“Qui délivre le mot délivre la pensée”, dans ce temps où les “élites” médiatiques nous ont imposé une vraie vulgarité pour mieux nous interdire certains mots coupables d’excès révolutionnaires comme ceux de Révolution, communisme, socialisme rimant avec progrès et liberté alors même que l’on nous imposait de pseudos justifications technocratiques del’exploitation et des invasions impérialistes, retrouver au-delà de ce fatras le concret du vivant voilà le cheminement de l’artiste fuyant l’académisme et le politiquement correct d’aujourd’hui. Pourquoi ces mots là avancent toujours devant: milliardaires vertueux, entrepreunarial, compétitivité et les autres venant derrière emploi, santé, éducation, travailleurs,cherchant à se faire accepter, chapeau bas et humilité… La culture c’est d’abord bousculer les codes de l’exploitation et ne pas s’aligner sans cesse sur ceux d’une bienséance sans risque pour” festivaliers”, entre soi… ou tout à coup on se découvre la fausse audace de l’amour des migrants, celui de la libération féminine, mais pour mieux cautionner le “bon usage ” de la liberté des puissants sur les autres… pour cautionner les campagnes contre Fidel Castro ou celle demême tonneau pour l’intervention en Libye, Syrie, Irak et maintenant en faveur des Oighours dont ils se fichent totalement mais il faut en être comme aux dîners du Siècle… Nous ne manquons pas de gens comme ça à gauche! Robespierre continue à leur faire peur et ils nous invitent à un front populaire pour un capitalisme à visage humain, pour leurs subventions… Victor Hugo a eu le courage de la rupture et celui de plaider pour l’amnistie des comunards … (note de danielle Bleitrach pour histoire et societe)
Rédigé par Christine Belcikowski Aucun commentaireClassé dans : Histoire, Poésie Mots clés : aucun
De gauche à droite : Danton à la tribune de la Convention ; Robespierre à la tribune de la Convention ; Hugo député de la deuxième République en 1848.
Dans « Réponse à un acte d’accusation », long poème recueilli dans les Contemplations (I, VII) en 1856, Victor Hugo, bouillant fauteur de la bataille d’Hernani au théâtre en 1830 déjà, poursuit la même bataille contre ceux qui lui « crient raca » (1), grammairiens et autres sectateurs « du bon goût et l’ancien vers françois », au motif qu’il aurait en poésie « saccagé le fond tout autant que la forme », et que, « démagogue horrible et débordé », il aurait « dévasté le vieil ABCD » ! Oui, oui, en 1837, Victor Hugo a osé publier dans Les Voix intérieures un poème vulgairement intitulé « La Vache » ! et il y use même, quelle horreur ! du mot « ventre » ou encore du mot « pis » ! — Et pourquoi pas ? leur rétorque en substance le député de la République née de la révolution de 1848, puis, depuis Guernesey où il a dû s’exiler, le pourfendeur de « Napoléon le petit ».
Initialement monarchiste, Victor Hugo s’affirme ensuite ardent républicain. Il se veut ainsi, après Danton et après Robespierre, porte-parole des libertés qui, quoique encore bafouées, sont a priori celles du peuple, donc celles de l’écrivain aussi : « J’ai dit aux mots : Soyez république ! soyez / La fourmilière immense, et travaillez ! croyez, / Aimez, vivez ! ». « Qui délivre le mot, délivre la pensée. » (2)
Victor Hugo, Les Contemplations, Autrefois 1830–1843, Livre premier, Aurore, VII. Réponse à un acte d’accusation, extrait.
« Causons.
Quand je sortis du collège, du thème,
Des vers latins, farouche, espèce d’enfant blême
Et grave, au front penchant, aux membres appauvris,
Quand, tâchant de comprendre et de juger, j’ouvris
Les yeux sur la nature et sur l’art, l’idiome,
Peuple et noblesse, était l’image du royaume ;
La poésie était la monarchie ; un mot
Était un duc et pair, ou n’était qu’un grimaud ;
Les syllabes pas plus que Paris et que Londre
Ne se mêlaient ; ainsi marchent sans se confondre
Piétons et cavaliers traversant le pont Neuf ;
La langue était l’état avant quatre-vingt-neuf ;
Les mots, bien ou mal nés, vivaient parqués en castes ;
Les uns, nobles, hantant les Phèdres, les Jocastes,
Les Méropes (3), ayant le décorum pour loi,
Et montant à Versaille aux carrosses du roi ;
Les autres, tas de gueux, drôles patibulaires,
Habitant les patois ; quelques-uns aux galères
Dans l’argot ; dévoués à tous les genres bas,
Déchirés en haillons dans les halles ; sans bas,
Sans perruque ; créés pour la prose et la farce ;
Populace du style au fond de l’ombre éparse ;
Vilains, rustres, croquants, que Vaugelas (4) leur chef
Dans le bagne Lexique avait marqué d’une F (5) ;
N’exprimant que la vie abjecte et familière,
Vils, dégradés, flétris, bourgeois, bons pour Molière.
Racine regardait ces marauds de travers ;
Si Corneille en trouvait un blotti dans son vers,
Il le gardait, trop grand pour dire : Qu’il s’en aille (6) ;
Et Voltaire criait : Corneille s’encanaille !
Le bonhomme Corneille, humble, se tenait coi.
Alors, brigand, je vins ; je m’écriai : Pourquoi
Ceux-ci toujours devant, ceux-là toujours derrière ?
Et sur l’Académie, aïeule et douairière,
Cachant sous ses jupons les tropes (7) effarés,
Et sur les bataillons d’alexandrins carrés,
Je fis souffler un vent révolutionnaire.
Je mis un bonnet rouge (8) au vieux dictionnaire.
Plus de mot sénateur ! plus de mot roturier !
Je fis une tempête au fond de l’encrier,
Et je mêlai, parmi les ombres débordées,
Au peuple noir des mots l’essaim blanc des idées ;
Et je dis : Pas de mot où l’idée au vol pur
Ne puisse se poser, tout humide d’azur !
Discours affreux ! — Syllepse, hypallage, litote (9),
Frémirent ; je montai sur la borne Aristote,
Et déclarai les mots égaux, libres, majeurs.
Tous les envahisseurs et tous les ravageurs,
Tous ces tigres, les huns, les scythes et les daces,
N’étaient que des toutous auprès de mes audaces ;
Je bondis hors du cercle et brisai le compas.
Je nommai le cochon par son nom ; pourquoi pas ?
Guichardin (10) a nommé le Borgia, Tacite
Le Vitellius. Fauve, implacable, explicite,
J’ôtai du cou du chien stupéfait son collier
D’épithètes ; dans l’herbe, à l’ombre du hallier,
Je fis fraterniser la vache et la génisse,
L’une étant Margoton et l’autre Bérénice.
Alors, l’ode, embrassant Rabelais, s’enivra ;
Sur le sommet du Pinde (11) on dansait Ça ira ;
Les neuf muses, seins nus, chantaient la Carmagnole ;
L’emphase frissonna dans sa fraise espagnole ;
Jean, l’ânier, épousa la bergère Myrtil.
On entendit un roi dire : Quelle heure est-il ?
Je massacrais l’albâtre, et la neige, et l’ivoire,
Je retirai le jais de la prunelle noire,
Et j’osai dire au bras : Sois blanc, tout simplement.
Je violai du vers le cadavre fumant ;
J’y fis entrer le chiffre ; ô terreur ! Mithridate
Du siège de Cyzique eût pu citer la date.
Jours d’effroi ! les Laïs (12) devinrent des catins.
Force mots, par Restaut (13) peignés tous les matins,
Et de Louis quatorze ayant gardé l’allure,
Portaient encor perruque ; à cette chevelure
La Révolution, du haut de son beffroi,
Cria : Transforme-toi ! c’est l’heure. Remplis-toi
De l’âme de ces mots que tu tiens prisonnière !
Et la perruque alors rugit, et fut crinière.
Liberté ! c’est ainsi qu’en nos rébellions,
Avec des épagneuls nous fîmes des lions,
Et que, sous l’ouragan maudit que nous soufflâmes,
Toutes sortes de mots se couvrirent de flammes
. J’affichai sur Lhomond (14) des proclamations.
On y lisait : « — Il faut que nous en finissions !
« Au panier les Bouhours, les Batteux, les Brossettes (15) !
« À la pensée humaine ils ont mis les poucettes.
« Aux armes, prose et vers ! formez vos bataillons !
« Voyez où l’on en est : la strophe a des bâillons,
« L’ode a des fers aux pieds, le drame est en cellule.
« Sur le Racine mort le Campistron pullule ! (16) — »
Boileau (17) grinça des dents ; je lui dis : Ci-devant,
Silence ! et je criai dans la foudre et le vent :
Guerre à la rhétorique et paix à la syntaxe !
Et tout quatrevingt-treize éclata. Sur leur axe,
On vit trembler l’athos, l’ithos et le pathos (18).
Les matassins (19), lâchant Pourceaugnac et Cathos (20),
Poursuivant Dumarsais (21) dans leur hideux bastringue,
Des ondes du Permesse (22) emplirent leur seringue.
La syllabe, enjambant la loi qui la tria,
Le substantif manant, le verbe paria,
Accoururent. On but l’horreur jusqu’à la lie.
On les vit déterrer le songe d’Athalie (23) ;
Ils jetèrent au vent les cendres du récit
De Théramène (24) ; et l’astre Institut (25) s’obscurcit.
Oui, de l’ancien régime ils ont fait tables rases,
Et j’ai battu des mains, buveur du sang des phrases,
Quand j’ai vu, par la strophe écumante et disant
Les choses dans un style énorme et rugissant,
L’Art poétique (26) pris au collet dans la rue,
Et quand j’ai vu, parmi la foule qui se rue,
Pendre, par tous les mots que le bon goût proscrit,
La lettre aristocrate à la lanterne esprit.
Oui, je suis ce Danton ! je suis ce Robespierre !
J’ai, contre le mot noble à la longue rapière,
Insurgé le vocable ignoble, son valet,
Et j’ai, sur Dangeau (27) mort, égorgé Richelet (28).
Oui, c’est vrai, ce sont là quelques-uns de mes crimes.
J’ai pris et démoli la bastille des rimes.
J’ai fait plus : j’ai brisé tous les carcans de fer
Qui liaient le mot peuple, et tiré de l’enfer
Tous les vieux mots damnés, légions sépulcrales ;
J’ai de la périphrase écrasé les spirales,
Et mêlé, confondu, nivelé sous le ciel
L’alphabet, sombre tour qui naquit de Babel ;
Et je n’ignorais pas que la main courroucée
Qui délivre le mot, délivre la pensée. »
—–
1. Raca : terme d’injure venu de l’araméen, signifiant « tête vide ». « Crier raca » : marquer un profond mépris à l’égard de quelqu’un ou de quelque chose.
2. In « Réponse à une accusation ».
3. Phèdre (chez Euripide, Sophocle, Sénèque, Racine, entre autres), Jocaste (chez Sophocle, Racine, entre autres, Mérope (chez Euripide et Voltaire, entre autres) : figures de reines dans la tragédie antique ou moderne.
4. Claude Favre, baron de Pérouges, seigneur de Vaugelas (1585-1650), est un grammairien, l’un des premiers membres de l’Académie française, principal auteur du premier Dictionnaire de l’Académie, célèbre pour la pureté de sa langue et pour le purisme du goût qu’il affiche en matière de « bien parler» et de « bien escrire ». Il contribue ainsi à établir la distinction qu’on continuera de faire encore longtemps après lui, entre le beau parler, qui est celui de la cour et du grand monde, et le parler vulgaire, qui est celui des « crocheteurs de Port-au-Foin ».
5. Vaugelas marque certains mots d’un F : familier, comme le garde-chiourme marque au fer le forçat.
6. Auteur d’un Lexique de Corneille, Charles Marty-Laveaux, in De la langue de Corneille, article 1, in Bibliothèque de l’École des chartes, année 1861, tome 22, pp. 209-236, observe que, surtout dans ses comédies, Corneille n’hésite pas à user de mots empruntés horresco referens au lexique de l’art militaire ou à celui des maçons, des charpentiers, etc., ou encore à celui de la vie quotidienne. Il relève par ailleurs chez Corneille « quelques trivialités », qui certes l’étaient sans de leur temps, mais qui ne sont plus depuis longtemps tenues pour telles. « Nous citerons comme exemples, cajoler, tâter pour éprouver, pousser à bout, prendre en traître, tomber des nues, se moquer de, faire pester, avoir la larme à l’œil, avoir sur les bras. […]. Quelques-unes, comme pousser à bout, se retrouvent chez Racine ; parfois aussi celles qu’on rencontre chez ce dernier poëte, si elles ne sont pas identiques, sont au moins équivalentes : ainsi on n’y lit pas avoir la larme à l’œil, mais on peut y recueillir être tout en larmes, qui n’est guère moins familier. »
7. Tropes : figures de style, figures de rhétorique.
8. Bonnet rouge : il s’agit bien sûr du bonnet rouge des sans-culottes.
9. Syllepse, hypallage, litote : trois figures de style, des plus remarquables.
10. François Guichardin ou le Guichardin, en italien Francesco Guicciardini (1483-1540), historien, philosophe, diplomate et homme politique florentin du XVIe siècle, qui, dans sa Storia d’Italia n’idéalise pas les grands hommes, ne leur prête pas des jambes de cheval quand ils ont celles d’un âne, mais évoque ces hommes dans leur particulare, i.e. tels qu’ils sont.
11. Le Pinde : massif montagneux de l’Épire, dans le Nord de la Grèce et le Sud-Est de l’Albanie, vu par les Grecs anciens comme le siège des Muses et celui d’Apollon, dieu de la musique et de la poésie.
12. Laïs : célèbre courtisane grecque.
13. Pierre Restaut (1696-1764), grammairien et pédagogue pointilleux, auteur en 1730 des Principes généraux et raisonnes de la grammaire française (avec des Observations sur l’orthographe, les accents, la ponctuation et la prononciation et un abrégé des règles de la versification française).
14. Charles François Lhomond, dit l’abbé Lhomond (1727-1794), professeur à l’Université de Paris, humaniste érudit et grammairien pédagogue, auteur du manuel de latin intitulé De viris illustribus urbis Romæ (Des hommes illustres de Rome).
15. Dominique Bouhours (1628-1702), prêtre jésuite, grammairien, biographe et apologiste, continuateur de Vaugelas ; Charles Batteux (1713-1780), homme d’Église, érudit, traducteur du latin, auteur, entre autres, d’un Cours de belles-lettres distribué par exercices en 1747 et de De la construction oratoire en 1763 ; Claude Julien Brossette (1671-1743), seigneur de Varennes Rapetour, avocat lyonnais, homme de lettres, fondateur et secrétaire perpétuel de l’Académie de Lyon, correspondant et éditeur de Nicolas Boileau.
16. Jean Galbert de Campistron (Toulouse, 1656-1723, Toulouse), auteur de tragédies et d’opéras, élu mainteneur de l’Académie des Jeux floraux en 1694 ; émule maladroit de Racine, d’où surnommé « le singe de Racine ».
17. Nicolas Boileau, dit Boileau-Despréaux (1636-1711), homme de lettres, poète, traducteur, polémiste et théoricien de la littérature, connu, entre autres, pour son Art poétique (1674), dans lequel figurent ces deux vers passés en proverbe ; « Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement / Et les mots pour le dire arrivent aisément. »
18. Ithos : partie de la rhétorique qui traite de l’impression morale que doit produire l’orateur sur l’auditeur ; pathos : partie de la rhétorique qui traite des moyens propres à émouvoir l’auditeur). De façon péjorative, l’ithos et le pathos désignent chez Molière, dans Les femmes savantes, un discours prétentieux et affecté. Hugo ajoute par dérision « athos » au couple ithos/pathos, pour l’effet sonore seulement, le mot « athos » n’ayant ici par lui-même aucun sens.
19. Matassin : personnage ridicule, bouffon.
20. Pourceaugnac, bourgeois de Limoges, personnage ridicule du Monsieur de Pourceaugnac (1669) de Molière ; Cathos, l’une des deux précieuses des Précieuses ridicules (1659) de Molière.
21. César Chesneau Dumarsais ou Du Marsais (1676-1756), avocat, puis précepteur ; grammairien, auteur du célèbre Traité des tropes (1730).
22. Dieu-fleuve de la Grèce antique, le Permesse prend sa source sur les flancs du mont Hélicon, et les Muses viennent s’y baigner au cours de leurs promenades dans cette région.
23. Le songe d’Athalie fait l’objet d’un récit fameux dans l’acte II, scène 5, de l’Athalie de Racine : « C’était pendant l’horreur d’une profonde nuit… » Athalie voit paraître sa mère défunte ; puis, seuls restes de cette dernière, « un horrible mélange / D’os et de chairs meurtris et traînés dans la fange, / Des lambeaux pleins de sang et des membres affreux / Que des chiens dévorants se disputaient entre eux. »
24. Le récit de Théramène intervient à l’acte V, scène 6, de la Phèdre de Racine. Théramène raconte comment Hippolyte, tentant d’affronter un monstre furieux, trouve la mort, traîné par ses chevaux pris d’une peur panique.
25. L’astre Institut : l’Académie française.
26. L’Art poétique : ouvrage maître de Nicolas Boileau.
27. Philippe de Courcillon, marquis de Dangeau (1638-1720), militaire, diplomate et mémorialiste, connu surtout pour son Journal où il décrit la vie à la cour de Versailles à la fin du règne de Louis XIV.
28. César Pierre Richelet (1626-1698), grammairien et lexicographe, rédacteur d’un des premiers dictionnaires de la langue française et du premier dictionnaire de rimes de la langue française.
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