Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

POURQUOI LES “SILENCES” DU SECTEUR INTERNATIONAL DU PCF PAR DANIELLE BLEITRACH

En posant cette question, nous voulons non pas inaugurer une nouvelle polémique mais bien ouvrir un débat de fond sur une question: le rôle de l’international, les carences manifestes du secteur international et quelles conséquence pour la reconstruction du parti communiste ? Cette question importante en soi a deux “compléments”: la formation des militants et le rapport à l’histoire qui est essentiel pour le marxisme. Comme toute question fondamentale elle ne se pose dans le parti que parce que son incidence dans la crise de notre société ne peut être ignorée. Nous posons cette question à partir de deux événements récents dont les militants n’ont pas eu le moindre écho et dont nous publions aujourd’hui les compte-rendus :

1) La conférence contre le négationnisme historique : le 19 mai, à l’invitation de la délégation du Parti communiste portugais au sein du groupe de la Gauche unitaire européenne et de la Gauche verte du Nord, une conférence en ligne « Non à l’anticommunisme et à la falsification de l’histoire – au nom de la paix et la justice, contre le fascisme et la guerre” s’est tenue au Parlement européen, avec la participation des représentants du Parti communiste de la Fédération de Russie, du Parti communiste portugais, du Parti progressiste des travailleurs de Chypre, du Parti communiste de Bohême et Moravie, des Partis communistes allemand et français, du Parti des travailleurs de Belgique, du Parti communiste espagnol, du Parti communiste d’Ukraine et d’autres pays.
Nous publions aujourd’hui, grâce au correspondant de la Pravda qui nous l’a transmis un compte-rendu de cette conférence. Nous y reviendrons.

2) Le jeudi 28 mai, au moyen de la plateforme Zoom, les dirigeants de 58 partis communistes de diverses régions du monde se sont réunis, avec un total de 48 pays représentés. Chacun d’entre eux a prononcé un discours politique en essayant d’apporter une réflexion originale sur les innovations dans le domaine de l’idéologie et de la pensée marxistes. Parmi les personnes présentes se trouvaient des partis au pouvoir comme le Parti communiste de Cuba et le Parti communiste du Vietnam ; des partis au gouvernement dans leur propre pays comme le Parti communiste d’Afrique du Sud, le Parti communiste du Népal, ainsi que les Partis communistes espagnol et syrien ; et bien sûr, des partis d’opposition comme le Parti communiste de la Fédération de Russie, le Parti communiste des États-Unis d’Amérique, etc. Nous citons ici la traduction du blog de Michel Aymerich concernant cette importante initiative et notons que Nicolas Maury l’avait déjà signalé dans son blog. Mais là encore les militants communistes n’en ont pas eu le moindre compte-rendu. Pourtant chacun mesure bien que le négationnisme historique de l’UE, les campagnes de presse, l’opposition entre “démocratie” et autoritarisme, n’est pas simple enjeu du passé, il prend toute son ampleur dans la nouvelle guerre froide débouchant sur des guerres y compris nucléaire, des courses aux armements,

Notons qu’en ce qui concerne la première conférence, celle du parti communiste portugais elle porte sur l’anticommunisme devenu principe officiel de l’Europe avec l’équivalence mis entre communisme et nazisme, et entre Staline et Hitler. Nous apprenons grâce au correspondant de la Pravda que le représentant du PCF, Vincent Boulet a apporté une contribution “offensive” au sujet ce qui fait plaisir quand on connait le personnage, sa maitrise des financement en particulier européen, son trotskisme militant qui ne le rend pas particulièrement sensible aux mérites de l’URSS, bref son rôle clé dans le système mis en place autour de l’idéologie, de la presse, de l’internationale et de la formation des militants par Pierre Laurent. Mais ce qui reste constant c’est le fait que les militants ne sont pas informés et que comme bien des questions tout cela concerne l’entre-soi d’un petit nombre qui au meilleur des cas pratique un tourisme planétaire. Je voudrais faire souvenir de la manière dont a été révélé ce positionnement de l’UE, j’ajouterai du vote de gens comme Glucksman et des verts en faveur de ce négationnisme. C’est ce blog histoire et société qui traduisant un texte des camarades portugais a découvert cette ignominie qui n’est pas simple déclaration, puisque c’est au nom de cette équivalence que sont interdits les partis communiste polonais et ukrainiens. Nous avons publié la traduction, interpellé le PCF comme nous le faisons aujourd’hui. En vain, il y a eu simplement après quelques atermoiements une déclaration de Patrick Le Hyaric dans l’Humanité, dénonçant cette équivalence qui aurait nécessité une campagne, une mobilisation qui n’a jamais eu lieu.

On voit que le silence autour de la conférence organisé par nos camarades portugais n’est pas une simple erreur due à l’activité effrénée en faveur par exemple de la candidature communiste du secteur international, ni a un excès de modestie de Vincent Boulet qui certes a un côté éminence grise mais qui ne se prive pas comme il l’a fait au 38ème congrès d’intervenir pour refuser toute réflexion des communistes sur la manière dont l’image de l’URSS a subi les effets de la révolution conservatrice. Il a mené la charge contre la partie consacrée à l’international en refusant toute réflexion sur ce sujet et sur celui du rôle de la Chine.

Il ne s’agit même plus de cinquième colonne à savoir ceux qui torpillent de l’intérieur la reconstitution mais désormais de “sixième colonne” comme les décrivent les communistes russes, à savoir ceux qui feignent d’être d’accord pour mieux torpiller. On va dans les colloques internationaux pour y présenter un nouveau visage mais on se garde bien d’aider les militants à avancer en faisant le moindre compte-rendu.

Parce que quand le silence qui n’est certainement pas celui d’agneaux concerne un événement aussi important que la conférence des partis communistes organisée par le parti communiste chinois sur le renouveau du marxisme est également tenu secret par le secteur international on sait qu’il y a là une volonté. Pourtant l’international c’est comme l’histoire, indispensable pour un marxiste parce que cela permet de comprendre le mouvement du capital au niveau où il se déploie stratégiquement et où le militant ne se contente plus d’y faire face avec courage mais peut envisager lui aussi une stratégie.

Les chantiers de la reconstitution sont nombreux mais le processus offensif qui a été entamé depuis le 38e congrès et qui va s’accélérant exige que nous mesurions bien les nécessités de l’heure. Il n’y a pas d’un côté le fondamental, les combats contre ce qui met à mal salaires, emploi, services publics et souveraineté nationale et de l’autre une géopolitique devenue abstraite et concernant une élite mais bien un ensemble et la nécessité de l’échange d’expériences, de connaissances.

En ce qui concerne le secteur international du PCF cela se traduit par deux FAITS : premièrement le silence organisé autour de manifestations aussi importantes, mais aussi l’incapacité d’organiser la moindre campagne non seulement autour de l’anticommunisme de l’UE mais ce qui va avec l’adhésion de la dite UE au blocus contre Cuba, le soutien apporté à des marionnettes des USA dans les pays socialistes et progressistes. Est-il normal que l’on se contente de dénoncer le blocus de Cuba sans qu’aucune mobilisation militante soit organisée ?


Est-ce que de même on peut prétendre avoir une formation marxiste et ignorer l’importance de l’histoire? Le recul du marxisme a des causes politiques. L’hégémonie marxiste dans les sciences sociales (dont l’histoire) avait certes été renforcée par l’avènement de l’université de masse dans l’après-guerre, mais elle avait été rendue possible avant tout par une avancée généralisée des luttes sociales et politiques. Entre la Résistance et les années 1970, en passant par la décolonisation et les révolutions en Asie et en Amérique latine, des relations nouvelles s’étaient nouées entre les intellectuels et les mouvements politiques, souvent des partis de masse, qui incarnaient l’héritage de Marx. La révolution conservatrice des années 1980, dont le tournant de 1989 a été l’apogée, a renversé la tendance. Qu’on le veuille ou non l’offensive idéologique menée contre l’URSS, puis la chute du socialisme européen a eu des conséquences qui vont au-delà du PCF. L’impact a été brutal et les effets cumulatifs de cette défaite historique sont aujourd’hui particulièrement perceptibles dans une discipline comme l’histoire, par définition tournée vers le passé. Il est clair que non, là encore la révolution conservatrice, la négation du marxisme a joué un rôle destructeur dans le développement des sciences humaines et en particulier “la provincialisation” de la recherche française y compris par rapport à la recherche anglo-saxonne. Comme la déconstruction spatiale et temporelle de l’enseignement de l’histoire joue un rôle sur la capacité des jeunes.

Nous pouvons d’autant moins ignorer ce contexte que le capitalisme est entré dans une crise profonde et que partout dans le monde on assiste face à cela non seulement à des résistances mais à la conscience que l’on ne peut pas se contenter de résister qu’il faut passer à l’offensive, exiger le socialisme. C’est ça ou le fascisme.

Nous sommes donc dans un contexte tel que reconstruire le PCF ne peut pas éluder des connaissances indispensables à la lutte contre la crise de la société française et parmi celles-ci ce qui peut favoriser une conscience collective est indispensable. Très justement Fabien Roussel a proposé de faire de la jeunesse une cause nationale, lui donner les moyens matériels d’acquérir une formation, de devenir aussi un citoyen à part entière. Cela ne va pas sans la remise en cause de toute l’auto-destruction dont cette jeunesse est victime, sans retrouver une identité collective. Donc refuser le négationnisme historique qui a pour unique objectif d’isoler, d’individualiser, de créer une incapacité à mesurer les conséquences des actes, est essentiel comme doit l’être la manière de rompre avec les complotismes pour comprendre à la fois la complexité de la réalité et le sens du mouvement du monde. Un parti communiste est indispensable aussi dans ce domaine.

Danielle Bleitrach

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