Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

J.Cl. Delaunay : LE SYSTÈME DE CRÉDIT SOCIAL EN CHINE (3)

C’est ici que l’on peut, notamment, faire intervenir le marxisme. D’abord cette théorie n’est pas centrée sur une approche étroite des problèmes soulevés par la préservation de la liberté individuelle. Il faut considérer le couple (individu/société) et pas seulement l’individu. Ensuite, cette théorie est fondamentalement une théorie du travail et de son exploitation. Être marxiste suppose de ne pas séparer l’analyse des libertés individuelles et collectives de celle du travail dans un certain contexte de rapports sociaux. Enfin, cette théorie oriente la réflexion vers la transformation du présent en s’efforçant de lui donner une perspective de moyen/long terme. Telles sont, me semble-t-il, les trois raisons pour lesquelles la recherche sur le SCS chinois se doit d’être développée dans le cadre d’une analyse explicitement marxiste, conduite selon d’autres hypothèses et d’autres exigences théoriques que celles dont témoigne le court article de R.S.Dial, nous explique J.Cl Delaunay à propos de cette “aide à la gouvernance” dont il soulève les questions restées en suspend. Nous reprendrons probablement les trois articles en un seul pour faciliter la lecture. (note de Danielle Bleitrach)

(Troisième partie et fin)

Dans les deux précédentes parties, je me suis efforcé, tout en donnant un aperçu de ce que pourrait être le SCS chinois en cours de réalisation (il devrait commencer à être opérationnel dans 1 à 2 ans et il est déjà en application partielle), de le comparer à ses homologues occidentaux.

L’observation montre que le phénomène SCS est un phénomène général, qui vient de loin. J’ai mentionné, à ce propos, un livre paru en 2011, écrit par un dénommé Medina, sur Cybersyn, une expérience tentée par le gouvernement Allende pendant les courtes années de son existence (1970-1973). La Chine socialiste sera vraisemblablement le premier pays a mettre en œuvre cette nouvelle façon, non pas de gouverner la société, mais d’aider à la gouverner.

Cela dit, bien des questions restent en suspens, et notamment celle de savoir comment contrôler les contrôleurs? Que devient l’individualité, mais aussi l’exploitation du travail, dans ce contexte technique? On voit bien l’intérêt immédiat d’un tel système dans un pays comme la Chine. L’intérêt immédiat d’un tel système est de contrôler et de conduire à l’obéissance les ennemis de la nation et de la société.

Mais est-ce le seul intérêt? C’est ici que l’on peut, notamment, faire intervenir le marxisme. D’abord cette théorie n’est pas centrée sur une approche étroite des problèmes soulevés par la préservation de la liberté individuelle. Il faut considérer le couple (individu/société) et pas seulement l’individu. Ensuite, cette théorie est fondamentalement une théorie du travail et de son exploitation. Être marxiste suppose de ne pas séparer l’analyse des libertés individuelles et collectives de celle du travail dans un certain contexte de rapports sociaux. Enfin, cette théorie oriente la réflexion vers la transformation du présent en s’efforçant de lui donner une perspective de moyen/long terme. Telles sont, me semble-t-il, les trois raisons pour lesquelles la recherche sur le SCS chinois se doit d’être développée dans le cadre d’une analyse explicitement marxiste, conduite selon d’autres hypothèses et d’autres exigences théoriques que celles dont témoigne le court article de R.S.Dial.

Le premier groupe des questions immédiatement soulevées semblent alors les suivantes. Puisque nous sommes à l’époque où le triplet «révolution numérique, révolution cybernétique, technologies informatiques» est arrivé à un degré élevé de maturité, quel peut en être l’incidence sur le fonctionnement des sociétés capitalistes et socialistes? Puisque la Chine est une économie socialiste accordant une autonomie de fonctionnement à un certain nombre d’entreprises capitalistes, comme cela se passe-t-il dans ce pays, puisque, selon la représentation triviale des choses, on y observerait la présence interactive des «deux modes de production»?

Le deuxième groupe de questions a trait au rapport entre SCS et force de travail. Est ce que le SCS peut aider à modifier la forme marchande de la force de travail? Comment?

Le troisième groupe de questions a trait à l’évolution de moyen long terme d’un tel système. Deviendra-t-il aussi indispensable que le sont les routes et les télécommunications aujourd’hui? Dans ce contexte, quels pourraient être les rapports entre individus, entre individus et sociétés, entre sociétés, portés par le SCS? Quel pourrait être le rapport entre un tel système et ce que nous appelons «la démocracie»?

UNE DISCUSSION LIMINAIRE

Quand j’ai rédigé ce texte, je ne savais pas trop si, de façon liminaire, je devais ou non me lancer dans une discussion relative au concept de «révolution informationnelle», qui fut l’un des étendards que Paul Boccara aimait à déployer et qui demeure, chez nombre de communistes français, d’un usage courant. Est-ce que cela pouvait aider à clarifier les idées que l’on peut avoir relativement aux SCS et au SCS chinois en particulier?

Je me suis quand même décidé à le faire, tout en renvoyant au dernier dossier que la revue marxiste d’économie, Economie et Politique, lui a consacré, et à dépenser quelques lignes à ce propos[1]. Dans un article de ce dossier, Frédéric Boccara discute de savoir pourquoi le terme de révolution informationnelle est préférable à tous les autres. Il écrit : «…Alors que dans la révolution industrielle, on remplaçait la main de l’homme maniant l’outil par des machines-outils, dans la révolution informationnelle, on remplace certaines activités du cerveau…par des machines informationnelles…Les activités informationnelles deviennent décisives…».

Il reprend le raisonnement de son père, qui cherchait absolument à mettre en avant «l’information» dans toute analyse caractérisant les changements profonds de notre époque, parce que c’était, selon lui, l’élément le plus important à considérer pour comprendre l’impossibilité du système capitaliste à mener à bien «la révolution informationnelle», et pour comprendre le lieu où porter la solution, à savoir l’information.

Il y a de l’information partout, aussi bien dans une société capitaliste que socialiste. Mais ce «partout» désigne l’information en tant qu’élément technique. En revanche, c’est seulement dans les rapports de production capitaliste que l’information devient une marchandise au point de caractériser le processus révolutionnaire d’ensemble. L’information y fonctionne alors comme rapport social et substitut de la force de travail.

Si ce que je dis est vrai, si l’information tend à devenir une façon de ne pas parler du travail, est-il possible de définir la révolution en cours, qui est révolution du mode de production en place, qui en est la révolution du travail, à l’aide d’un attribut idéologique du fonctionnement de ce mode de production, l’information ?

Il faut, disait à peu près Paul Boccara, «libérer l’information» des rapports capitalistes de production pour pouvoir la «partager». En réalité, ce qu’il faut libérer, c’est la société, et il faut la libérer des rapports de production qui font que l’information est emprisonnée dans un statut non plus technique, mais social puisqu’elle devient une marchandise et un «rapport social».

Le «partage de l’information», qui est, avec «la SEEF», le paquet cadeau qu’Économie et Politique envoie à tous ses nouveaux abonnés, n’est pas suffisant. Je ne sous-estime pas l’importance des réflexions qu’il recouvre. Je cherche seulement à marquer quelles en sont, selon moi, les limites, et je crois que cette notion de «partage de l’information» est une notion extrêmement faible par rapport aux exigences.

En tout cas, il me semble que le raisonnement de F.B., que je viens de rappeler, (c’est celui que tenait son père), contient une importante erreur logique et que le redressement de cette erreur clarifie la discussion relative au SCS. C’est la seule raison pour laquelle je me suis lancé dans cette discussion, car il faut bien reconnaître que la réalité n’attend pas les avis de Tel ou Tel pour avancer. Quelle est cette erreur ?

Revenons au concept de révolution industrielle. Celle-ci désigne un ensemble d’activités, l’industrie, et les moyens de cette révolution, les machines-outils. Sautons à pieds joints dans la révolution suivante. Les moyens en sont, dit F.B., les machines informationnelles. Mais alors pourquoi désigner la révolution nouvelle par l’intermédiaire de la matière première (l’information) de ces moyens (les machines informationnelles) alors que la révolution précédente l’était par l’intermédiaire de son lieu d’application (l’industrie)?

Ne serait-il pas plus cohérent de dire que la révolution actuelle est une révolution de toutes les activités de la société, alors que la révolution précédente ne l’était que de l’industrie? Cette recherche de cohérence est-elle sans autre portée théorique que la cohérence des désignations?

Ma question est évidemment une fausse question. Car si l’on considère que mon souci de cohérence logique n’est pas dépourvu de bon sens, on en déduira que l’histoire de l’humanité a vu se succéder trois grandes époques du travail, celle du travail agricole, celle du travail industriel et, aujourd’hui, celle du travail de toutes les activités de la société.

Or parler de «révolution générale du travail» et de «révolution informationnelle», ce n’est pas pareil. Ce que Paul Boccara n’avait pas bien compris, parce qu’il était trop pressé d’être le premier en tout, c’est que sa hâte l’avait conduit à faire abstraction du travail (car la référence au travail par le biais du concept d’information est ténue) et à reprendre de façon non critique les représentations capitalistes des phénomènes en cours de développement, alors qu’il cherchait, avec une sincérité que je ne mets pas en doute, à suivre de près la trace d’un penseur, Marx, qui a massivement introduit le travail dans la pensée occidentale.

Les penseurs du XVIIIe siècle ont été ceux des lumières du travail de l’intelligence, ceux du XIXe siècle ont été ceux des lumières du travail industriel. Nous sommes en train de devoir penser la lumière de tous les travaux, celles du travail en général.

La révolution actuelle est une révolution de tout le travail social. Cela veut dire que les SCS doivent être appréciés dans le cadre d’une problématique du travail social et non dans le cadre d’une problématique de l’information. Penser que le SCS est un moyen d’informer sur les comportements individuels, c’est voir le SCS par le petit bout de la lorgnette. Je ne dis pas que ce que contient ce concept est accompli, mais je prétends que tel en est le sens profond.

Pour développer pleinement la révolution en cours, il faut libérer la société et le travail, tout le trvaial, pas seulement l’information. Le socialisme est le moyen nécessaire de ces libérations.

Notons au passage (mais cela ne fait pas problème), que les moyens de cette révolution sociale du travail ne sont pas seulement définis par l’existence de machines informationnelles. Ils contiennent, outre les moyens matériels de cette révolution (les machines informatiques, leurs logiciels, et l’évolution de leurs capacités de mémorisation et de vitesse de traitement), les moyens intellectuels de cette révolution, ceux d’un calcul numérique de type nouveau ainsi que de la cybernétique, qui est, si j’ai bien compris, une formalisation opérationnelle de la dialectique du vivant et notamment de la société[2]. La disposition de ces moyens a pour prolongement nécessaire le développement de la formation, de la connaissance, de la recherche. La révolution en cours ne peut bouleverser l’ensemble des travaux que si elle repose dur le bouleversement de tous les travaux.

Pour tenir compte de ces divers éléments, Ivan Lavallée a retenu le concept de Cyber-Révolution. Je ne cherche pas ici à baptiser la révolution scientifique et technique en cours, ou à la débaptiser. Je vais reprendre le terme de Cyber-Révolution dans la suite de ce texte car je crois que celui de de «Révolution informationnelle» est fondamentalement idéologique. L’idéologie capitaliste vise à faire disparaître le travail de toute représentation du fonctionnement de la société, que ce soit celle de la valeur des marchandises ou que ce soit celle de la manière dont la société travaille.

La conséquence théorique de ce que j’avance est que la révolution en cours doit être analysée comme révolution de tous les travaux, même si la pratique capitaliste tend à la définir comme révolution informationnelle. Il s’en suit que l’essence du SCS chinois ne serait pas de rassembler des informations pour contrôler la population chinoise. Il viserait à révolutionner le travail chinois 

CAPITALISME, CYBER-RÉVOLUTION, SYSTEME DE CREDIT SOCIAL

Voyons tout d’abord comment cette révolution s’est introduite dans l’univers capitaliste et lui a permis de surmonter momentanément la crise dans lequel il était plongé depuis les années 1970. Il existe au moins deux points sur lesquels quasiment tous les observateurs de la révolution en question dans l’univers capitaliste sont d’accord.

Le premier est que cette révolution a accompagné la mondialisation d’entreprises capitalistes de toutes sortes, productives, commerciales, bancaires et financières. La révolution en question a été stimulée, en retour, par le processus de mondialisation. Les grandes entreprises sont devenues, chacune pour soi, d’immenses structures d’informations. Les marchés financiers partout dans le monde ont été revisités et interconnectés. Les transports ont été profondément modernisés tout en étant pénétrés par elle.

En sortant de l’univers, certes internationalisé mais toujours centré nationalement, de la phase du Capitalisme monopoliste d’Etat, pour entrer dans celui de la phase mondialisée du Capitalisme financier mondialisé, le capitalisme a éclaté le travail. Il l’a dispersé dans le monde, et il l’a, en retour réunifié de manière marchande. Il en a récupéré les morceaux sous la forme d’informations destinées à fournir à ses dirigeants la seule information qui les intéresse : combien de profit aujourd’hui? L’information est devenue la forme fétichisée du travail dans l’univers, à la fois éclaté et unifié, unifié par la valeur dans l’éclatement de sa valeur d’usage, de la mondialisation capitaliste[3]. L’information a été substituée à la force de travaiL

Le deuxième point important est que, sous l’impulsion du Capital monopoliste, cette révolution s’est accompagnée de la réorganisation en profondeur, tant du rapport entre Capital et Travail, que des formes de l’exploitation. Les économies capitalistes développées ont exporté vers les pays en développement une partie importante de leur production industrielle, pour réduire leurs coûts, pour étendre leurs marchés, pour trouver le temps de travail vivant dont elles ont besoin pour rentabiliser leur capital.

Cela dit, toutes les activités n’ont pas disparu. Ce qui était autrefois production et exportations est devenu importations, commerce et finances. Certaines productions stratégiques sont restées sur place. Mais la plus grande part des activités restantes sont des services. La digitalisation les a pénétrés, sur la base d’une réorganisation complète des modalités générales de fonctionnement du travail (droit du travail, précarisation, rémunérations, allocations diverses, retraites) ainsi que des procès de travail propres à la firme. Les «salariés» du stade précédent du capitalisme ont été transformés en «entrepreneurs», en réalité en salariés encore plus soumis qu’auparavant à la domination du Capital. Lorsqu’ils, ou elles, n’ont pas subi cette transformation, leurs moindres gestes ont été, grâce aux nouvelles technologies, strictement délimités et encadrés.

Le modèle de fonctionnement des compagnies «digitales» de taxis est typique de cette façon de faire. On en trouvera la description précise, ainsi que l’analyse de leur contexte concurrentiel, dans les articles cités de Frédéric Boccara et de Cédric Durand . Bien sûr, ce modèle ne s’applique pas à toutes les activités, ou ne s’y applique que de façon partielle. Mais il est significatif d’une tendance lourde du capitalisme contemporain, où le capital prend de la distance avec ceux qui produisent (avec le travail), les chauffeurs de taxis en l’occurrence, mais où, en rassemblant des données, en mettant en œuvre une infrastructure particulière, en transformant la révolution du travail en révolution informationnelle, il offre à ces chauffeurs un fonctionnement légèrement amélioré de leur activité mais globalement beaucoup plus contraignant qu’auparavant.

Partout, dans la société capitaliste développée, les données deviennent à ce point importantes qu’elles prennent la forme marchandise. Elles sont appropriables. Leur propriété est protégée par la loi. L’achat ou l’utilisation de données tend à remplacer, dans ce modèle, l’achat des forces de travail.

Le problème cependant, est que la mise au point de ces systèmes d’information coûte cher. De lourdes dépenses sont engagées, qu’il faut ensuite récupérer et rentabiliser. Il faut trouver la source de travail vivant devant permettre cette double opération. Cette source de valeur, c’est le travail des chauffeurs. Et comme le montant des dépenses engagées ainsi que la rentabilité recherchée sont bien supérieures à celui des économies produites par le système, ce sont les «profits» des «entrepreneurs-chauffeurs» qui font les frais de cette organisation du travail, de même que les «profits» des «entrepreneurs-paysans» pris dans les filets d’une semblable organisation, font les frais des systèmes d’information mis au point par les grandes surfaces pour valoriser leur activité commerciale. Ces systèmes ne contribuent guère à la production de valeur d’échange. Ils sont donc essentiellement prédateurs. Ils prélèvent sur la rémunération des chauffeurs en visant l’accroissement de leur processus d’exploitation de trois manières complémentaires : 1) par accroissement du temps travaillé pour obtenir la même rémunération, ou production de plus-value absolue, 2) par accroissement de l’intensité de leur travail, ou production de plus-value relative, 3) par report, sur eux, de frais d’entretien et d’assurances de leur véhicule.

La nature prédatrice du fonctionnement capitaliste dans les sociétés capitalistes développées est, selon moi, bien mise en lumière par les travaux de Michel Husson. La comparaison sur laquelle repose son analyse de longue période (depuis les années 1970), dans l’ensemble des pays capitalistes, est celle entre des courbes de taux de profit croissantes, des courbes de productivité des facteurs décroissantes et des courbes de rémunération salariale décroissantes. Comment la rentabilité peut-elle croître dans un univers productif dont l’efficience décline, si ce n’est parce que la prédation sur la valeur créée, et donc sur les salaires et rémunérations des agents, exercée par le capital monopoliste, est accrue?[4]

La cyber-révolution engendre d’autres modèles ou d’autres types concrets de relations entre Capital et Travail, comme par exemple celui du télétravail. Mais les deux modèles que je viens d’évoquer me semblent déjà suffisants pour comprendre ce que peut être un SCS dans le contexte de la mondialisation du capital et de la surexploitation de la main-d’œuvre. Ils ont pour objectif majeur, dans les pays capitalistes développés, de réduire, pour le Capital, les inconvénients économiques de la dégradation engendrée par la mondialisation capitaliste (le recours accru au crédit et la croissance du nombre des mauvais payeurs). Ces systèmes  s’efforcent d’orienter les comportements individuels de consommation vers tels ou tels biens, vers les produits de telle ou telle entreprise. On observe aussi qu’ils s’étendent au domaine politique et tendent à concerner non seulement «les mauvais payeurs» mais «les mauvais citoyens». Au total, les SCS sont principalement privés. Ce ne sont pas nécessairement des systèmes sophistiqués de bonus-malus. Ils peuvent être tout simplement des listes noires d’exclusion. Ils se développent indépendamment du droit. Ils relèvent d’une sorte de juridiction privée et leur existence confirme l’hypothèse «féodaliste» défendue par Cédric Durand.

SOCIALISME CHINOIS, CYBER-RÉVOLUTION, SYSTÈME DE CRÉDIT SOCIAL

L’exemple chinois conduit à soulever deux questions.

La première a trait au fait que dans ce pays existent des entreprises capitalistes de très grande taille. Comment le SCS public chinois peut-il révolutionner le travail chinois tout en se trouvant face à ces entreprises? Elle part du constat que les SCS, ou les blacklists existant dans les pays capitalistes développés, à commencer par les Etats-Unis, visent principalement à protéger des intérêts du Capital monopoliste. Or les compagnies que l’on observe en Chine sont également de très grand taille et elles sont capitalistes. Comment le pouvoir chinois y fait-il face? Voici quelques unes de ces grandes entreprises, dans le champ «Internet».

Big Data Companies USA and CHINA

Regardons le tableau ci-dessus : c’est un tableau de «monstres» dans le domaine considéré. Or les «monstres chinois» font 45% de ces vingt premiers. C’est dire leur importance. Que font ces géants chinois des informations qu’ils recueillent quotidiennement en très grand nombre? Et qu’ils capitalisent, au vrai sens du terme? Car ce sont des entreprises capitalistes, et personne n’a prétendu que de telles entreprises avaient spontanément un comportement socialiste.

Elles font comme leurs homologues des Etats-Unis : elles concluent entre elles des accords pour ne pas abaisser leurs prix sur tels ou tels services, elles constituent des bases de données à l’insu de leurs clients, elles empêchent de nouveaux concurrents de s’implanter sur le marché, elles se font la guerre et gaspillent des ressources en publicité stupides, elles ne manquent pas de violer la loi si cela leur rapporte et si elles peuvent tromper les autorités, car pas vu, pas pris. Et leurs dirigeants, qui voient passer à leurs pieds des fleuves d’argent, sont tentés de se servir et de corrompre des fonctionnaires, des gestionnaires d’hôpitaux par exemple, de leur vendre illégalement des données publiques, etc…

Les société basées sur Internet ne sont pas les seules à être surveillées par le gouvernement. Mais si l’on s’en tient uniquement à elles, on observe que, d’une part, le gouvernement les contrôle et les tient en main, et que d’autre part, son action ne vise pas à les détruire. Elle vise seulement, dans la mesure où elles sont utiles pour la production de la société et n’ont pas épuisé toutes leurs potentialités, à les remettre sur le chemin de la légalité. Elles avaient eu tendance à oublier cette exigence. Le gouvernement leur rappelle qu’elles ont le droit de faire des profits mais pas de faire n’importe quoi et surtout pas de chercher à se substituer au gouvernement, notamment dans le domaine de la politique monétaire et financière.

Le premier a avoir payé le prix de ses turpitudes semble avoir été le groupe Alibaba. Histoire et Société a publié un article à ce sujet le 20 décembre 2020 (La Chine repense le modèle Jack Ma). Les régulateurs chinois ont suspendu une introduction en bourse effectuée par Ant Financial, une subdivision d’Alibaba. Le 10 novembre 2020, l’Administration centrale des marchés a publié un document visant à empêcher les grandes plate-formes Internet à bloquer la concurrence. Diverses amendes ont été infligées, à Tencent Holding, à Alibaba, pour non respect des règlements. Le 14 avril 2021, 12 grandes entreprises, dont Baidu, JD.com[5], ByteDance et PinDuoduo, ont signé un engagement de respect de la loi. Le gouvernement leur a donné un mois pour régulariser le fonctionnement de leur société et de ses filiales (Histoire et Société, 15/04/21, La pression antitrust de la Chine à son niveau le plus actif).

La réponse que l’on peut apporter à la première question est donc la suivante. Le PCC envisage de contrôler ces compagnies privées comme toutes celles qui opèrent en Chine. Il vise à en éliminer les manquements et il leur a rappelé qu’en Chine, c’est le gouvernement et le PCC qui gouvernent et non les entreprises, a fortiori les entreprises privées. Mais ce contrôle repose, pour l’instant, sur un engagement de la part de leurs dirigeants, étant entendu que le gouvernement chinois dispose de moyens complémentaires d’en surveiller l’activité.

Je ne crois pas que, par exemple, l’intégration de leurs bases de données dans le SCS soit envisagée. En revanche, ces compagnies se devront de plus en plus de respecter leurs clients, et de construire leurs bases de données en accord avec eux. Leur activité, intérieure et internationale, devrait, grâce au SCS, faire l’objet d’un suivi plus strict. J’ai déjà souligné ce point dans le présent article. Mais sans doute ne faut-il pas hésiter à le redire : la politique mise en œuvre par le gouvernement que dirige le Président Xi Jinping est une illustration de ce que signifie «une économie socialiste de marché» et «la dictature démocratique du peuple».

Supposons maintenant qu’il n’y ait pas d’entreprises privées en Chine et abordons la deuxième question. Elle a trait au rôle que le SCS chinois joue et peut jouer pour révolutionner le travail chinois. Révolutionner le travail signifie, à mon avis :

  1. Contrôler la production marchande capitaliste en la socialisant et en éliminant le noyau dirigeant de la classe capitaliste, la grande bourgeoisie monopoliste,
  2. Transformer la force de travail, de marchandise soumise qu’elle était en agent actif et dominant de la société parce que débarrassé de sa forme marchandise,
  3. Conduire, simultanément, le procès de production vers un état de développement tel que la forme marchandise perde toute signification au regard du degré très élevé de la productivité du travail et des facteurs.
  4. Développer de manière inédite les activités motrices de cette révolution, c’est-à-dire les fondement scientifiques et intellectuels de la Cyber-Révolution.
  5. Transformer les relations internationales.

Comme on peut le constater, on est très éloigné des réflexions sur la réputation ou la confiance. Ce que l’on connaît du SCS chinois actuel correspond à la première phase de ce processus révolutionnaire. Cette première phase contient elle-même trois aspects.

C’est tout d’abord la contribution que ce système peut apporter d’abord pour contrôler les anciennes classes dirigeantes et leurs résidus groupusculaires ainsi que toutes les actions terroristes impulsées par les puissances impérialistes. C’est simultanément le nettoyage des ces comportements malsains que sont le vol, l’escroquerie, la corruption, l’individualisme forcené et le non-respect de la vie d’autrui. C’est le contrôle des nouvelles entreprises capitalistes permises ou même sollicitées pour contribuer au développement socialiste.

C’est ensuite la régularisation et les aménagements internes que le SCS peut apporter au système de la production de marché socialiste. Il s’agit de normaliser les prix des marchandises, et donc les profits réalisé par leur vente, ceux par exemple, de la production pharmaceutique. Il s’agit de socialiser l’investissement et, ce faisant, de le rendre plus économe, plus efficace, d’en contrôler les effets pervers sur la nature et les hommes, mais aussi, sans négliger la rentabilité, de le réaliser aussi pour d’autres motifs que la rentabilité, comme par exemple la construction de routes dans les montagnes ou de routes destinées à désenclaver des régions antérieurement isolées du reste du pays.

C’est enfin la socialisation de la consommation. Le SCS peut aider à satisfaire mieux les besoins de consommation, à améliorer la qualité et le prix des produits, à ne pas développer la production au détriment de l’environnement et de la santé humaine.

En résumé, je dirai que cette première phase est celle du nettoyage du mode de production socialiste naissant de toutes les scories antérieures. Elle est celle de la socialisation de la production marchande et de son équilibrage. Au cours de cette première phase, qui est toujours marquée par le sceau de la nécessité, la liberté individuelle est d’autant plus grande pour la masse de la population que le société est assainie et se développe en tant qu’économie socialiste de marché[6].

La deuxième phase de révolution à laquelle le SCS peut contribuer activement est celle simultanée du développement et de la généralisation au plus grand nombre de forces de travail des activités motrices de la Cyber-Révolution. Il s’agit de faire de chaque individu un scientifique à son niveau. Cela ne signifie pas, à mon avis, que chacun devienne un Einstein. Mais cela signifie que chaque individu, homme ou femme évidement, ait la claire conscience d’être, à son niveau, un membre actif et responsable de la grande révolution scientifique et technique en cours.

Révolutionner le travail, son statut marchand, c’est d’abord élever le niveau intellectuelle de la force de travail moyenne de telle sorte qu’elle domine les moyens de travail non seulement grâce aux rapports de production socialistes mais grâce à sa propre formation, au développement de sa propre intelligence. Il est clair, de plus, qu’une révolution intellectuelle de ce type suppose une révolution matérielle correspondante. Je crois que, par exemple, le SCS chinois sera très vraisemblablement mis en oeuvre pour aider les femmes chinoises à améliorer leur position dans les entreprises, s’il est vrai qu’elles y sont défavorisées, ou pour tendre vers l’égalisation de leurs rémunérations, à qualification égale, si ces rémunérations y sont significativement inférieures.

Mais révolutionner le travail, c’est aussi mettre en oeuvre cette compétence à la fois générale et individualisée pour planifier l’économie, son financement. C’est mettre en oeuvre une politique d’investissements dont la croissance du degré d’efficience ait pour effet de réduire progressivement le périmètre du marché intérieur. Lorsque la productivité du travail sera infinie, la forme marchandise n’aura plus aucun sens et il en sera a fortiori de même pour la marchandise force travail.

C’est l’une des très grandes différences de fond entre les SCS de type capitaliste et les SCS de type socialiste. Les premiers visent à défendre le système de la valeur marchande et à le prolonger. Les seconds visent à le dépasser. L’économie de marché socialiste n’est pas, dans le socialisme chinois, une situation éternelle. C’est une situation transitoire. A un moment donné, non seulement le marché, mais l’entreprise, a fortiori l’entreprise privée, perdront toute signification.

ÉLÉMENTS DE CONCLUSION

Il est temps pour moi de conclure ce texte et de remercier François Potier de m’avoir encouragé à l’écrire. Je me suis efforcé, avec l’arrogance des Innocents et des Stupides, de mettre en oeuvre «un point de vue marxiste», qui fait terriblement défaut pour l’étude de ce genre de problème. S’il me fallait résumer en quelques mots ma conclusion, je dirais que nous, communistes français, nous devrions nous inspirer du SCS qui se construit en Chine car ce sera un instrument de première grandeur pour construire le socialisme en France. Il ne s’agit pas pour nous de l’imiter mais certainement de penser dès à présent à un instrument du même type.

Cela ne doit être qu’un instrument. Et sans doute parmi d’autres, parmi beaucoup d’autres, mais ce doit être quand même un instrument de grande portée, étant donné les potentialités du projet : Révolutionner le travail, tout le travail de la société.

Cela étant dit, bien des problèmes devraient encore être abordés. Je vais dire quelques mots de ceux qui, à l’instant, me semblent les plus importants.

  1. Le premier a trait aux forces sociales à mettre en oeuvre pour installer et construire une société socialiste en France et y implanter un projet de cette sorte. Certes, les communistes français doivent s’adresser aux plus démunis, en leur montrant de chemin de leur délivrance. Nous devons nous adresser aux quartiers populaires. Cela dit, la petite réflexion que je viens de conduire me convainc que nous devons aussi, et dès à présent, pour construire dans ce pays un nouveau rapport des forces entre le peuple et la grande bourgeoisie, nous adresser aux intellectuels, aux travailleurs intellectuels, à certains d’entre eux en tout cas.

Je pense tout particulièrement à celles et à ceux qui, dans cette société, exercent un métier d’informaticien, soit comme salariés, soit comme entrepreneurs. Nous devons nous adresser à eux, comme à toutes ces professions dites intermédiaires, qui font marcher les services publics et les infrastructures de ce pays. Leurs métiers sont déjà des composants actifs de la société à venir. Nous devons leur proposer de la conquérir ensemble, cette société, puis de la construire ou de la reconstruire ensemble. Car ils sont, elles sont, et seront l’un des leviers du socialisme. Leur tâche sera notamment de réaliser l’indépendance informatique de la France et de déployer l’activité de haut niveau dont ce pays aura besoin pour construire et développer le socialisme.

Sans les quartiers populaires, ces professionnels continueront de mijoter dans la mélasse où les met la grande bourgeoisie, mais sans eux, les quartiers populaires mijoteront de la même manière, sans avenir et sans espoirs.

  • Le deuxième point important concerne les rapports des individus à cette collectivité supérieure et fantastique que, pour nous, occidentaux, représente le SCS chinois. Nous sommes, comme tous les peuples, façonnés par une très longue histoire. Nous la pratiquons quotidiennement et, par le biais du marché capitaliste, nous en avons intériorisé les impulsions de manière quasiment génétique.

L’histoire chinoise fut différente de la nôtre. Pour parler de manière excessive et anachronique, je dirai que c’est la socialisation impériale de la terre qui a permis sa répartition rurale démocratique et parcellisée. Les paysans chinois ne sont pas entrés en conflit avec l’Empereur pour les mêmes raisons que leurs homologues d’Europe occidentale, puisque la propriété publique leur donnait accès à la terre.

Cela dit, un fait demeure, transversal à toutes les sociétés : notre époque est encore celle de la rareté, que ce soit en France ou en Chine même si les niveaux de rareté ne sont pas les mêmes ici et là. Dans la rareté, l’individu, où qu’il se trouve, est nécessairement dépendant de la collectivité.

Je renvoie sur ce point à un texte bien connu, dont Danielle Bleitrach a fort heureusement rediffusé la mémoire sur le site Histoire et Société. Ce texte a trait à l’essence des Grands Hommes [7]. Ce sont les rapports sociaux d’une époque qui font les Grands Hommes de cette époque. De la même façon, ce sont les rapports sociaux d’aujourd’hui qui font que les individus sont libres ou ne le sont pas. La liberté individuelle n’a pas d’autre fondement que la liberté de tous et de la société.

Telle ou telle personne, qui sort avec son voisin de palier, un homme marié bien entendu, et cela dans le but évident d’aller faire des galipettes, trouvera désagréable d’être prise en photo par une caméra publique. C’est compréhensible, mais le SCS chinois, sous l’angle des individus, a pour seul but de freiner l’ardeur des voleurs à la tire, de repérer les auteurs d’actes délictueux voire criminels, de retrouver des enfants perdus, etc, et non de repérer les sorties avec les voisins de palier, voire avec ceux de l’immeuble d’en face…. Je ne vois pas que le gouvernement chinois se propose de suivre de près ou de loin la vie personnelle des Chinois ou de ceux qui vivent en Chine. Il est déplacé de raisonner ainsi, cela n’a aucun sens.

Repérer les terroristes et les criminels, c’est autre chose. C’est un acte légitime et nécessaire pour assurer la sécurité des Chinois. Neutraliser les escrocs du téléphone ou des e-mails, détruire les réseaux de prostitution enfantine ou les trafics d’armes et de drogues via internet sont des activités que seul l’Etat peut accomplir. Oui, cela suppose une certaine intrusion dans les ordinateurs et dans les téléphones personnels. Mais les simples citoyens tirent avantage de son intervention et s’en félicitent. Seuls quelques uns, repliés sur eux-mêmes, y trouvent à redire.

  • Je crois qu’une interrogation plus sérieuse demeure : qui contrôle les contrôleurs? Qui peut assurer que, dans un pays en voie de développement, dont la population aurait majoritairement choisi le socialisme, les dirigeants de cette société agiront conformément à l’idéal qu’ils affichent? Il n’existe, mon avis, aucune raison théorique a priori autre que celle de la pratique, que l’on puisse évoquer. Ou bien les dirigeants de la révolution satisfont les besoins populaires et y associent étroitement le peuple, et la société progresse, ou bien ils ne le font pas. Ils échouent et la société régresse.

Les gouvernants actuels de la Chine, qui sont les héritiers du Mouvement du 4 Mai, qui ont étudié l’échec du socialisme de type soviétique, qui respectent profondément le peuple chinois dont ils sont issus, qui sont à la fois des patriotes et des internationalistes, savent qu’ils doivent construire le socialisme en Chine non seulement pour le peuple mais avec le peuple. Je me suis réjouis de lire ce matin, dans la version française de Xinhuanet du 20 avril 2021, reproduisant un entretien de la rédaction de Xinhua avec le Président Lula, l’affirmation selon laquelle «le PCC s’engageait à assurer une large participation du public à la croissance économique». Les réalisations de la Chine, a souligné le Président Lula, promeuvent non seulement le développement économique mais «l’intégration sociale et le progrès social».

Cela dit, c’est au peuple chinois et non à moi, ou au premier venu du Boulevard Saint-Michel, voire du Faubourg Saint-Honoré, qui n’est pas très loin, de porter jugement sur ses dirigeants et, s’il y a lieu, d’en rectifier la conduite.

En revanche, il me paraît non seulement justifié, mais nécessaire, de réfléchir aux institutions susceptibles d’assurer ce contrôle dans le cadre de la lutte pour l’instauration d’un socialisme à la française. Je laisse ce point totalement ouvert n’ayant pas la prétention d’avoir un avis sur tout.

Ce que je crois cependant est que les projets de Chambre des travailleurs, émanant tant de Jaurès que de Clouscard, et dont Baran faisait récemment le rappel sur ce site, devraient être pris en considération et réfléchis en ce sens. J’indique que, sans connaître ces deux projets, j’ai fait état d’une esquisse semblable dans mon livre récent sur le socialisme[8].    

  • J’avais enfin l’intention, en conclusion de cette discussion, de rendre brièvement compte des livres de Bernard Stieggler et d’Alain Supiot, l’un portant l’un sur «la gouvernementalité algorithmique» et l’autre sur «le gouvernement par le nombre», et de les situer par rapport au sujet de ma petite étude[9].

Toutefois, la lecture que j’en est faite est trop rapide, trop superficielle pour que puisse en traiter sans leur faire injure. Je vais prendre ce risque, mais uniquement avec l’intention d’affirmer clairement que, en tant que marxiste, je n’ai pas la prétention de tout dire et de tout savoir, loin de là, mais celle seulement, grâce à elle, d’arriver à penser des choses essentielles.

C’est pourquoi je ne crois pas qu’une personne profondément convaincue de la puissance et de la fécondité du marxisme, comme je le suis, puisse envisager de négliger le discours des autres, en particulier ceux de Stiegler et de Supiot. Je peux seulement regretter que cette immense théorie leur soit tant étrangère.

Quoiqu’il en soit, il me paraît clair que, derrière la réflexion de ces auteurs se tient une interrogation sur l’aptitude, tant des régimes fondés sur le marché que ceux de type socialiste, à gouverner les sociétés. Prenant l’URSS comme référence de son analyse du socialisme, Alain Supiot écrit que «les dirigeants soviétiques se considéraient comme les ingénieurs d’une société nouvelle…La construction du socialisme requérait une obéissance sans faille et un contrôle permanent des dirigeants du Parti, comparable à la direction du travail dans une entreprise taylorienne». Ils ont cherché à «remplacer le jugement par le calcul».

De son côté, Bernard Stiegler observe «l’instrumentalisation et la réticulation systématique des relations interindividuelles et transindividuelles, mises au service de la data économy…» (14). Le phénomène de disruption, titre du livre cité de cet auteur, signifie que «la réticulation numérique pénètre, envahit et parasite, et finalement anéantit les relations sociales». On observerait «…la perte du sentiment d’exister». «Les individus sont dépossédés de leurs propres désirs» (14). Bien que critiquant le capitalisme de manière explicite, on peut penser que sa critique s’adresse à tous les systèmes. Car c’est «toute la planète» qui, selon lui, est en cause.

On peut dire que ces deux auteurs se rejoignent dans une même critique de l’économie numérique et des SCS, qu’ils soient capitalistes ou socialistes.

Que leur dire? A Stiegler, malheureusement décédé l’an passé, je ferai remarquer, si j’avais la possibilité de le rencontrer, que je retiens son souci de promouvoir «une économie générale de la contribution». Je crois comprendre ce qu’il veut dire. Cet auteur est profondément hostile au consumérisme engendré par l’économie capitaliste numérisée, et à tout ce qui stérilise les rapports humains. Mais précisément, construire un SCS ne consiste pas à construire un moyen de gouverner à la place des hommes. C’est un moyen visant à aider les hommes à gouverner, ce qui est très différent.

Je lui demanderais donc si, d’une part, il a bien perçu les contradictions principales de cette économie? Qu’est-ce que la critique du seul consumérisme quand, dans le même système consumériste, des gens crèvent de froid et de faim? Je lui demanderais, d’autre part, s’il a bien fait attention au fonctionnement de l’économie et de la société chinoises, ainsi qu’à la façon dont ses dirigeants assumaient leurs responsabilité? 

Qu’est-ce que lutter contre la pauvreté? Je dis bien lutter car pendant deux ans, les membres du PCC ont été mobilisés dans ce but qui n’était pas rien? Qu’est ce que promouvoir la paix dans le monde, si ce n’est, là encore, lutter pour une société qui soit autre chose qu’un rassemblement de bêtes à cornes? Ce que les dirigeants de la Chine proposent à leur peuple, en les associant à ce projet, c’est de construire une Chine puissante et cohérente, une Chine qui pour ces deux raisons soit capable d’affronter l’impérialisme et de porter la cause de la paix.

Que dire à Alain Supiot? Un enseignement professé au Collège de France l’a forcément été par une personne de talent. Je lui dirais donc, modestement, que je suis d’accord avec lui quand il écrit : « Lorsque l’Etat n’assure plus son rôle de garant de l’identité et de la sécurité physique et économique des personnes, les hommes n’ont plus d’autre issue que de rechercher cette garantie ailleurs» (342). Cette garantie serait celle «des appartenances claniques, religieuses, ethniques» (ibid.).

Il est clair cependant qu’une telle garantie ne garantit rien. Elle prolonge seulement la vie du capitalisme industriel. Le paradoxe de son fonctionnement est, en effet, le suivant. C’est grâce, désormais, aux maladies qu’il véhicule (et selon moi, les appartenances claniques, religieuses, ethniques érigées en substituts des défaillances de l’Etat sont des maladies), que les grandes bourgeoisies prolongent leur pouvoir. Celles et ceux qui les subissent se doivent donc de lutter pour leur élimination révolutionnaire, à moins qu’ils n’aient accepté de périr sous leur commandement. La tâche des communistes français aujourd’hui est de montrer l’exigence de la lutter pour le socialisme en France et d’en éclairer les contours. Dans ce contexte, je trouve stimulant qu’Alain Supiot ait écrit que le retour vers une certaine harmonie sociale « ne pourra se faire sans une remise en cause politique du pouvoir acquis aujourd’hui dans une majorité de pays par des classes dirigeantes ploutocratiques, dont les motivations n’ont rien de mystique et dont la cupidité effrénée et la puissance dévastatrice rendent toute son actualité à la critique du capitalisme instruite par Marx il y a un siècle et demi» (343).

Je trouve également également stimulant que ce juriste déclare qu’il faille «rendre à ceux qui travaillent une prise sur l’objet et le sens de leur travail» (346). Le SCS chinois et ce que nous pouvons en déduire pour la France est d’être un moyens pouvant aider à révolutionner le travail.    


[1]Revue Economie et Politique, Dossier sur «La Révolution informationnelle, ses ambivalences, ses potentialités», avec les articles de : Paul Boccara, Jean Lojkine et Jean-Luc Maletras, Fredéric Boccara, Frédéric Rauch, Sylvain Chicotte, Economie et Politique, mai-juin 2016, n°742-743, p.8-33 (en ligne). En particulier l’article de Frédéric Boccara, «Révolution informationnelle, «numérique», valeur et analyse de la marchandise, Quelques réflexions provisoires», p.21-26.

[2] https://www.reseau-canope.fr/savoirscdi/societe-de-linformation/le-monde-du-livre-et-de-la-presse/histoire-du-livre-et-de-la-documentation/biographies/norbert-wiener.html

[3]Je reprends ici une citation extraite du livre de Cédric Durand sur la révolution numérique, concernant Apple. Ce type d’analyse est bien connu, mais il peut intéresser les lecteurs. «Après avoir abandonné ses usines de Fountain à Colorado Springs et d’Elk Grove à Sacramento, en 1996 et 2004… toute la production est effectuée par des établissements basés hors des Etats-Unis, notamment en Chine, mais cela ne signifie pas que la société a relâché son contrôle sur les opérations de production. Elle a au contraire construit un écosystème fermé où elle exerce un contrôle sur presque tous les maillons de la chaîne d’approvisionnement, depuis la conception jusqu’au magasin de détail» (Chapitre : Les rentiers de l’intangible). En mondialisant sa production, cette multinationale a pris de la distance avec le travail qui s’y déploie. Celui-ci est le problème de ses unités décentralisées. Mais elle a centralisé le fonctionnement de l’ensemble à l’aide d’informations, de façon à lui donner les impulsions jugées stratégiques et à en connaître à tout instant la rentabilité.

[4]Michel Husson, voir ses divers travaux sur le site Hussonet. Par exemple «La théorie des Ondes Longues et la crise du Capitalisme Contemporain», décembre 2013.

[5]JD est l’acronyme du pinyin de Jing Dong (京东).

[6]Voici, par exemple, un propos du Premier ministre Li Keqiang : «Nous allons réduire la bureaucratie et éradiquer les illégalités afin de garantir aux citoyens une plus grande égalité de chances et d’élargir l’espace de leur créativité» (cité par Cédric Durand, Techno-Féodalisme, op.cit.)

[7]Danielle Bleitrach, Le rôle de l’individu dans l’histoire, Histoire et Société, 29 mai 2020, rubrique Cinéma, avec référence à l’ouvrage de Georges V. Plékhanov, Le rôle de l’Individu dans l’Histoire, (1898).

[8]Jean-Claude Delaunay, Rompre avec le Capitalisme, Construire le Socialisme, (chapitre 7, p.    ), 2020, Editions Delga, Paris.

[9]Bernard Stiegler, Dans la Disruption, Comment Ne Pas Devenir Fou, suivi d’un Entretien sur le Christianisme, 2016, Les Liens Qui Libèrent; Alain Supiot, La Gouvernance par Les Nombres, Cours au Collège de France (2012-2014), 2015, Fayard, Paris.

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2 Commentaires

  • Undertaker
    Undertaker

    Alors vous avez tout à fait raison concernant le manque d’information sur le SCS Chinois et ceux depuis plusieurs années pourtant ce n’est pas faute de communication là-dessus de la part du PCC. Mais en Europe ou aux US à part quelques articles à charge on n’a pas une grande visibilité là-dessus juste quelques articles dans le Monde Diplo. Personnellement je vous conseille de vous orienter directement sur les document Chinois le décrivant, personnellement je regarde ça plutôt du coté technique. Alors désolé de casser un peu votre série d’articles que je trouve quant même intéressant mais je vais revenir sur plusieurs points.Je vais partir de la fin.

    • Non le cas de Jack ma n’est pas significatifs, il y a eut des 2016 d’aussi gros industriels (côté en bourse) rappelés à l’ordre.
    • Même si les industriels du net avec leurs services comme Tencent ou Alibaba se sont gavés sur les données personnelles de leurs clients ceux ci ont arrêtés
    • Toujours sur les données personnelles celles ci sont cantonnés à chaque administration. Ex : un assureur ou autre organisme n’a pas à récupérer/vendre/échanger vos données médicale. Et les chinois y sont très attentifs
    • Le problème par contre du SCS chinois est plus d’ordre technique puisque chaque région choisit les priorités des applications d’ailleurs le SCS chinois n’est pas qu’une application.
    • Comme vous dites au départ, le SCS Chinois est là en premier pour que les administrations ou les entreprises puissent avoir une visibilité. Comme tout simplement ce qui existe deja chez nous, par exemple vous avez un score chez votre assureur, chez votre banquier, etc…

    Si vous cherchez un un peu plus de documentation en français malheureusement il y a pas grand chose. Je peux quant même vous conseillez Conférence de Séverine Arsène: le système de crédit social chinois ou son audition sur la chaine du sénat http://videos.senat.fr/video.2105624_60231a5b42006.audition-de-mme-severine-arsene-chercheuse-associee-au-medialab-de-sciences-po-et-enseignante-a-lu?timecode=1430000

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  • Jean-Claude Delaunay
    Jean-Claude Delaunay

    En relisant ce texte sur le Crédit social chinois, texte que j’avais oublié, je note une intervention de “M. Undertaker”, que je remercie même tardivement pour les informations qu’il m’a apportées, il y a deux ans, et ses commentaires. Le fait de casser mon texte n’est pas grave. Un site web, c’est fait pour ça.. Malheureusement, j’ai laissé tomber ce sujet, car les communistes français sont, dans leur majorité, fort éloignés de ce genre de questionnement sur la Chine. Ils en sont à croire que le Xinqiang est un immense camp de concentration pour Ouighurs. Quant au socialisme, il n’en est pas question. C’est dire leur niveau intellectuel. Et donc passer du temps sur “le crédit social chinois” est trop au-delà des exigences. Cela dit pour les quelques personnes que cela intéresse, j’ai trouvé un long commentaire de François Potier, commentaire qui, me semble-t-il, n’a pas été publié pour je ne sais quelle raison ou dont la publication m’a échappé. L’intérêt de ce commentaire vient notamment de la profession qu’exerça François Potier.

    Texte de François Potier

    FP – Commentaire/Chine, système de crédit social Réponse de François Potier à Jean-Claude Delaunay (Zhehai) J’ai beaucoup apprécié tes trois textes. Comme je te l’ai écrit, leur contenu est très riche et permet de bien replacer la problématique étudiée dans l’évolution des forces productives avec les technologies du numérique, ce que je n’avais pas vu dans mon questionnement initial.

    1 Le Système de Crédit Social (1) par J.C Delaunay (site de Danielle Bleitrach, Histoire et Société) : LE SYSTEME DE CREDIT SOCIAL EN CHINE par Jean-Claude Delaunay (1) | Histoire et société (histoireetsociete.com) Tu commences par poser le problème : « la révolution numérique, et les technologies qui vont avec, bouleversent la vie des sociétés dans lesquelles nous vivons sans que nous ne nous en rendions tout à fait compte ». Puis tu précises (en reprenant ta formulation dans un de tes commentaires) : « Il est clair, que dans une société de type capitaliste, la mise en œuvre de la révolution numérique et des techniques associées présente de graves dangers. Mais les membres d’une société de type socialiste sont-ils à l’abri de semblables menaces ? Quelles sont les conditions devant être respectées pour que ces nouvelles technologies protègent aussi bien les individus que la société tout en contribuant à l’harmonie sociale ? Quelles réflexions cela nous suggère-t-il pour la France ? ». Puis tu enchaînes sur le processus d’apparition du Système de Crédit Social en Chine : « Quand Xi Jinping arrive au pouvoir, la situation n’est pas brillante en Chine au plan de la corruption. … A cette époque, il se produisait un phénomène très particulier, celui de la chasse au corrompu, via internet. … Cela voulait dire, concrètement, qu’il ne suffisait pas de contrôler les entreprises pour maîtriser la corruption, qui est une sale affaire dans un pays socialiste, et qu’il fallait étendre le processus. Il était malsain, par ailleurs, que l’Etat (le PCC) ne fasse pas son travail. Quant aux organisations du genre Croix Rouge, etc., c’était évident. Il y a eu de gros scandales à ce propos. » Tu décris en détail les caractéristiques de ce Système de Crédit Social avant d’en esquisser une explication générale de son existence pour finir par ce commentaire : « Bref, je crois que nous devons adopter un système de ce genre, y penser en tout cas. Je crois que l’extension du contrôle aux individus doit être évité. Il y a d’autres moyens, et nous ne devons pas être « technico-dépendants ».

    FP – réponse à JC Delaunay / Chine – SCS 2 Je te suis complètement dans tout ton raisonnement. Mais je ne peux que m’interroger sur : • la généralisation à toutes les personnes physiques (comme toi, dans ton commentaire) ; • la possibilité concrète, donnée à tous les individus concernés, de retrouver un état normal de liberté ; • la mise en place de procédures pérennes pour « contrôler les contrôleurs ».

    2 Le Système de Crédit Social (2) par J.C Delaunay (site de Danielle Bleitrach, Histoire et Société) : LE SYSTÈME DE CRÉDIT SOCIAL EN CHINE (2) par J.Cl. Delaunay | Histoire et société (histoireetsociete.com) Je trouve ce chapitre très instructif. Tu y reprends d’ailleurs des développements décrits dans ton dernier livre. Cette thèse mériterait, selon moi, un exposé complet devant des « camarades français ». C’est pourquoi, je n’ai pas sélectionné quelques-unes de tes phrases car je considère que TOUT ce paragraphe est l’esquisse d’une thèse cohérente qui mérite attention. Je note évidemment la pertinence de ta phrase : « La Chine sera, en toute vraisemblance, le premier pays socialiste, en même temps que le premier pays, à lui donner une dimension globale, détachée du service du capital. Cela ne dispense pas, au contraire, d’en explorer encore la dimension politique et philosophique. C’est bien de mettre en place des instruments puissants de contrôle social, ou de surveillance sociale. Mais la question, aussi classique qu’attendue, demeure : « Qui va contrôler les contrôleurs ?».

    3 Le Système de Crédit Social (3) par J.C Delaunay (site de Danielle Bleitrach, Histoire et Société) : J.Cl. Delaunay : LE SYSTÈME DE CRÉDIT SOCIAL EN CHINE (3) | Histoire et société (histoireetsociete.com) Effectivement, ce 3ème texte ouvre le plus de perspectives. Comme tu le dis : « Cela dit, bien des questions restent en suspens, et notamment celle de savoir comment contrôler les contrôleurs ? Que devient l’individualité, mais aussi l’exploitation du travail, dans ce contexte technique ? On voit bien l’intérêt immédiat d’un tel système dans un pays comme la Chine. L’intérêt immédiat d’un tel système est de contrôler et de conduire à l’obéissance les ennemis de la nation et de la société. Mais est-ce le seul intérêt ? C’est ici que l’on peut, notamment, faire intervenir le marxisme. D’abord cette théorie n’est pas centrée sur une approche étroite des problèmes soulevés par FP – réponse à JC Delaunay / Chine – SCS 3 la préservation de la liberté individuelle. Il faut considérer le couple (individu/société) et pas seulement l’individu. Ensuite, cette théorie est fondamentalement une théorie du travail et de son exploitation. Être marxiste suppose de ne pas séparer l’analyse des libertés individuelles et collectives de celle du travail dans un certain contexte de rapports sociaux. Enfin, cette théorie oriente la réflexion vers la transformation du présent en s’efforçant de lui donner une perspective de moyen/long terme. »

    Là aussi, je ne reprends pas certaines de tes phrases. Car TOUT ce paragraphe est l’esquisse d’une thèse cohérente qui mérite attention. Cette thèse mériterait aussi, selon moi, un exposé complet devant des « camarades français ».

    4 “At last but not least” Pour finir, sans épuiser la réflexion, peut-être serait-il intéressant de raccrocher ce que tu écris aux deux points d’analyse suivants : 1 – le concept de « general intellect » (intellect général) du passage le « Fragment sur les machines » des Grundrisse « General intellect » – intelligence générale / intelligence sociale (Grundrisse1 ) Le « Fragment sur les machines »

    Après avoir rappelé que le « quantum de travail employé » est le « facteur décisif de la production de la richesse », Marx ajoute (bas de la page 660) : « Cependant, à mesure que se développe la grande industrie, la création de la richesse réelle dépend moins du temps de travail et du quantum de travail employé que de la puissance des agents mis en mouvement au cours du temps de travail, laquelle à son tour – leur puissance efficace –n’a elle-même aucun rapport avec le temps de travail immédiatement dépensé pour les produire, mais dépend bien plutôt du niveau général de la science et du progrès de la technologie, autrement dit de l’application de cette science à la production ». Marx poursuit (bas de la page 662), en parlant des machines, locomotives, chemins de fer, télégraphes électriques, métiers à filer automatiques, etc. : « Ce sont des organes du cerveau humain créés par la main de l’homme : de la force du savoir objectivée. Le développement du capital fixe indique jusqu’à quel degré le savoir social général, la connaissance, est devenue force productive immédiate, et, par suite, jusqu’à quel point les conditions du processus vital de la société sont elles-mêmes passées sous le contrôle du general intellect (intellect général), et sont réorganisées conformément à lui. Jusqu’à quel degré les forces productives sociales sont produites, non seulement sous la forme du savoir, mais comme organes immédiats de la pratique sociale ; du processus réel de la vie. » Je pense d’ailleurs que les ingénieurs informaticiens (dont j’ai fais partie) et les techniciens du numérique sont membres à part entière du prolétariat et absolument pas de la « petite bourgeoisie » comme beaucoup de camarades le pensent (alors qu’un professeur de l’enseignement public, par exemple, fait partie de la petite bourgeoisie).

    1 Karl Marx, Manuscrits de 1857-1858 dits « Grundrisse » (éditions sociales, Jean-Pierre Lefebvre)

    FP – réponse à JC Delaunay / Chine – SCS 4 2 – le concept de « contradiction antagoniste » et « contradiction nonantagoniste » comme décrit par Mao Zedong dans « De la contradiction » La place de l’antagonisme dans la contradiction (De la contradiction2 ) « Dans le problème de la lutte des contraires est incluse la question de savoir ce qu’est l’antagonisme. À cette question, nous répondons que l’antagonisme est l’une des formes et non l’unique forme de la lutte des contraires. Dans l’histoire de l’humanité, l’antagonisme entre les classes existe en tant qu’expression particulière de la lutte des contraires … Les contradictions et la lutte sont universelles, absolues, mais les méthodes pour résoudre les contradictions, c’est-à-dire les formes de lutte, varient selon le caractère de ces contradictions : certaines contradictions revêtent le caractère d’un antagonisme déclaré, d’autres non. Suivant le développement concret des choses et des phénomènes, certaines contradictions primitivement non antagonistes se développent en contradictions antagonistes, alors que d’autres, primitivement antagonistes, se développent en contradictions non antagonistes. … Mais dans un pays socialiste et dans nos bases révolutionnaires, ces contradictions antagonistes sont devenues non antagonistes et elles disparaîtront dans la société communiste. Lénine dit : « Antagonisme et contradiction ne sont pas du tout une seule et même chose. Sous le socialisme, le premier disparaîtra, la seconde subsistera. ». Cela signifie que l’antagonisme n’est qu’une des formes, et non l’unique forme, de la lutte des contraires, et qu’il ne faut pas employer ce terme partout sans discernement. » Ne serait-ce pas une piste pour faire la différence entre les différents traitements individuels dans le cadre du Système de Crédit Social

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