L’Afrique elle non plus n’est pas l’image que l’on en donne… C’est grâce à Cuba que j’ai appris à la connaitre, mes séjours d’étude étaient éclairés par la profonde fraternité qui régnait et règne encore entre l’ile de la liberté et ce continent. c’est cette rencontre que j’esquisse dans mes mémoires : un socialisme différent, une relecture de Ludo Martens s’impose. (note de danielle Bleitrach)
LE RENDEZ-VOUS DES IDÉES. Zoom sur un très riche ouvrage collectif, publié sous la direction de la chercheuse Françoise Blum, qui retrace les trajectoires diverses de la pensée socialiste sur le continent.
Ingénieure de recherche au Centre d’histoire sociale des mondes contemporains de l’université Paris 1-CNRS, Françoise Blum publie avec d’autres chercheurs internationaux, Socialismes en Afrique.
Un ouvrage collectif qui « vise à donner au continent africain, dans la diversité de ses espaces et de ses trajectoires, la place qui lui revient dans l’histoire mondiale des socialismes ». Et qui, à travers trente contributions, parcourant quelque dix-huit pays, permet de saisir à la fois la pluralité des expériences africaines, mais aussi leurs singularités partagées.
Les socialismes d’Afrique ont pendant longtemps été peu étudiés. Pourquoi ?
Françoise Blum Pour deux raisons, principalement. D’abord, les études sur le socialisme se sont longtemps concentrées sur le développement du socialisme en Europe. Elles ne se sont globalisées qu’assez récemment, en s’intéressant à l’Amérique latine, à l’Asie, puis dernièrement à l’Afrique, du fait d’une nouvelle approche qui complexifie l’histoire de la guerre froide et ne la réduit plus seulement au face-à-face entre deux blocs. Par ailleurs, les études africanistes se sont d’abord intéressées à l’Afrique précoloniale et à l’Afrique coloniale puis à l’Afrique des conférences nationales et des plans d’ajustement structurel.Lire l’entretien : Sahel : « Les militaires ne peuvent être une alternative aux problèmes politiques de nos pays »
Mais, en fin de compte, encore très peu aux années 1960 et à l’immédiate décolonisation. Se pencher sur les socialismes africains, considérer aussi le socialisme à partir de l’Afrique, tant en Afrique du Nord qu’en Afrique subsaharienne, c’est revenir sur toute cette période jusqu’aux années 1980, marquées par les plans d’ajustement structurel et la faillite de ces expériences socialistes sur le continent.
Comment se sont formés les socialismes africains ?
Le socialisme a été pensé par des Africains comme Léopold Sédar Senghor, pour citer le plus connu, avant la décolonisation. Et il a été expérimenté après la décolonisation dans un certain nombre d’Etats. C’est une pensée liée à l’anticolonialisme et à la lutte pour les indépendances. Tous ces socialismes étaient à la fois nationalistes et panafricanistes. C’était une pétition de principe. Le socialisme était perçu comme une solution alternative à ce que proposaient les anciennes puissances coloniales, mais ça n’a pas empêché les pays nouvellement indépendants de maintenir des relations avec les puissances occidentales, y compris avec les anciens colonisateurs.
Se voulaient socialistes aussi bien le Rwanda de Grégoire Kayibanda, le Sénégal de Léopold Sédar Senghor, l’Ethiopie de Mengistu Hayle Mariam ou la Tanzanie de Julius Nyerere, l’Algérie de Houari Boumediène, le Congo d’Alphonse Massembat-Débat ou l’Angola d’Agostinho Neto. Il y a aussi les oppositions socialistes aux régimes en place comme le Sawaba au Niger. Et cette liste est loin d’être exhaustive.
On distingue habituellement un socialisme marxiste-léniniste, scientifique, et un socialisme africain puisant dans les sociétés antécoloniales. Qu’est-ce qui les différencie ?
Etablir une distinction entre socialisme africain et socialisme marxiste-léniniste en Afrique est une façon commode de les classifier, mais les études que nous publions montrent que c’est beaucoup plus complexe que cela. Car les uns empruntent aux autres. Le socialisme africain supposait que l’Afrique, avec ses communautés villageoises, était socialiste avant même l’invention du socialisme.Article réservé à nos abonnés Lire aussi « Les générations actuelles ont la responsabilité de regarder le passé esclavagiste en face »
C’est ce que l’anthropologue malien Issaka Bagayogo qualifie de « socialisme des ancêtres ». Il s’agit alors pour Léopold Sédar Senghor au Sénégal ou Julius Nyerere en Tanzanie, par exemple, de réactiver les formes de communautés qui existaient avant la colonisation. Il y a eu, par ailleurs, des hybridations multiples et une manière de se saisir d’outils comme le marxisme-léninisme en l’adaptant aux réalités africaines.
L’idéologie marxiste était difficilement transposable telle quelle dans une Afrique essentiellement rurale et paysanne, sans véritable classe ouvrière. Comment les théoriciens du socialisme et les politiques ont-ils adapté leur pensée et leurs actions à ces réalités ?
Dans les années 1945-1960, même si la classe ouvrière et les syndicats étaient très minoritaires, ils ont joué un rôle considérable dans la lutte pour l’égalité et pour l’indépendance, avec les grandes grèves des années 1950. Mais cette liberté syndicale a été totalement battue en brèche après les indépendances, et l’avènement des partis uniques. La question des classes a été largement débattue.
Certains, comme Ahmed Sékou Touré en Guinée, pensaient qu’il n’y avait pas de classes en Afrique mais un « peuple-classe », c’est-à-dire un peuple uni dans la nation indépendamment de tous particularismes régionaux, ethniques ou autres. D’autres, comme Kwame Nkrumah au Ghana, croyaient bien en l’existence de classes, au sens marxiste du terme.Lire aussi La revue « Politique africaine » fête quarante ans d’analyse « hors champ »
Toute une dialectique ville/camp
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Rémignard jean
Suivre l’évolution du mouvement MANSSAH apparu à la mi 2023 pourrait être intéressant ?