui était à l’avant-garde. Ce n’était pas seulement un parti, c’était un système de gestion d’un grand État qui a conduit le pays à des sommets. Mais nous avons été “abattus” au décollage, c’était une trahison absolue des plus hauts échelons du pouvoir. Ni des ennemis extérieurs ni une agression ouverte n’auraient pu nous faire tomber, mais cela s’est fait par la tromperie, la flatterie, la corruption, les jeux de coulisse en 1991… Notre place a été prise par la Chine, qui aujourd’hui, sous la direction du parti communiste, est devenue un pays à l’économie développée et avancée.

Oui, il y a eu des pages sombres dans l’histoire de l’Union soviétique – par exemple, la répression. Nous, au Congrès, avons condamné ces pages tragiques et ne les avons pas répétées. Et cela ne doit pas être soumis à l’interprétation et à la spéculation. La Chine, elle aussi, a connu des pages controversées dans sa révolution culturelle. Il était admis que Mao Zedong avait 70% de raison et 30% de tort. Aujourd’hui, son portrait se trouve sur la place principale de Pékin. Et l’économie chinoise a fait un bond en avant.

Un communiste moderne peut-il croire en Dieu ?

– Beaucoup de gens croient encore que les communistes sont nécessairement athées. Mais c’est une idée fausse. Historiquement, la nature de l’aversion des bolcheviks pour la religion est due au fait que le peuple, dans l’élan révolutionnaire, était largement déçu par l’église, que les confessions secrètes étaient souvent déposées sur la table des gardes, et ce n’est pas un secret que le haut clergé a également trahi le tsar. Le slogan “Pour Dieu, pour le Tsar et pour la Patrie” s’est effondré. Les bolcheviks ont proposé une nouvelle religion basée sur la construction du paradis sur terre. Mais le temps passe et, à bien des égards, nous retournons à nos racines, y compris en matière de religion. Aujourd’hui, il y a de nombreux représentants de différentes confessions parmi nos camarades. Lorsque je travaillais en Bouriatie, je communiquais beaucoup avec les bouddhistes. Je n’ai pas rencontré d’athées militants et agressifs parmi les membres de mon parti. Personnellement, je suis d’avis qu’il n’y a pas d’athées dans les tranchées, car lorsque les balles sifflent, chacun espère une puissance supérieure et le salut.

Personnellement, je suis un croyant sincère. Ces bracelets sur mes mains ne sont pas un hommage à la mode, comme certains le pensent, mais des souvenirs, qui me donnent de la force. Je les ai ramenés de divers voyages de pèlerinage – du Mont Athos, du monastère de Kaman en Abkhazie, du monastère de Notre-Dame de Saidanai en Syrie, du monastère de Balamand au Liban, et d’autres lieux saints. Certains étaient un cadeau de l’abbé du monastère, d’autres me sont parvenus dans des circonstances différentes. Je les chéris et je crois aussi à la providence de Dieu.

Ma foi est ma propre histoire. Je n’ai pas raconté à beaucoup de gens la fois où j’ai tiré le premier numéro deux fois avant les élections (d’abord pour déterminer l’ordre de qui devait tirer le premier au sort, puis pour déterminer qui se présenterait sous quel numéro sur le bulletin de vote – ndlr). Mais je vous dirai que la veille, j’ai passé deux jours dans l’ermitage d’Optina – j’ai reçu la Sainte Communion, j’ai visité l’ermitage d’Amvrosiy d’Optina. J’ai reçu une bénédiction, entre autres, pour certaines réalisations pendant la campagne électorale. Et ces deux premiers chiffres que j’ai sortis, je ne peux que les attribuer à la providence de Dieu. Mathématiquement parlant, la probabilité que cela ait pu se produire dans la réalité est de 1/196, soit moins de 0,5 %.

Récemment, la phrase de Guennadi Andreyevich Ziouganov a fait le tour de l’actualité en affirmant que Jésus-Christ était le premier communiste, car le Sermon sur la Montagne et le code moral du bâtisseur du communisme sont presque identiques. Mais en fait, il dit cela depuis au moins 20 ans. Lors d’un des Conseils mondiaux russes, le métropolite Cyrille lui-même a dit la même chose. Ce n’est donc pas une telle sensation.

Pourquoi y a-t-il tant de jeunes dans le KPRF ?

– Dans mon souvenir, depuis 1996, on essaie de nous qualifier de parti d’une génération révolue qui ne répond pas aux intérêts de la société. Mais ce n’est pas le cas. Les jeunes d’aujourd’hui sont passionnés, ils ont beaucoup de sentiments contestataires, qui sont alimentés, entre autres, par la réalité.

Nous avons maintenant créé une société de classe clanique dans laquelle un jeune peut compter sur une carrière réussie si ses parents occupent des postes élevés. Il peut même ne pas étudier sérieusement, et il obtiendra quand même une “place au chaud”. Contrairement à un gars d’une famille ordinaire qui ne peut pas s’intégrer dans un système corrompu.

Bien sûr, les jeunes sont inquiets à ce sujet. Ne voyant aucune perspective dans la vie, ils cherchent une issue. Pourquoi viennent-ils nous voir ? Parce qu’ils voient que ce que nous proposons est absolument acceptable et leur donne confiance en l’avenir. Le programme de notre parti (le programme électoral du Parti communiste aux élections à la Douma d’État de la 8e convocation “10 étapes vers le pouvoir du peuple” – ndlr) contient la clause “Nous fournissons une éducation et une médecine gratuites et de haute qualité, nous garantissons le premier emploi”. Nous parlons de la restauration du système d’éducation soviétique traditionnel, lorsqu’une personne n’est pas jugée par des tests QCM, qui développent une pensée cliché, transformant une personne en robot, mais précisément de lui donner la possibilité de se développer de manière créative, de réaliser des connaissances, de révéler son potentiel. L’éducation ne doit pas être un service, mais une responsabilité honorable de l’État.

Il est important pour les jeunes de se sentir utiles et importants. Nous avons de très bons jeunes gens au sein du KPRF. Par exemple, Anton Orlov est devenu le coordinateur du syndicat Action dans la république (de Bachkirie), et s’est retrouvé à travailler avec des médecins qui doivent défendre leurs droits, notamment dans le cadre de la pandémie. Il a notamment participé activement à la défense des droits d’un garçon devenu orphelin après la mort à cause du covid de sa mère, l’urgentiste Elena Gainullova à Oufa.

Nous avons beaucoup de respect pour l’ancienne génération, mais nous devons admettre qu’elle ne pourra pas faire face aux tâches et aux défis de notre époque. Je fais référence aux nouvelles technologies, aux nouvelles ressources et aux canaux de distribution, voire à la simple observation des élections ou des campagnes électorale. Mais les jeunes le font très bien.

Qu’est-ce qui attire les entrepreneurs dans les rangs des communistes, qui ont toujours été considérés comme un rempart des ouvriers et des paysans ?

– Cette question, elle aussi, a une histoire. Notre programme sur ce sujet est né en 2016 lors du premier forum économique d’Oryol du KPRF. Des représentants de grandes entreprises telles que Rosselmash, l’usine Kirov, ainsi que des entreprises populaires (ferme d’État Lénine, ferme d’État Zvenigovsky, ferme Usolye Sibirskoye et autres), qui ne versent pas de dividendes mais investissent les bénéfices dans la production, comme à l’époque soviétique, ont participé à sa création. Il y avait également des représentants de la communauté scientifique.

Ce programme représentait un système de relations entre l’État et les entreprises stratégiques – redistribution équitable des taxes, formation d’un budget de développement qui devait soutenir le potentiel industriel, scientifique et technologique du pays, fourniture de prestations sociales à la population, éducation gratuite et médecine accessible.

Les fonds sont censés être trouvés par l’introduction d’un monopole d’État sur l’alcool, un barème fiscal progressif (lorsque les personnes à faible revenu sont exemptées d’impôts et que les taux d’imposition sont augmentés pour les oligarques), et d’autres mesures réelles. Malheureusement, toutes nos propositions similaires sont bloquées à la Douma d’État par les représentants des autres partis.

La deuxième raison pour laquelle les entrepreneurs nous croient est liée aux situations de la vie, lorsque, par exemple, des pillards sont prêts à ravager une entreprise pour s’emparer de terres ou de biens. Les entrepreneurs se tournent vers l’État pour obtenir de l’aide et constatent que les tribunaux prennent des décisions injustes pour satisfaire les raiders, qui sont soutenus par les forces de l’ordre, les ressources administratives et des avocats véreux. Une telle histoire s’est produite à Oufa avec l’Olimpic Park. Son directeur, qui subissait une pression énorme, s’est tourné vers nous pour obtenir un soutien. Et nous essayons ensemble de protéger ses droits.

Vous permettez-vous de critiquer Poutine ?

– Guennadi Ziouganov, en tant que leader du parti communiste, fait cela tout le temps, en prenant la parole à la Douma d’État, que ce soit lors des discussions budgétaires ou d’autres sessions. Si nous devons reconnaître à Poutine le mérite d’être un leader fort en termes de politique étrangère, nous ne soutenons pas le pouvoir florissant des clans familiaux dans le pays et le cours financier et spéculatif de l’économie, où les profits sont réalisés par l’augmentation des prix par les monopoles et les chaînes de magasins. Les gens ordinaires peuvent influencer la situation s’ils font confiance à ceux qui sont prêts à se battre pour leurs droits au niveau de l’État, au parlement.

Cela vaut également pour les journalistes, s’ils s’intéressent à la liberté de la profession, à la liberté du débat, à la liberté du journalisme d’investigation. Personnellement, je ne suis pas proche de la politique éditoriale des chaînes de télévision “Dozhd” et “Present time”, mais je respecte leur public et leur droit à recevoir des informations et je suis donc contre les restrictions dans l’exercice des fonctions professionnelles des journalistes.

Êtes-vous préparés à des provocations pendant la campagne électorale et les élections ?

Je pense que cette année, il sera plus difficile pour nos adversaires de nous priver des votes, notamment du fait que, je le rappelle, le KPRF est numéro un sur les bulletins de vote. Aux dernières élections, nous étions le numéro 12 sur le bulletin de vote. Devant nous, en deuxième position, se profilaient les communistes de Russie, ce qui, selon moi, est un outil de manipulation politique pour tromper les électeurs. Ils nous ont pris environ 3-4% des votes.

Mais cela ne signifie pas que nous allons maintenant attendre tranquillement les résultats de l’élection. Comme auparavant, nous aurons des observateurs qui s’efforceront de mettre fin aux carrousels, aux bourrages d’urnes et autres irrégularités. À cette fin, nous avons créé le contrôle rouge et nous recrutons des volontaires qui seront formés pour surveiller la situation dans les bureaux de vote.

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