Gilbert Rémond m’envoie ce dossier et je vais me jeter sur ce livre. Parce que voici bien longtemps que je m’intéresse à ces deux arts du XXe siècle, ceux des “masses”. Certains créateurs à la fois peintres, architects, cinéastes comme Fritz Lang parurent hésiter entre communisme et fascisme, Le Corbusier aussi… Mais le fascisme privilégia le décor théâtralisé, sauf pour le grand le Corbusier qui sortit son épingle du jeu. Qu’advient-il dans ces temps de retour sur l’histoire ? Dans la semaine, j’ai prévu d’aller à la vieille Charité où il y a l’exposition sur le surréalisme aux États-Unis. Ce sera l’occasion d’aller jusqu’au Mucem en face et d’acheter à la librairie ce livre sur l’architecture contemporaine. Mais le paradoxe de cette apologie du béton est la référence littéraire à deux écrivains quasiment d’extrême-droite, ce qui va avec la mauvaise conscience, à savoir Barbey d’Aurevilly et Léon Bloy, le maniérisme n’est pas loin, il n’y manque qu'”A rebours” d’huysmans… C’est fréquent cette haine du capitalisme qui régresse jusqu’à Xavier de Maistre et le romantisme de la réaction, comme après l’échec de la Révolution française et les errances romantiques, esthétiques, le narcissisme, un paradoxe pour l’architecte mais un enfermement fréquent en littérature et cinéma, tout le monde n’est pas Balzac. Dépasser l’analogie et comprendre le 21ème siècle qui est devant nous peut-être que ce dialogue peut aider. (note de danielle Bleitrach pour histoire et société)
Architecte du Mucem à Marseille, du Pavillon noir d’Aix en Provence, ou encore du camp de Rivesaltes, c’est aussi un homme de mots. “Le beau, le brut et les truands”, passionnant dialogue avec Paul Chemetov, doyen de l’architecture contemporaine, vient de paraitre. Rudy Ricciotti est l’invité d’Augustin Trapenard.
L’architecte Rudy Ricciotti à l’inauguration de la médiathèque de Valence qu’il a conçue dans une ancienne caserne militaire à Valence le 26 Janvier 2021. © AFP / Nicolas Guyonnet / Hans Lucas
Homme de matériaux et de mots, de livres en livres, de bâtiments et bâtiments, il construit une vision singulière de l’architecture. Le beau, le brut et les truands, passionnant dialogue avec Paul Chemetov, doyen de l’architecture contemporaine, vient de paraitre chez textuel. L’occasion de revenir sur une vision, un vocabulaire et une vie dédiée à la construction. On parle de beauté, mais aussi de béton et de littérature. Rudy Ricciotti est dans Boomerang.
Extraits de l’entretien
“Aujourd’hui, c’est l’encéphalogramme plat en terme esthétique ! La beauté disparaît parce qu’elle est suspecte d’être une tribune bourgeoise. Or pour moi, la beauté c’est l’obsession de la dignité, qui nous force à évacuer le banal”
“Il y a une noblesse sociale qui accompagne le béton. D’abord parce qu’il y a l’intelligence mathématique de tous les ingénieurs qui le conçoivent, et aussi parce que le béton repose sur la cohésion sociale d’une chaîne de production courte”
“La beauté d’un bâtiment réside dans la nécessité du récit qui le porte et développe sa perception poétique. Ce récit poétique qui accompagne l’ouvrage est conditionné par l’effort. D’où l’effondrement de l’escroquerie qu’est le minimalisme”
“J’aime les mots, je crois qu’il faut s’en servir. Le déficit des mots lorsqu’on abandonne leur frontalité est très pénible. Il faut désirer les mots ! Moi j’aimerais me bourrer la gueule avec des écrivains comme Léon Bloy et Barbey d’Aurevilly !”
“L’architecture est un langage ! Or aujourd’hui des pans entiers de l’architecture ne sont que des architectures code-barre, des dépendances technologiques sans récit, sans énergie, sans mots”
“La mer a un horizon métaphysique. Je suis persuadé qu’elle complote contre nous. J’ai toujours vécu en bord de mer, depuis enfant, mais j’ai pris l’habitude de me méfier de cet horizon, qui nous parle de beauté mais aussi d’anxiété et de menace”
“Je culpabilise terriblement. Aujourd’hui j’ai un certain statut, je reçois des prix, mais je me sens coupable de quelque chose sans savoir quoi… Je me dis que j’ai peut être été un escroc, que je n’ai pas donné assez, que j’ai piraté les autres”
Carte blanche
Pour sa carte blanche Rudy Ricciotti a choisi de lire un poème de Myriam Boisaubert.
Programmation musicale
- JIMI HENDRIX – CASTLES MADE OF SAND
- BONI BANANE – Cha-Cha-Cha
Les invités
- Rudy RicciottiArchitecte
https://www.franceinter.fr/emissions/boomerang/boomerang-26-mai-2021
Le Beau, le brut et les truands
Paul Chemetov Rudy Ricciotti
Ce dialogue réunit deux monstres de l’architecture en rien semblables mais qui partagent une conscience aigüe des pouvoirs et devoirs de l’architecte.
Paul Chemetov, l’aîné de l’architecture française, âgé de 92 ans, cultive une élégante et ferme sobriété quand Rudy Ricciotti, 68 ans, soigne son talent de pamphlétaire.
Le beau ? C’est le principal sujet, dont ils n’ont pas la même conception. Le beau pour Chemetov n’est ni exceptionnel ni extravagant, c’est celui du quotidien, du collectif et du social. Tandis que Ricciotti défend le récit architectural face à une « esthétique de supermarché » qu’il ne cesse de dénoncer.
Le brut, c’est le béton tant célébré par Ricciotti, mais c’est aussi l’archaïsme auquel ils se réfèrent tous deux.
Et qui sont les truands ? La bureaucratie gloutonne comme le suggère Ricciotti ? Ou ceux qui, d’après Chemetov, ne se soucient pas de l’argent dépensé ?
Le beau, le brut et les truands : chacun s’y reconnaîtra ou y reconnaîtra… les auteurs.
https://www.editionstextuel.com/livre/le-beau-le-brut-et-les-truands
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