La conférence de presse a été très bonne et opérait un recentrage sur un autre type de campagne:
« La campagne des Présidentielles et des législatives ne doit pas seulement être une succession de promesses mais être un moment de montée des luttes, si on veut sortir de la crise sociale et économique. »
« Cette campagne, ma candidature, doivent servir au développement des luttes. Que les infirmières qui se battent pour des moyens pour l’hôpital, que des travailleurs des fonderies en lutte pour préserver leur outil de travail… se servent de notre candidature pour amplifier leurs luttes.
Et que tous les candidats se positionnent. »
« Pourquoi ma candidature m’empêcherait-elle de continuer à dialoguer avec les autres forces de gauche ??? J’ai toujours prôné ce dialogue.
Il doit se poursuivre et même s’intensifier notamment pour construire un pacte d’engagements communs pour les législatives.
Mais ça se fera dans la clarté et surtout dans une grande ambition pour la gauche, notamment sur les idées que celle-ci doit enfin porter.
La rencontre avec Bourdin :”la sécurité”
Mais là où il y a eu une manière de trancher et justifier cette candidature ça a été dans la rencontre avec Bourdin. Celui-ci avait décidé de tout axer sur le thème de la sécurité, un thème sur lequel on considère que la gauche est mal à l’aise:
Dans la forme d’abord, pas de faux fuyant Fabien Roussel répond aux questions posées, n’élude pas. Les journalistes et Bourdin en tête prétendent détester que l’on ne réponde pas à des questions “directes” et rapidement accusent celui qui est devant eux de leur faire perdre leur temps. En général, ils n’agissent ainsi que devant un candidat qui n’appartient pas à la majorité présidentielle. La grande force de Bourdin, ce qui lui attire un mode de respect médiatique, c’est qu’il pratique ainsi avec la majorité présidentielle et la veille Darmanin avait passé un mauvais quart d’heure sur le même thème. Cela dit Bourdin reste un homme de droite qui n’accepte pas que l’on renvoie sa question à un contexte social plus large. La manière dont Fabien Roussel malgré tout a su imposer sa propre vision, sortir du consensus qui s’est peu à peu installé sur cette question a été d’autant plus remarquable.
De la même manière qu’il a défini une autre campagne, pas au sein de la foire d’empoigne des candidats de droite et de gauche courant derrière l’extrême-droite, non une candidature au plus près des terrains forçant les autres candidats à se positionner sur l’emploi, les salaires, le refus des délocalisations, il l’a mise en œuvre chez Bourdin avec une sincérité qui est la marque de sa personnalité.
Sur ce thème de la sécurité, dont un consensus politico-médiatique a réussi à faire la voie royale pour la xénophobie raciste de l’extrême-droite, Fabien Roussel a réussi à marquer la différence des communistes de bonne façon.
il a réussi à reprendre le thème de la sécurité à l’extrême droite le temps d’une émission, il l’a coupé de toute question d’immigration (le mot n’a même pas été prononcé) il lui a redonné sa dimension de classe en disant simplement cette évidence, ceux qui souffrent des multiples forme de l’insécurité ce ne sont pas les riches, ce sont les travailleurs, ceux des cités, des campagnes, là où s’est créée la désertification des services publics, ce sont les fantassins du social confrontés à cette insécurisation, la police mais aussi les conducteurs de bus, les pompiers, les vendeuses des caisses. A partir de là, il a pu traiter les policiers comme des travailleurs comme les autres, mal payés, il a revendiqué une police au service du peuple dans un contexte qui est non seulement le respect de l’État mais aussi de ce qu’il doit assurer en matière de santé, d’éducation de culture à tous. Il aurait été bien que Bourdin le laisse terminer sa proposition renforcer la sanction pour ceux qui portent cette autorité de l’État, cela concerne les policiers mais aussi les enseignants. Ce qui est sûr c’est que même si Bourdin lui a laissé peu d’espace pour développer il apportait une définition de la sécurité qui évacuait complètement l’immigration, le communautarisme, il n’était même plus besoin d’y faire référence, et le positionnement sur l’école, sur la culture était le même : partir de l’intérêt de l’usager populaire qui avait les mêmes intérêts que les travailleurs du secteur concerné…
Par parenthèse, dans la foulée, j’ai essayé ce matin la reprise de son discours auprès de ma kiné qui est une femme très bien et ça a marché sans la moindre référence aux thèmes de l’extrême droite… Nous avons terminé notre échange sur la phrase de Victor Hugo sur l’école qui s’ouvre et la prison qui ferme.
La grande force de Fabien Roussel c’est qu’il a une dimension de classe ce qui le met du côté du bon sens populaire. Sur la question du “passe” il a nettement pris ses distances avec le triste spectacle d’une assemblée nationale dans laquelle rien de ce qui est secondaire ne leur parait étranger. Triste spectacle, où l’on se fait peur dans le “style big brother”, complotiste pour mieux effacer les véritables répressions dont sont victimes les travailleurs et les couches populaires, pour se faire peur avec de faux problèmes, comme si on avait inventé la nécessité des vaccins pour se rendre dans certains pays… Cet art d’inventer des problèmes pour jouer les libéraux libertaires devient insupportable et déconsidère la vie politique. Fabien Roussel refuse de jouer à ces petits jeux et c’est tant mieux.
J’aurais sans soute souhaité qu’il approfondisse cette dimension de classe de la sécurité y compris sous le seul aspect policier, il faudra bien un jour dire que par exemple le trafic de drogue c’est une économie parallèle dans laquelle d’énormes capitaux sont brassés et qu’en matière d’évasion fiscale le trafic de drogue, d’armes lui donne une dimension énorme, sans parler de l’utilisation par la CIA elle-même le jeu de déstabilisation non seulement des ghettos mais de pays entiers comme on le voit en Colombie. Et la proposition qui va avec que la police soit épaulée par une police financière. Il faudra bien aussi parler un jour de la sécurité dans le monde du travail et le nombre de morts, d’accidents, reconnus ou pas.
Mais cela aurait sans doute atténué l’effet choc d’une réponse directe de ré-appropriation du thème non pas au service de la xénophobie et de l’extrême-droite mais des couches populaires et du monde du travail. Mais il faudra y penser. Parce qui est une force peut aussi devenir une faiblesse tant sur le candidat que sur le parti lui-même, à savoir l’inculture théorique, historique dans lequel ils sont maintenus depuis plus de trente ans, ce qui n’était pas le cas de Thorez et de son parti. Que candidat et parti conservent un ancrage et des préoccupations populaires dans une telle dérive tient du miracle et trouve ses racines dans la combativité et le rationalisme du peuple français.
Un tel discours tranchait sur les bobos de la droite et de la gauche, fondait une possible unité des préoccupations, celle des simples citoyens comme celle des maires, de tous les fantassins du social confrontés sans moyens à des problèmes insurmontables, à une démission de l’État derrière le discours sécuritaire cautionnant les dérives de l’extrême-droite. On se rendait compte à quel point on avait besoin de cet ancrage-là.
Mais il ne faut pas se faire d’illusion cette nouvelle approche celle d’une candidature de lutte, à la reconquête de toute une population écœurée devant le spectacle du politicien, ne se satisfera pas des seules prestations de Fabien Roussel si bon soit-il. En trente ans, il s’est ancré tant de stéréotypes, tant de faux amalgames que les démonter n’est pas facile. Il faut refaire le terrain et comme Roussel l’a clairement dit le grand avantage du PCF c’est son potentiel militant qui s’est réveillé avec ce choix d’une candidature communiste. Il faut une autre campagne… Les communistes et ceux qui sans être “encartés” choisiront d’appuyer ce combat ne peuvent pas être de simples spectateurs, ni même de le relayer simplement sur les réseaux sociaux qui sont souvent le lieux d’affrontements stériles dans lesquels des trolls organisent des dialogues excités et loin des inquiétudes de la vie réelle, il faut pratiquer un corps à corps et voir les effets de lutte, de transformation d’une telle campagne.
Danielle Bleitrach
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joel faudot
il faut également déjouer le piege qui consiste à amalgamer les diverses polices, ses diverses fonctions. Distinguer celle qui assure la sécurité de tous, qui répond aux demandes de la population et celle , spéciale, au service du pouvoir politique (mentionner l’histoire ce cette police depuis Petain)et qui s’oppose à la population, notamment dans des conflits sociaux dont l’histoire moderne est pleine d’exemples. Sans jeu de mot la police a plusieurs casquettes.