Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

« Russe, rends-toi » version 2021: la brosse à chiottes en or a trahi les auteurs du superfilm, par Victoria Nikiforova

https://ria.ru/20210203/rossiya-1595674383.html

Les liens de Navalny avec les services secrets occidentaux sont de plus en plus démontrés et les manifestations sont de moins en moins convaincantes. Lavrov lui en tire les conséquences et expulse les ambassadeurs pour ingérence, le message est clair “nous ne sommes pas à kiev ici et vous irez faire votre maïdan ailleurs”. Mais les interrogations russes, celle des communistes en particulier vont plus loin. Est-ce que Poutine et les libéraux oligarques de son parti Russie unie ne lancent pas une opération à la Mitterrand : se trouver un opposant à l’extrême-droite pour continuer à bénéficier des voix des patriotes et des sympathisants des communistes ? La question centrale est pourquoi avoir laissé partir Navalny en Allemagne ? De quelles complicité bénéficie-t-il dans cette opération entièrement montée par les services occidentaux? Mais apprécions encinéphiles que nous sommes ce côté cultivé des faussaires de la CIA. On le sait depuis qu’on s’est aperçu que les espions s’étaient grogés de la french culture. (note de Danielle Bleitrach, traduction de Marianne Dunlop).

(RIA Novosti)

Dans la vidéo sur “le palais de Poutine”, qui en fait n’est pas un palais, ni à Poutine, il y a un moment amusant. Décrivant la chambre principale dessinée par ordinateur, Navalny dit: « … l’impératrice folle. Ou plutôt, l’empereur fou … Ce sont exactement les mots qui me viennent à l’esprit … »

En vrai, à la base, ces mots ne lui sont pas venus à l’esprit du tout. Navalny reprend la blague de quelqu’un d’autre. Elle a été conçue en anglais et exclusivement pour les Américains. Navalny lui-même – à en juger par son ton neutre – ne la comprend pas, car le tube immortel d’Irina Allegrova, jouant en arrière-plan, décrit, en fait, la tournée alcool-sexe d’une fille dans les cabarets et les night-clubs, et pas un énorme palais avec une immense chambre à coucher.

Il s’agit de tout autre chose, d’une autre impératrice folle, L’impératrice rouge, du film de Joseph von Sternberg avec Marlene Dietrich dans le rôle titre. Tourné en 1934, le film raconte une histoire complètement fantastique sur Catherine la Grande. La somme de délire et le talent incontestable de Sternberg font de ce film une perle de kitsch visuel et un recueil des fantasmes les plus idiots sur la petite-mère Russie.

C’est de là que vient la blague gentillette de l’auteur du texte ; une blague qu’un Américain éduqué, en particulier un diplômé d’une école de cinéma, peut savourer. Cependant, cela ne fonctionne pas pour le public russe.

Ainsi, l’auteur du texte écrit pour Navalny aux États-Unis connaît bien le cinéma. En fait, il l’admet lui-même: il compare l’image de l’aigle à deux têtes avec le cadre d’ “Octobre” d’Eisenstein. En effet, les films d’Eisenstein sont étudiés de la manière la plus attentive, littéralement image par image, dans les écoles de cinéma américaines.

Mais encore plus près de nous, la séquence avec l’aigle sur la grille et l’entrée de la caméra dans l’espace du palais peint ressemble aux premiers plans de Citizen Kane. Les cinéastes américains connaissent par cœur ce chef-d’œuvre réalisé par Orson Welles en 1941 et le citent encore.

En général, le thème de l’homme solitaire et ambitieux, enfermé dans son gigantesque palais rempli de trésors, est un thème classique du cinéma américain: de Citizen Kane à Scarface. Il n’est pas surprenant que les propagandistes en aient fait leurs choux gras depuis longtemps.

Dans la Bible des scénaristes américains – “Le héros aux mille et un visages” de Joseph Campbell, le tyran avec lequel le héros mythologique est obligé de se battre est identifié à un dragon. Le dragon est le gardien des trésors, et le tyran, par analogie, demeure dans son palais doré. Le «terrible tyran» s’accroche au passé, mais un héros vient, auréolé de futur, et « le détruit d’un geste – aussi simple que d’appuyer sur un bouton ».

Cette intrigue fonctionne dans les films d’action, les histoires policières et la fantaisie. Dans leurs campagnes de propagande, les Américains l’ont également exploitée à fond. Avant de déclencher une guerre contre tel ou tel pays, son chef aura certainement un palais. Il est rempli de trésors. Les jardins de Babylone y fleurissent. Dans le cas des pays orientaux, la présence d’un “harem aux esclaves” est forcément évoquée.

D’une part, le palais est absolument secret, d’autre part, tout le monde ne parle que de lui et connaît sa décoration par cœur jusqu’à la couleur des poignées de porte. Les habitants ont peur de passer devant ou même de le regarder.

Où ce système n’a-t-il pas été appliqué?! De nombreux palais ont été attribués à Saddam Hussein. On a fait passer un bâtiment officiel – le Palais du Parlement à Bucarest – pour la propriété privée du couple Ceausescu. Malgré le fait que Slobodan Milosevic a toujours vécu dans des maisons et des appartements modestes, on a fait valoir que tout à l’intérieur était rempli «d’or et de diamants».

Plusieurs palais ont même été attribués au colonel Kadhafi, qui vivait sous une tente. Le banal manoir de Ianoukovitch “Mezhyhirya” a été transformé en une sorte de château de Barbe Bleue. « On s’ennuie avec vous! » : c’est ainsi que le président Poutine a justement caractérisé la prévisibilité des partenaires américains.

L’attaque médiatique était généralement suivie d’un coup d’État militaire, l’armée américaine occupait le pays et le chef était tué. Et ensuite les GI déclaraient tout étonnés aux journalistes qu’il n’y avait pas de palais et que c’était la grosse déception aussi concernant les trésors. Pas un seul palais des fantasmes des propagandistes n’a jamais été montré au public. Cependant, les habitants n’en étaient plus à ça près : ils erraient parmi les ruines, essayant de survivre d’une manière ou d’une autre après le renversement du “tyran”. Pendant ce temps, le public occidental avalait de nouveaux bobards.

Il est arrivé que ce schéma échoue. En 2014, des cinéastes américains ont construit sur le territoire d’Israël le décor d’un palais luxueux dans le style du château d’émeraude du magicien d’Oz et l’ont filmé pour la série télévisée Netflix “Tyrant“. Il avait été calculé que la série sortirait pile-poil au moment de la chute de la Syrie et que le palais représenterait le manoir de Bashar al-Assad. Mais cela n’a pas marché. Avec l’aide des Russes, la Syrie a survécu, son président a continué à vivre dans sa résidence parfaitement minimaliste et les héros de “Tyrant” ont dû être débaptisés d’urgence.

En 2016, après leur entraînement en Ukraine, des experts américains, utilisant le même sujet, ont commencé à attaquer le président américain nouvellement élu. Du coup, il s’est avéré que Donald Trump avait mauvais goût. Les critiques d’art en uniforme ont commencé à publier des révélations les unes après les autres. Une chose terrible est apparue: Trump commande sa décoration intérieure dans un style «chic dictatorial», et ses demeures sont pratiquement impossibles à distinguer des palais proverbiaux de Saddam Hussein.

On a commencé à incriminer Trump pour son luxe futile. Les photos de ses nombreux domaines ont été diffusées dans les réseaux. Mais étant donné que ses opposants politiques n’étaient pas plus pauvres que lui, ces révélations avaient peu de succès auprès des Américains.

Par exemple, un internaute publie “Les dix possessions les plus luxueuses de Trump” sur sa chaîne YouTube. Il y en a toute une liste : avions, hélicoptères, voitures super chères – en général, la vie est belle. Mais dans les commentaires, des Américains, tout sauf fortunés, écrivent: «Il a gagné tout cela lui-même». Et encore: « Eh bien imaginez un président qui ne doit s’incliner devant personne – ni devant les corporations, ni les politiciens, ni les lobbyistes – et qui peut faire ce en quoi il croit. Et en plus, il a refusé le salaire présidentiel !»

Simultanément, les stratèges politiques américains ont remis en route leur arme fatale. Premièrement, des informations massives sur les «toilettes dorées» de Trump sont passées dans les réseaux et les tabloïds. Puis des réfutations: non, ce ne sont pas les toilettes, seuls les robinets de la salle de bain sont en or – et, non, pas en or, ils sont juste peints en doré.

L’artiste contemporain Maurizio Catelán a créé un wc en or et a appelé cette œuvre d’art “Amérique”. À l’automne 2016, l’œuvre a été exposée par le musée Guggenheim. Dès que Trump est entré à la Maison Blanche, la direction du musée lui a proposé de louer cette œuvre d’art. Tous les médias démocratiques aux États-Unis ont écrit à ce sujet.

Même pendant la campagne électorale de 2016, un groupe d’artistes contemporains anonymes a exposé à Chicago toute une allée de toilettes dorées avec des inscriptions obscènes sur Trump. Au centième jour de sa présidence, leurs concurrents – également anonymes – ont installé des toilettes similaires dans des villes américaines.

Ça ne vous rappelle rien? Exactement. La cuvette en or des toilettes de Ianoukovitch. Et avant cela, il y a eu les toilettes en or de Saddam Hussein – les journalistes des tabloïds britanniques The Sun, Daily Mail, je me souviens, sur les épaules de soldats américains ont fait irruption dans la résidence du dirigeant irakien pour être les premiers à prendre des photos de la merveille. Mais non, comme l’or d’El Dorado, il n’y en avait trace.

Et dire que tout cela avait commencé avec le pot de chambre du dictateur cubain Batista. Incapables de sauver leur protégé des Cubains qui en avaient assez de ses atrocités, les autorités américaines l’ont en fait abandonné à son sort. Batista s’est enfui en Europe et les propagandistes américains lui ont rapidement fabriqué un pot de chambre en argent et un téléphone en or – les attributs obligés d’un tyran, pour ainsi dire.

Le film écrit par les Américains pour Navalny a également un thème de toilette. Ce sont les brosses WC et supports à papier hygiénique – pas en or, mais assez luxueux. Lors des manifestations dans les villes russes, certains manifestants agitent des brosses WC et les « sous-vêtements » de Navalny.

C’est ainsi que les partenaires américains obtiennent les images de Russie dont ils ont besoin. Si rien ne sort de ces manifestations, l’histoire retiendra toutefois les photos de manifestants agitant des brosses à chiottes. Le monde se souviendra des protestants de Kiev sur le Maidan pour leurs casseroles sur la tête, les Moscovites pour leurs brosses. Il est tout simplement incroyable de voir à quel point les citoyens travaillent avec enthousiasme gratuitement en tant que figurants dans des productions américaines, sans penser à quel point ils ont l’air idiot sur les photos.

Cependant, il serait ridicule de reprocher à l’équipe de Navalny leur travail de mauvaise qualité. Leurs prédécesseurs, nos précédents «partenaires occidentaux», ont également fait de la propagande par-dessus la jambe. Pendant la Grande Guerre patriotique, même les collaborateurs disaient le plus grand mal des tracts de la Wehrmacht: « Le texte entier des tracts, en règle générale, était constitué d’allusions grossières, de blagues et de mots d’esprit indigestes, traduits littéralement en russe, à tel point qu’il fallait se creuser la tête un certain temps, traduire mentalement tout cela en allemand, afin de deviner les miettes de sens que les auteurs avaient voulu y mettre », écrit Alexandre Kazantsev, qui avait travaillé pour les Allemands. « Le commandement soviétique aurait pu avec plaisir payer de grosses sommes pour la majorité de ces tracts ».

Titreoriginal : Русский, сдавайся” — 2021: золотой ершик выдал авторов суперфильма

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