Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Le roman comme un rêve prémonitoire


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COVID-19 : les propos prémonitoires de Fred Vargas – 2006

Fred Vargas n’est pas seulement une des reines du roman policier, c’est aussi une scientifique du CNRS qui a étudié les épidémies, notamment la peste au moyen-âge. En 2006, alors qu’on commençait à craindre une épidémie de grippe H5N1, elle évoquait ce sujet dans Tout le monde en parle. Et ses propos sont d’une étonnante actualité.

En 2004, moi aussi je rêvais, j’avais découvert sur un étal d’un bouquiniste de la vieille Havane un livre de Fidel Castro au sommet des non alignés à Bangkok en 1983. Il expliquait que la crise était là et que pour s’en sortir les pays du sud devait impérativement se dégager de la stagnation du nord et il proposait des rapports sud-sud. Cet été-là toujours à la Havane, j’avais découvert chez mon amie Marie-Do tous les livres d’Azimov du cycle fondation. L’histoire raconte comment dans l’empire galactique qui existe dans plusieurs millénaire, Sheldon, l’inventeur de la psychohistoire comprend que l’empire tel qu’il est est condamné à entrer dans mille ans de barbarie et de dislocation et il crée deux fondations. L’une rassemble toutes les connaissances scientifiques et technique de l’époque et les installe dans une planète isolée au bout de la galaxie. Tous les cent ans l’hologramme de Sheldon intervient pour guider le développement matériel et intellectuel des êtres humains à partir de la science et l’on sait qu’il a installé quelque part une autre fondation celle du guide moral, philosophique. Des hommes issus de la fondation technique partent à la recherche de la seconde fondation et par la même occasion de la planète originelle de l’humanité. Cette errance devra déterminer le destin choisi pour l’humanité. Par parenthèse le choix sera celui de Gaia, une planète où tous les êtres humains, tous les animaux et toutes les plantes vivent en symbiose totale mais celui qui fait ce choix le refuse pour lui qui est le produit d’une autre histoire. La lecture de l’intervention de Fidel sur ces nouveaux rapports sud-sud m’a inspiré une vision enrichie par le cycle d’Azimov (7 volumes) . Et j ‘ai clairement vu la Chine comme la puissance capable de tirer ces rapports sud-sud , elle était la première fondation celle qui pourrait peut-être naviguer dans les temps de barbarie, non seulement parce que sa dimension, ce qu’elle accumulait permettait d’apporter l’énergie nécessaire à la ré-orientation mais parce qu’elle présentait la caractéristique d’être la plus vieille civilisation continue de l’humanité et dans le même temps elle avait vécu tous les traumatismes des pays du sud et continuait pour une part à être un pays sous développé.

J’ai vu Cuba et la Chine comme les deux fondations dans les temps de barbarie et ce au moment où Fred Vargas voyait l’épidémie et se conséquences. J’ai écrit alors les chapitres de “les Etats-Unis de mal empire” qui décrivent ce qui devait advenir et le rôle de la Chine dans ces formes de résistances qui viennent du sud.

Bien sur je ne me suis pas contentée de ces lectures, en rentrant de Cuba je me suis inscrit en chinois et à défait d’apprendre la langue j’ai découvert à travers celle-ci une civilisation et de nombreuses lectures, complétée encore aujourd’hui par d’autres. Mais je conseille toujours d’avoir un bibliographie pluraliste assortie de romans et de visions de films. Tout en continuant à prolonger cette recherche sur notre devenir commun.

Le rôle de l’image est important, enfin pour moi qui suis une visuelle, ainsi dans ce que dit Fred vargas il y a une image qui pour elle comme pour moi est une clé de l’épidémie celle de ces médecins du temps des pestiférés qui avec leurs masques et leurs habits noirs ressemblaient à des corbeaux et les corbeaux quand ils s’attaquent à des charognes commencent pas dévorer les yeux… Il faut protéger les yeux… Son fantasme rejoint le mien et à partir de là ce vêtement, cette cape protectrice devient totalement logique parce qu’elle permet de voir. Cette capacité qui est aussi celle des contes, celle qui vous rend invisible pour amplifier votre propre capacité à voir, celle qui permet de soulever le toit des maisons pour observer ce qui s’y passe, le voyeur qui est en nous comme dans une fenêtre sur cour et qui fait de vous un individu menacé d’une fatwa.

Oui je sais bien que tout cela n’est pas sérieux, pourtant ça l’est énormément, c’est une transmutation. En partant de la nécessité de la fiction j’ai affronté mes peurs enfantines en faisant se rencontrer Brecht et lang dans l’antinazisme mais aussi dans leur intérêt pour le fait divers, l’exotisme, la bande dessinée, tout cela pour découvrir que le nazisme n’avait jamais été éradiqué. Mais le faire avec le plaisir que l’on prenait aux aventures ésotériques de Mabuse… il faut avoir gardé intact la fascination du merveilleux, du réalisme magique et le porter à travers les continents pour dénoncer la haine et la xénophobie.

L’humanité est cousue d’enfance … Et il y a ceux qui le restent toujours, occupés à bricoler une arche, une fusée dans laquelle installer tout le monde tandis que d’autres ne cherchent qu’à conserver leur pouvoir comme sur la photo tirée de ce film de Fritz Lang.

Seance Scene in Dr. Mabuse the Gambler…22 May 1922, Germany — Seance scene in the German silent film Dr. Mabuse, der Spieler (in English Dr. Mabuse: The Gambler) directed by Fritz Lang and starring Rudolf Klein-Rogge. — Image by Bettmann/CORBIS

C’est la seule chose qui me passionne, faire des hypothèses et en voir les conséquences. C’est un mode de pensée qui parfois se rapproche du politique mais qui le plus souvent s’en distingue et qui apporte à la fois des sensibilités extrêmes à tout ce qui vous entoure, tout fait sens, les “points de capiton” entre des niveaux différents de la réalité se multiplient. Et quand vous êtes dans ces rêves là, personne ni rien ne peut vous atteindre. Peu de gens ont le don de créer à partir de ces perception des univers romanesques ou de films, ou autres, mais pour ceux qui ont ce mode de pensée cela les aide à comprendre le processus de la création, à voir, à entendre comme les créateurs savent le faire. C’est mon cas. Je sais me mettre à la place du romancier, cinéaste, peintre, etc…

C’est une vulnérabilité et un apaisement, mais aussi tout à coup cela peut vous faire vous cabrer hérissée de refus que personne ne comprend. parce que le rêve est en train de devenir cauchemar. C’est pour cela que j’affirme que les librairies sont essentielles même si j’ai chez moi assez de livres pour passer trois mois de confinement. Mais pas n’importe quelle librairie, celle qui ont les mêmes errances que moi, pas celles qui ressemblent aux rayons des supermarchés ou aux librairies de gare avec leurs best-sellers mais celles qui créent pour moi des analogies mystérieuses et découvrent dans la simple juxtaposition des couvertures des possibles insoupçonnés. Celle où le libraire a lu et vous parle de ses lectures, vous entraine dans sa caverne d’Ali baba.

Ce qui me fascine dans cette émission de Fred Vargas c’est le ton supérieur de Ardisson, et de ceux qui l’entourent, ce jeu qui consiste à humilier l’invité qui au nom de la notoriété est prêt à tout accepter qui représente bien le niveau des médias et plus généralement du monde politico médiatique face à ceux qui pensent autrement.

Fred Vargas ne les entend même pas, elle déplie le futur… Elle est retournée avec sa soeur dans l’univers de l’enfance, elles cousent… A l’inverse d’autres grands angoissés qui se construisent des abris personnels et y accumulent nourriture et armes, elles cousent pour que l’humanité échappe à la barbarie, soit libre…

C’est pour donner au plus grand nombre la chance de ces univers que je suis pour l’ouverture des librairies en priorité parce que lire au lieu de s’envoyer des posts qui sont sensés répondre à des débats créés artificiellement et qui contribuent à la désagrégation sociale, au lieu de ne plus savoir lire que les titres et à partir de là commencer des procès qui n’ont pas lieu d’être. Bref fonctionner dans un tout petit milieu que l’on finit par croire être celui de l’opinion publique et qui vous autorise à vous moquer de ceux qui pensent à l’avenir de l’humanité.

Mais je suis aussi pour qu’ily ait des enseignants qui vous aident à entrer dans ces univers, à savoir ce dont vous avez besoin pour vous accomplir, comme disait madame Marx de son époux: être de grands égoïstes qui ne pensent qu’aux autres.

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