Ce G7 reflète notre monde G-zéro, gouverné par l’intérêt personnel plutôt que par l’ambition mondiale dit le journal britannique. L’auteur de ce constat doublement désabusé sur les incapacités internationales du G7 et celle de la Grande Bretagne de Boris Johnson pourrait ajouter que la gauche de ces pays semble incapable d’aller au-delà dudit Biden et face à la même politique internationale que Trump en plus polie diplomatiquement (encore que traiter Poutine de tueur) n’a rien à proposer. Cela fait partie de la débâcle partout de cette gauche que d’être incapable de la moindre perspective à la hauteur des enjeux. Alors qu’on assiste à un enfermement général sur les politiques nationales, ne pas comprendre la manière dont la planète change, ne pas être à la hauteur des défis mondiaux est à la base de la défaite de la gauche liée à l’effacement du communisme. (note et traduction de Danielle Bleitrach pour histoireetsociete)
Juste au moment où le leadership est nécessaire, les nations qui ont la capacité de le construire se contentent d’une parodie …
Dim 13 Juin 2021 17.57 BS
La charte de l’Atlantique de 1941, signée par le premier ministre de l’époque, Winston Churchill, et le président américain, Franklin D. Roosevelt, établissait les principes qui régiraient le monde d’après-guerre. De l’autodétermination au commerce international en passant par « un monde libéré du besoin et de la peur », ses ambitions étaient élevées et ses objectifs conquérants. Nous vivons aujourd’hui avec son héritage.
Quelque 80 ans plus tard, Boris Johnson et Joe Biden ont signé ce qu’on a appelé une « nouvelle charte de l’Atlantique» avant la réunion du G7 en Cornouailles. Mais la nouvelle charte de l’Atlantique reflète le statut diminué des États-Unis et de la Grande-Bretagne au 21e siècle. Il a défini certains domaines raisonnables de coopération bilatérale – de l’informatique quantique au transport aérien – mais il n’y avait pas grand-chose de durable. Il ne s’agissait pas de deux dirigeants mondiaux qui traçaient l’avenir de l’humanité, ni même de la Grande-Bretagne post-Brexit : il n’y avait même pas de promesse d’un accord commercial entre les États-Unis et le Royaume-Uni.
Réuni en personne pour la première fois depuis le début de la pandémie, le soi-disant « groupe des sept principales nations industrialisées » avait d’énormes problèmes à l’ordre du jour: mettre fin à la pandémie, assurer une reprise rapide de l’économie mondiale et accélérer l’action contre la crise climatique. Mais l’ampleur des problèmes n’a pas généré de réponse à la hauteur.
Le G7 a promis de débloquer 1 milliard de doses de vaccin dans les pays les plus pauvres du monde. Mais comme l’a souligné le Fonds monétaire international, ce ne sont là que des doses qui ont été commandées, mais qui s’avèrent excédentaires par rapport à leurs besoins. Il ne s’agissait pas d’un groupe de dirigeants faisant des sacrifices pour le bien du monde. Avec des coûts de la pandémie estimés à 28 milliards de dollars, il est incompréhensible que le G7 n’ait pas réussi à mettre en œuvre un plan sérieux pour produire, distribuer et financer des vaccins à l’échelle mondiale.
En vérité, nous sommes dans un monde sans leader. Le président Biden tend à redonner aux États-Unis la respectabilité diplomatique, en renouvelant leur engagement envers leurs obligations et alliances internationales. Mais alors qu’il vise à être un président transformateur chez lui, ses ambitions à l’étranger sont limitées et constituent en grande partie un retour à l’orthodoxie de la politique étrangère. Le reste du monde n’est tout simplement pas une priorité.
La véritable réalisation remarquable est venue avant le sommet plutôt que lors de celui-ci, avec un accord mondial sur l’impôt sur les sociétés. Il s’agissait principalement d’un avantage découlant des priorités nationales de Biden : il est le premier président en un demi-siècle à chercher à corriger le déséquilibre flagrant entre le pouvoir et les récompenses qui vont aux travailleurs et ceux qui vont aux actionnaires. Une fiscalité plus juste est essentielle pour réaliser ce rééquilibrage.
La réalité est que les États-Unis ne sont plus la puissance inégalée qu’ils étaient dans la période qui a immédiatement suivi la chute du mur de Berlin. Il y a eu certes une stigmatisation de la Chine – poussant la théorie de la « fuite de laboratoire » sur les origines du Covid – mais sur le fond, les États-Unis ont besoin de partenaires du Pacifique pour l’aider à contenir la Chine, pas des européens. L’objectif de confinement de la Chine ne déplait pas aux politiciens britanniques qui ont trop mariné dans la nostalgie, mais ils n’apportent rien de substantiel à la table.
Les dirigeants du G7 cherchent un juste équilibre face à leur dilemme avec la Chine.
En effet, pour de nombreux pays, tenter de déterminer les affaires mondiales sans la deuxième plus grande économie du monde à la table est un retour à l’époque de la guerre froide, où l’économie mondiale ne faisait pas l’objet d’échanges internationaux. Alors qu’un nouveau consensus anti-Chine a été forgé à Washington – en substance, la politique de Biden envers Pékin diffère peu de Trump – il y a peu d’enthousiasme de la plupart des pays à l’idée d’être pris entre deux puissances qui se disputent la suprématie.
Pendant ce temps, la meilleure façon de comprendre « Global Britain » est à travers le miroir : les actions du gouvernement sont l’inverse de sa rhétorique. La Grande-Bretagne est en conflit avec ses voisins les plus proches au sujet du protocole sur l’Irlande du Nord, ayant déjà diminué son influence en quittant l’UE. Il a réduit son aide internationale au milieu d’une crise mondiale, reniant ses obligations allant des médicaments pour les personnes vivant avec le VIH à la scolarisation des enfants pauvres. Il cherche toutes les occasions de saper la BBC, qui donne à la Grande-Bretagne une portée dans le monde entier. Global Britain a un esprit particulièrement étriqué.
Au cours des 18 derniers mois, la pandémie a réaffirmé le rôle central des États-nations dans les affaires humaines, avec peu de coordination internationale et la mise à l’écart des institutions multilatérales. Les nations qui ont la capacité d’agir à l’échelle mondiale semblent manquer d’ambition au-delà de la poursuite de leur intérêt national étroitement défini. Ceux qui ont l’ambition manquent de moyens ou d’engagement. Et donc la réunion du G7 reflète la réalité que nous vivons maintenant dans un monde G-zéro.
- Tom Kibasi est écrivain et chercheur en politique et en économie
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