Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Russie eurovision : féminisme, URSS et classe ouvrière

Ce 22 mai 2021, la chanteuse Manizha représentera la Russie lors de la finale de l’Eurovision. Sa prestation, d’ores et déjà dévoilée en demi-finale, comportera une imposante robe patchwork et une combinaison rouge, tandis qu’une centaine de femmes chanteront sur un écran géant en même temps que la candidate. Je ne me contenterai pas du décryptage de The russiabeyond toujours aseptisé. Deux choses essentielles, la première est l’admiration que j’ai pour les femmes tadjiks pour qui l’URSS a symbolisé une véritable émancipation, la seconde est la manière dont la fin de l’URSS a coïncidé avec une marchandisation des femmes russes et la manière dont certaines d’entre elles sont devenues la proie d’un commerce d’épouses pour des occidentaux à la recherche de beautés dociles. Ces deux tenues, l’URSS patchwork de nations protégeant la femme et retrouvant son appartenance réelle à la classe ouvrière. Voilà le féminisme, comme celui des femmes chiliennes, colombiennes, il est politique pas nombriliste… (note de Danielle Bleitrach pour histoireetsociete)

Le 18 mai, la chanteuse russe d’origine tadjike Manizha a remporté son accès à la finale du concours Eurovision de la chanson. La vidéo de sa prestation a recueilli 8,4 millions de vues en deux jours.https://www.youtube.com/embed/ajfaz1CKZq0

L’artiste a interprété son titre Russian Woman, écrit en deux langues – russe et anglais. La partie russe utilise des phrases stéréotypées qui hantent de nombreuses femmes russes : « Oh, ma belle, tu as déjà plus de 30 ans, allo, où sont les enfants ? » ou « Tu es belle en général, mais tu devrais perdre du poids ». Les paroles traitent également des enfants qui grandissent sans père – « Fils sans père, fille sans père, mais une famille brisée ne me détruira pas ». Le refrain que Manizha interprète en anglais se traduit quant à lui comme suit : « Chaque femme russe doit savoir qu’elle est assez forte pour briser le mur ».

Selon Manizha, la chanson est sarcastique et se moque surtout des mots blessants que les femmes entendent au sujet de leur apparence et de leur mode de vie dans une société patriarcale.

« Nous savons maintenant que cette connaissance provoque un traumatisme et je ne dirai pas ces choses à ma fille », a déclaré Manizha au journal The Guardian.AFP

Au début du spectacle, la chanteuse apparaît dans une immense robe à étages montée sur des roulettes et composée de différentes chutes – les morceaux de tissu ont été envoyés de tout le pays. Tous montrent combien de personnes de différentes ethnies cohabitent en Russie.

« Les femmes russes, elles sont différentes à la fois extérieurement – par la couleur de la peau, des cheveux, la forme des yeux – et intérieurement. Et c’est dans cette diversité, ce mélange, que réside leur principale force et beauté », a déclaré Nadjiba Ousmanova, mère de la chanteuse et auteur de l’idée du costume, dans son interview à Blueprint. Selon elle, l’un des fans de Manizha a envoyé trois fragments de tissu tissés par sa grand-mère il y a cent ans.AFP

Un peu plus tard dans la prestation, la chanteuse « sort » de la robe élaborée et apparait dans une combinaison de travail rouge.

« Ce sont des vêtements de la classe ouvrière. Je ne voulais pas être trop jolie sur scène. Mon manifeste est que je désirais représenter des héros de la classe ouvrière, des femmes de la classe ouvrière qui travaillent dur pour réussir », a expliqué la chanteuse.

Selon la mère de Manizha, cette métamorphose symbolise le processus de renaissance d’un état de femme à un autre.

« Du stéréotype à la réalité. D’un amoncellement d’images et d’attentes à ce qu’est réellement une femme », a avancé Ousmanova.AFP

Pendant la performance, des images symboliques d’une femme triste couronnée d’un kokochnik (coiffe traditionnelle russe) et de femmes portant de lourds plateaux apparaissent en outre sur l’écran – ce sont des détails tirés de peintures de l’artiste russe d’avant-garde Natalia Gontcharova.

« Elle [Gontcharova] a parfaitement combiné quelque chose de traditionnel et d’avant-gardiste, d’oriental et d’occidental, elle n’a pas été acceptée par tous ses compatriotes, mais son talent a été reconnu dans le monde entier », a précisé Ousmanova.

À la fin de la chanson, Manizha se tourne vers l’écran et chante avec un chœur d’une centaine de femmes russes – parmi lesquelles de célèbres bloggeuses, journalistes, militantes politiques et créatrices de fondations caritatives russes, qui, selon la chanteuse, l’inspirent en essayant chaque jour de rendre le monde meilleur.

« J’ai décidé d’appeler plus de cent femmes russes sur la scène, elles iront à l’Eurovision avec moi. Elles apparaîtront sur ces écrans, elles chanteront comme elles le veulent, elles auront l’apparence qu’elles veulent et feront ce qu’elles veulent. Je veux vraiment montrer leur liberté », c’est ainsi que l’artiste a expliqué l’idée de cette mise en scène.Vladimir Astapkovitch/Sputnik

Dans le même temps, l’ensemble de son œuvre vise à obtenir la liberté pour toutes les femmes et tous les enfants.

« Je veux avant tout que tout cet art, toutes ces chansons, tous mes mots mènent à l’adoption d’une loi qui protégerait les femmes et les enfants de la violence domestique », a confié Manizha.AP

Dans cet autre article, nous vous dressions plus en détails le portrait de cette artiste.

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