Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Qui était Patrice Lumumba?

Ils ont tué Lumumba, cela se passait il y a trente ans un 17 janvier. L’article a raison d’insister sur le jalon qu’a constitué l’assassinat de Lumumba dans la conscience des anti-impérialistes et des communistes et pas seulement en Afrique. L’article a également raison d’insister sur le fait que la Belgique comme la France avec Sankara ont agi non seulement pour leur propre compte de colonisateur, mais déjà celui des Américains. On voit la guerre d’Algérie comme la guerre de la France, mais comme le soulignait déjà Jacques Duclos c’est leur faire trop d’honneur que les croire des patriotes dans l’errance, étaient déjà défendus les intérêt pétroliers des USA. Je reviendrai certainement un jour à partir des riches mémoires de Jacques Duclos sur cette dimension de la vassalité colonialiste française dans les guerres coloniales.

Le parti communiste Français était à cette époque-là le lieu vers lequel convergeaient toutes les prises de conscience. Dans mon engagement, je me souviens de trois moments qui paradoxalement coïncident tous les trois avec la découverte de grands reportages avec d’immenses photos centrales dans l’hebdomadaire Paris Match. Il y eut (j’en ai parlé dans mes mémoires) la photo des communistes pendus à des crocs de boucher par les Hongrois que l’on nous peignait comme des héros anti-staliniens, la photo me fit l’effet inverse. Il y eut ce reportage sur le maquis de Fidel Castro dans la Sierra Maestra, je revois encore cette photo prise d’avion tenant deux pages de la jungle cubaine. Mais il y eut surtout cette photo de l’enterrement de Patrice Lumumba, son épouse si belle torse nue sur un camion pleurant le héros mort. Chaque fois je me suis précipitée pour savoir de qui il s’agissait, à l’époque il y avait l’Humanité, tellement de communistes compétents, des combattants, je pense à Jean Suret-Canale et nous nous identifions à ces hommes et femmes qui partout dans le monde luttaient pour notre idéal commun. Nous parler de races, de différences à partir d’origines, de couleur de peau nous eut paru insensé. Lumumba était tombé pour notre combat commun, le reste nous aurait ramenés à cette folie des Etats-Unis, des hommes capables d’envoyer les chiens en Alabama. Jamais nous n’aurions imaginé que les assassins de Lumumba introduiraient cette lèpre de l’entendement dans nos pays, dans notre France que nous pensions préservée, mais c’était oublier qu’un peuple qui en opprime un autre ne peut pas être libre et que seule la force du parti communiste français nous donnait l’illusion d’être préservés. Désormais avec son affaiblissement et ses dérives y compris vers les bonnes oeuvres de l’Otan, les complaisances envers l’idéologie de l’anti-terrorisme nous voyons tout cela nous envahir (note de Danielle Bleitrach pour histoireetsociete).

CONGO 14 Janvier 2021 Thema’s COMMISSION PASSÉ COLONIAL24 Tony Busselen

Lumumba est un symbole de la lutte du peuple congolais pour l’indépendance. En Afrique, il est mis sur le même pied que tous les leaders majeurs de la lutte contre le colonialisme. Mais qui était Patrice Lumumba et pourquoi faire vivre sa mémoire est-il si important ?

Né en 1925, Patrice Lumumba commence sa carrière en tant qu’employé, puis devient journaliste. Il est ce que le colonisateur a appelé un « évolué », à savoir un Congolais qui a adopté les « manières blanches ».

60 ans après, le meurtre de Patrice Lumumba reste dans nos mémoires

En 1956, il écrit le livre « Le Congo, terre d’avenir, est-il menacé ? » On y retrouve une citation de Baudouin, alors roi de Belgique : « Les Belges et Congolais sont tous des citoyens, comme les Wallons et les Flamands et doivent vivre côte à côte, dans une ambiance de franche fraternité. » Quatre ans plus tard, sous l’influence d’autres dirigeants africains et en réponse à la réticence manifeste de l’autorité coloniale belge à reconnaître la souveraineté du peuple congolais, Patrice Lumumba se rend à l’évidence : dans un régime colonial, l’égalité entre Congolais et Belges est un leurre. Il devient un fervent défenseur de l’indépendance du Congo.

En réalité, la colonisation est tout le contraire de ce qu’avançait Baudouin. Dans les années 1950, au Congo, le salaire moyen d’un travailleur blanc était cinquante fois supérieur au salaire moyen d’un travailleur congolais. De 1885 à 1960, l’élite financière belge a dépouillé le Congo de ses ressources naturelles, en lui donnant bien peu en retour. À l’indépendance, le pays ne compte pas plus de 16 universitaires congolais et se retrouve avec des infrastructures largement axées sur l’exportation.

Le colonialisme signe son arrêt de mort

Toujours dans les années 1950, un mouvement d’émancipation anticolonialiste balaie les colonies d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine. En 1954, les communistes vietnamiens battent l’armée française. De 1954 à 1962, le peuple algérien mène une lutte de libération épuisante pour le colon français, qui se solde par la victoire algérienne. Le 1er janvier 1959, les Cubains chassent le dictateur qui dirigeait leur pays pour le compte des États-Unis. Après la Seconde Guerre mondiale, l’Union soviétique gagne en prestige et soutient partout les luttes pour la décolonisation.

Le gouvernement belge n’hésitera pas, un an après avoir réprimé dans le sang une révolte du peuple congolais, à faire tirer sur les travailleurs belges en lutte contre la Loi unique. En 1961, quatre manifestants sont tués. (Photo Amsab) 

Après 80 ans d’occupation, sous l’influence des luttes anticoloniales en cours ailleurs dans le monde, la résistance se met en place au Congo aussi. Le 4 janvier 1959, des milliers de Congolais descendent dans les rues de Léopoldville (aujourd’hui Kinshasa) pour réclamer l’indépendance de leur pays. La manifestation est un immense succès mais se termine dans un bain de sang. Cette répression est ordonnée par le gouvernement belge, qui n’hésitera pas, un an plus tard, à tirer sur des citoyens belges protestant contre la Loi unique. Au Congo, les forces de l’ordre se déchaînent deux jours durant, tuant 300 manifestants. Le système colonial signe ainsi son arrêt de mort. Les nouvelles se diffusent aux quatre coins du pays. Partout, la population congolaise boycotte l’administration coloniale et refuse de payer ses impôts. L’année 1959 est marquée par la révolte.

Discours historique

C’est dans ce contexte que la puissance coloniale belge annonce la tenue des premières élections nationales au Congo en 1960. Elles devraient être organisées dès le mois de mai et ouvrir la voie à l’indépendance. En organisant des élections à très court terme, le gouvernement catholique-libéral de Gaston Eyskens espère que ce seront avant tout des hommes politiques loyaux et dociles vis-à-vis de l’autorité coloniale qui l’emporteront. Le plan du pouvoir belge ? Garder ainsi le contrôle en pratique, en se cachant derrière une indépendance de façade. Or, les choses vont se passer tout autrement : l’alliance des partis autour de Lumumba remporte 71 des 137 sièges, ce qui lui confère la majorité au Parlement. Au Sénat, il manque deux sièges à cette même alliance pour obtenir la majorité, car 23 des 84 sénateurs n’ont pas été élus au suffrage direct. Ce sont des chefs locaux qui ont généralement bien coopéré avec l’autorité coloniale.

Patrice Lumumba est contraint de former une coalition. Son rival, Joseph Kasa-Vubu, soutenu par le gouvernement belge, devient président. Lumumba prend le poste de Premier ministre. Le jour de l’indépendance, le 30 juin 1960, le roi Baudouin prononce un discours dans lequel il a fait l’éloge de « la grande œuvre » initiée par son arrière-grand-père Léopold II, ce « civilisateur ». Lumumba y répond par un discours historique, dans lequel il exprime les sentiments du peuple congolais. Il décrit le régime colonial comme un « humiliant esclavage » et rappelle le racisme et la répression brutale de toute résistance.

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Lumumba destitué

L’idée d’un gouvernement congolais véritablement indépendant est intolérable pour les groupes capitalistes belges. Dans une note confidentielle de la Table ronde économique, qui réunit les plus hauts responsables politiques et économiques de Belgique, on peut lire ceci : « Une fois que le Congo aura acquis son indépendance, il sera contraint de nous demander une aide économique. Cela nous place dans une position de négociation avantageuse, tant en termes financiers que personnels. » Il s’agit donc de défendre les intérêts des groupes capitalistes belges.

Dix jours seulement après l’indépendance, le gouvernement Lumumba doit faire face à une attaque de 10 000 soldats belges dans la ville portuaire de Matadi, après que le général belge Janssens ait provoqué des émeutes dans la capitale. Le 11 juillet, la riche province du Katanga fait sécession, avec le soutien militaire belge et sous l’impulsion de l’Union Minière (aujourd’hui Umicore), une multinationale belge dont le Katanga est le fief.

Au bout de deux mois de résistance contre cette guerre de reconquête belge, le président Kasa-Vubu, poussé par ses conseillers belges, démet de ses fonctions le Premier ministre Lumumba, qui s’oppose à cette décision. Par la suite, le colonel Mobutu renversera également le président, pour le remplacer par un collège de commissaires. Mobutu, avec l’aide des États-Unis et de la Belgique, va éliminer par la voie militaire la totalité du mouvement lumumbiste puis, cinq ans plus tard, instaurer une dictature qui durera 30 ans.

Ce soutien à Mobutu permet aux États-Unis de bien s’implanter dans le centre de l’Afrique. Cette position favorable leur servira tout au long de la guerre froide pour combattre les mouvements de libération de gauche en Afrique australe et, en particulier, en Angola et en Rhodésie (aujourd’hui divisée pour former la Zambie et le Zimbabwe). Pendant les trente années que durera la dictature de Mobutu, les États-Unis feront quelque peu oublier le rôle de la Belgique en tant que véritables maîtres néocolonialistes du pays. Le Premier ministre belge chrétien-démocrate Wilfried Martens dira cependant, en mars 1981 : « J’aime ce pays, son peuple et ses dirigeants. »

Trahison et assassinat

Lumumba est assigné à résidence et s’enfuit le 27 novembre 1960 pour rejoindre Stanleyville (aujourd’hui Kisangani), à 2 300 kilomètres à l’intérieur des terres. C’est là que se trouvent les membres de l’armée nationale dont plus de la moitié est restée fidèle au gouvernement central, ainsi que la plupart des partisans du Premier ministre déchu. En chemin, il est arrêté par les soldats de Mobutu.

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Mobutu décide, sur l’insistance de conseillers belges et américains, de remettre Lumumba aux dirigeants de la province sécessionniste du Katanga, pour qu’il y soit exécuté. Patrice Lumumba est ainsi assassiné le 17 janvier 1961, en présence d’officiers belges. L’implication de fonctionnaires belges, jusqu’au plus haut niveau, a été confirmée par une commission d’enquête parlementaire en 2000. Dans ses conclusions, la commission se garde bien, toutefois, de désigner des responsables directs, mais évoque plutôt une « responsabilité morale de l’État belge ». Cependant, l’enquête sur le meurtre de Patrice Lumumba révèle de nombreux noms bien connus, notamment ceux des mêmes milieux réactionnaires qui, dix ans plus tôt, avaient commandité l’assassinat du communiste belge Julien Lahaut : Pierre Wigny, Albert De Vleeschauwer et André Moyen.

Patrice Emery Lumumba et son idéal d’un Congo fort, indépendant et prospère restent aujourd’hui encore une source d’inspiration importante. Non seulement pour les Congolais eux-mêmes, mais pour tous ceux qui considèrent le droit à l’indépendance de tous les peuples comme un droit humain.

Extrait du discours de Patrice Lumumba le 30 juin 1960 : « Congolais et Congolaises, Combattants de l’indépendance aujourd’hui victorieux, je vous salue au nom du gouvernement congolais. (…) cette indépendance du Congo, c’est par la lutte qu’elle a été conquise (…) ce fut une lutte noble et juste, une lutte indispensable pour mettre fin à l’humiliant esclavage qui nous était imposé par la force. (…) Nous avons connu les ironies, les insultes, les coups que nous devions subir matin, midi et soir, parce que nous étions des “nègres”. (…) Qui oubliera enfin les fusillades où périrent tant de nos frères, les cachots où furent brutalement jetés ceux qui ne voulaient plus se soumettre au régime d’une justice d’oppression et d’exploitation ? (…) Nous allons établir ensemble la justice sociale et assurer que chacun reçoive la juste rémunération de son travail. »

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