J’ai eu la curiosité de lire le dossier de l’Express consacré à Philippe de Villiers et à son influence supposée sur Macron. Ce qui donnait toute sa “saveur” au sujet c’était le fait apparemment anodin et pourtant révélateur de la “gifle”, une campagne électorale en forme de trompe-l’œil, un tout petit milieu où l’on se crêpe le chignon et où l’on joue sur des différences infimes pour l’intimité. Cela fait songer le talent en moins (quand on songe aux sublimes pages sur la disgrâce de la princesse des Ursins) à Saint Simon sur la cour de Versailles. Le vivier de l’extrême-droite qui veut que l’auteur de la gifle soit abonné aux vidéos #Papacito qui a mis en ligne sur YouTube une vidéo nommée ” le gauchisme est-il pare-balles ?”. Et que le récipiendaire de la dite gifle envoie des missives énamourées au vicomte de Villiers qui dans une scène de jalousie les publie dans la presse. Voilà ce qu’est le tout petit monde qui impose à celui du travail la remise en cause de ses droits les plus fondamentaux. L’extrême-droite et le capital comme sous Weimar nouent des liens parodiques et grotesques, une atmosphère de fin de règne permissif et réactionnaire où déjà il est tenté d’influer sur l’avortement et d’autres remises en cause des droits des femmes.
Le président a adressé plusieurs missives au fondateur du Puy du Fou, avant qu’entre eux ne survienne la rupture. L’Express publie ces documents cette semaine, c’est édifiant. Tenez-vous bien quand il s’adresse à l’extrême-droite de Zemmour au Vicomte en passant par Jean-Marie Bigard (et sans doute Raoult), Macron cherche à comprendre le peuple, celui de la France profonde, des gilets jaunes, il va vers “les territoires”, la même expédition que celle qui le mène à la gifle par le même type d’individu. Il recherche l’intimité avec ce qu’il croit être le peuple demeuré en état depuis Madame Bovary, les notables et les rusés avares des campagnes. Le pétainisme dans lequel il puise le favori du moment comme il a cherché un favori dans la petite délinquance des services d’ordre. On voit de plus en plus en France et au plan international se dessiner les enjeux, c’est le retour en force de la dimension de classe, et dans ce contexte c’est ce qu’on entend par “le peuple”, une bande d’individus débraillés et vulgaires, les manants du vicomte ou les producteurs, les vrais premiers de cordée, ceux auxquels s’adresse Roussel.
photo : Emmanuel Macron en visite au Puy du Fou, avec Philippe de Villiers le 19 août 2016.Lois Venance / AFP
Par Camille Vigogne Le Coatpublié le 01/06/2021 à 17:00 , mis à jour à 18:02
Les mots du président sont écrits à la main, au feutre épais, sur ces trois courriers que nous publions en exclusivité. Entre Emmanuel Macron et Philippe de Villiers, à l’époque, il était encore question de mots doux et d’amitié. C’était avant la rupture.
Le président portait alors une attention particulière aux figures populaires du pays, celles en mesure de se poser en défenseur du peuple contre les élites. Au printemps 2020, le chef de l’État appelle ainsi Jean-Marie Bigard, par l’intermédiaire de Patrick Sébastien : l’humoriste, soutien des “gilets jaunes”, avait critiqué le gouvernement (mais il ne disait pas encore de l’ancienne ministre de la santé Agnès Buzyn qu’elle était “une grosse connasse” et qu’il fallait “qu’elle crève”). Le 1er mai 2020, Emmanuel Macron avait déjà décroché son combiné pour joindre l’éditorialiste de la droite radicale Eric Zemmour, agressé dans la rue. L’objectif était alors de s’adresser à la France populaire à travers ses meilleurs représentants, expliquait-on à l’Élysée, où on assumait de “traiter” ces personnes, plutôt que d’ignorer l’audience dont elles bénéficient.
La relation d’Emmanuel Macron avec Philippe de Villiers s’inscrit dans cette même ligne. Une façon pour le président de capter une certaine France des territoires, celle de la Vendée, du Puy du fou et plus généralement de la droite provinciale et souverainiste. Le chouan s’est accommodé pendant un temps de cette stratégie présidentielle, alimentant lui aussi avec emphase le récit de cette idylle contre nature entre un souverainiste de droite radicale et un centriste pro européen.
La rupture semble désormais définitive. Les deux hommes ont-ils tout simplement été “amis”, comme ils aimaient le prétendre depuis quatre ans ? “Je ne peux vous répondre, il faut être deux pour être l’ami de quelqu’un”, grince aujourd’hui Philippe de Villiers. Pourtant, le septuagénaire insiste : il n’a pas inventé sa relation avec le président de la République, ni son influence sur ses décisions. Comme preuve, il invoque ces courriers, envoyés par le locataire de l’Elysée, où Emmanuel Macron multiplie les amabilités. “Ça voulait bien dire qu’il m’écoutait !”, insiste Philippe de Villiers. Et il donne son courrier à l’Express comme une femme qui fait la preuve qu’elle n’a pas inventé sa relation intime avec un puissant de ce monde qui l’a reniée. Sans le style hérité de Chardonne de Mitterrand s’adressant à madame Pingot, mais dans la même veine… Parce que dans le fond passer de Saint Simon, de Flaubert à Chardonne même si Macron reste Bel ami ou Rastignac c’est tout le problème de la Ve République, le style, l’incapacité à retrouver la sève d’une langue vivante et qui plonge ses racines dans un peuple qui ne soit pas vulgarité opposé et légitimant le château.
C’est sur des affaires de mœurs que Macron semble rompre avec celui qui prétend être le corrupteur politique et le vertueux confesseur le père Joseph, n’oubliant jamais qu’il est aussi promoteur de spectacle avec le puy du fou et ses reconstitution historiques comme les chérit celui qui a flanqué la baffe au président… En costume historique, le vicomte n’oublie pas ses intérêts mais alors qu’il se pense tout puissant il se heurte à une fin de non recevoir et il décrit en 14 pages de son dernier livre dans un chapitre intitulé “le dîner du dévoilement” le 14 mars 2019 une vive discussion avec Emmanuel Macron qui d’ami intime devient “un enfant qui casse son jouet avec un regard halluciné” sur la question de la PMA et la GPA. Ils s’entendaient sur bien des choses, sur la manière dont on traite le petit peuple mais pas sur ce que le catholicisme, l’intégrisme exige. Pourtant Villiers jure l’avoir conseillé dans sa gestion de la crise des gilets jaunes, en particulier dans la remise en selle du couple maire-préfet qui est à l’ordre du jour dans la tournée inaugurée par la baffe présidentielle. Comme il aurait inspiré le discours consacré à Arnaud Beltrame, le héros chevaleresque de la gendarmerie.
Est-on étonné alors de retrouver Brigitte Macron – qui est restée l’enseignante des belles lettres dans un collège privé et la descendante des chocolatiers provinciaux- en amicale bonne fée comme pour Stephane Bern, un autre adepte de la reconstitution historique d’un certain type ? Le mot le plus cruel et qui parait être prononcé par madame Verdurin de Proust, le salon bourgeois : “Philippe de Villiers est une connaissance, pas un ami et encore moins un intime”. C’est le genre de trait par lequel la demi-mondaine Odette et la parvenue bourgeoise madame Verdurin auraient renvoyé un baron de Charlus qui aurait cessé de plaire…
Pourtant il ne s’agit même plus de littérature mais de livres vendus en tête de gondole grâce à leur parfum de scandale d’un pouvoir limité aux potins, tous les politiciens de Sarkozy à Hollande connaissent comme le vicomte la différence entre les chiffres de vente et le nombre d’électeurs… l’effet médiatique et de fait l’abstention… On ne vote pas comme l’audience le laisserait croire… ou plutôt comme on aimerait le croire… Il n’y a pas qu’eux pour être pris dans cette illusion du tropisme médiatique la gauche celle de la grande famille, passée de la gauche aux diners en ville où l’on fréquente la droite et l’extrême-droite a fait des adeptes… Et la sortie de Enthoven ancien époux de Carla Bruni en faveur de Marine Le Pen ne fait que dire ce que ces gens sont prêts à cautionner pour passer dans les médias et s’y exhiber jusqu’au nombril… Cela va jusqu’à des Clémentine Autain portant leur antipathies internationales et leurs inventions atlantistes…
Au fur et à mesure que l’on découvre dans ce numéro de l’Express qui sont ces gens-là et comment autour d’eux se presse un tout petit milieu qui dérive vers l’extrême-doite seul rempart d’un pouvoir qui a perdu tout ancrage national et cherche une légitimité historique fantasmée dans un peuple qui ressemble à Jacquou des Visiteurs et se reçoit en bonne logique une baffe avec un cri “Montjoie saint Denis”…
Danielle Bleitrach
PS. Dans le même numéro de l’Express, on découvre le visage sanglant de ces gens-là… Au Mexique… En effet au Mexique la campagne des législatives “tourne à l’hécatombe : 34 candidats au scrutin législatif du 6 juin, le plus important de l’histoire récente du pays , ont déjà été tués par les cartels de la drogue” dit l’article. Ici au Chiapas, état riche et population -indienne en particulier- misérable devenue zone stratégique de la production d’héroïne vers les USA, premier marché mondial : “Au 30 avril, plus de 143 personnes (candidats, responsables de partis, fonctionnaires et journalistes) ont été assassinés dans le processus électoral. ” Et on pense à ce qui se passe en Colombie, à la manière dont les États-Unis couvrent le massacre en cours. Pour qui connait l’Amérique latine, il ne peut pas ignorer l’hypocrisie de ce monde médiatique français que je viens de décrire autour des jeux versaillais de Macron et de son vicomte, toujours lancé dans une campagne anticommuniste ou simplement anti-progressiste contre Cuba et le Venezuela… La lutte des classes qui est masquée ici sous le pétainisme…
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