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Vu de la Chine; “les différends France-Turquie”

Les différends France-Turquie ébranlent les affaires européennes et méditerranéennes ou l’arroseur arrosé en ayant du mal à la fois à régler ses problèmes internes et ses ambitions méditerranéennes… Mais si Macron est la pointe extrême de ce que nous avons de plus caricatural dans le genre colonialiste donneur de leçons en matière de droits de l’homme, il ne tranche pas réellement sur ses prédécesseurs et incarne une Europe vassale d’une hégémonie US sur le déclin, boursoufflée d’ambitions méditerranéennes grâce aux alliances et querelles avec les potentats et incapable de faire face aux défis humains d’une situation de crise tant au plan régional que national, d’où la résurgence des guerres de religion identitaires jusqu’au grotesque mais que de pauvres malheureux prennent au sérieux (note et traduction de Danielle Bleitrach).

Par He Zhigao Source: Global Times Publié le: 2020/10/28 22:28:371


Cette photo prise le 27 octobre 2020 à Istanbul montre des pages intérieures du journal pro-gouvernemental Yeni Safak appelant au boycott des marchandises françaises. Le 26 octobre 2020, le président turc s’est joint aux appels au boycott des biens Français, ce qui a renforcé l’impasse entre la France et les pays musulmans sur l’islam et la liberté d’expression. Photo: AFP

Dans le sillage des récentes tensions entre la France et la Turquie, Paris a rappelé son ambassadeur à Ankara après que le président Recep Tayyip Erdogan a critiqué la France pour la répression de l’islam radical. Il ne s’agit pas seulement d’un conflit géopolitique entre les deux pays. Il reflète également les différences de valeurs, de normes et même le vide stratégique laissé par les ajustements stratégiques mondiaux des États-Unis.

Tout d’abord, le président français Emmanuel Macron est sous pression pour prendre des mesures sévères contre l’extrémisme religieux chez lui. La décapitation du professeur d’histoire Samuel Paty a incité le gouvernement à intensifier sa lutte contre les extrémistes. Étant donné que la France est le pays avec la plus grande population musulmane d’Europe occidentale, représentant près de neuf pour cent de sa population totale, la ténacité de Macron a renforcé la conscience des immigrés musulmans de l’inégalité et renforcé le rôle des croyances religieuses comme base de leur identité.

Plus important encore, la décision de Macron a suscité l’opposition et les doutes dans certains pays musulmans. M. Macron a annoncé qu’il enquêterait sur 51 organisations et institutions musulmanes en France, y compris les écoles religieuses et les mosquées. Il considère également l’enseignant français comme un symbole de laïcité et de liberté d’expression. Malgré l’identité européenne autoproclamée de la Turquie, la grande population musulmane du pays a longtemps été considérée comme une valeur aberrante et une source de malaise en France. La France a échoué psychologiquement à intégrer la Turquie. Ce refus est également conforme à l’attitude de la France de ne pas soutenir l’expansion aveugle de l’UE. Paris estime que le marché unique bruxellois a atteint une certaine échelle. Pendant ce temps, les tensions croissantes entre l’UE et la Turquie, ainsi que la crise des réfugiés, les questions frontalières vont inévitablement refaire surface.

Deuxièmement, les tensions entre Paris et Ankara sont à la hausse dans les principaux points chauds régionaux. En Libye, les deux pays soutiennent différentes factions dans la guerre civile locale. En Méditerranée orientale, le soutien de Paris à Athènes sur l’exploration énergétique entre également en conflit avec Ankara. Il est clair que la France veut maintenir l’unité au sein de l’UE et gagner l’unanimité des États membres sur les questions étrangères. Le pays a également organisé des exercices militaires conjoints avec la Grèce dans l’est de la Méditerranée, couvrant la zone du conflit gréco-turc, à savoir les îles de Kastellorizo. Bien que la France et la Turquie soient membres de l’OTAN, il est difficile de résoudre leurs différends dans le cadre de l’organisation. En général, les différences et les conflits entre la France et la Turquie sont compliqués, Ankara tente de devenir une grande puissance régionale alors que Paris tente de devenir un acteur dominant dans la région méditerranéenne.

Troisièmement, le déclin de l’influence des États-Unis en Europe a, dans une certaine mesure, créé un vide stratégique autour de la région méditerranéenne. Face au retrait des Etats-Unis au Moyen-Orient et à ses sanctions extraterritoriales imposées aux pays de la région, l’Europe a repositionné sa politique régionale. La situation sécuritaire au Moyen-Orient est plus susceptible de s’aggraver que de s’améliorer. Par exemple, la lutte pour les ressources s’intensifiera et les pays les plus faibles perdront toujours plus d’influence.

Selon la stratégie mondiale de l’UE publiée en 2016, la région périphérique est l’objectif stratégique principal de l’UE, en particulier la région méditerranéenne. C’est en partie parce qu’un grand nombre de réfugiés ont envahi la Méditerranée pour se transporter en Europe après le déclenchement des guerres en Libye et en Syrie. Mais l’UE, dépourvue d’une stratégie commune et d’un pouvoir de réponse suffisant, est devenue dans une certaine mesure un spectateur des questions du Moyen-Orient.

La France, en tant que l’un des principaux pays à la tête de l’UE en matière d’autonomie stratégique et d’intégration européenne de la défense, s’attend à jouer un rôle dominant en Méditerranée. Elle cherche à établir des liens militaires étroits avec d’autres pays et à assurer sa capacité de développement national pacifique. Ce défi se déroule dans un contexte de troubles croissants au Moyen-Orient.

Par conséquent, la France multiplie les contacts militaires en Méditerranée afin de contenir les risques potentiels pour la sécurité. Elle essaie également de changer les pays de la région à travers des normes et des idées afin d’étouffer les forces extrémistes dans l’œuf.

Les tensions entre la France et la Turquie montrent de fortes divergences en matière de valeurs. Elle est le résultat de compétitions géostratégiques et pour les Français de pression politique intérieure.

En général, ces frictions ne seront pas facilement atténuées.

Résoudre les désaccords, rechercher un consensus et maximiser les intérêts communs mettra à l’épreuve la sagesse politique des deux pays – et de toutes les parties concernées.

L’auteur est chercheur à l’Institut d’études européennes de l’Académie chinoise des sciences sociales. opinion@globaltimes.com.cn

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2 Commentaires

  • Baran
    Baran

    Article intéressant. Mon propos n’annulera pas ses considérations critiques sur l’impossibilité d’une diplomatie indépendante en Europe mais l’idée que les déclarations sociétalistes de Macron et les appels au boycott d’Erdogan ont des effets économiques sérieux est faux. C’est essentiellement du spectacle pour l’opinion, avec des hommes politiques qui font dans le mimétisme des shows de téléréalité. Les titres de la presse turque illustrent bien le faible niveau de “réalité” d’appel au boycott, bricolé façon Closer, Voici, Gala. A contrario, cet article rappel au delà des effets d’annonce du trumpisme de 3eme zone, la réalité des rapports d’échange: https://www.la-croix.com/Economie/En-Turquie-Renault-labri-lappel-boycott-2020-10-27-1201121586
    Expressions symptomatiques de cette vie séparée du vécu, sont les scènes de procession au Bangladesh qui accompagnent ces appels au boycott :
    1- peut on sérieusement penser que ces manifestants en haillons ont le pouvoir d’achat permettant de consommer les produits français?
    2- quant aux pays arabes, la plupart des produits alimentaires occidentaux, y compris français sont acheminés, distribués, retraités et reconditionnés sous licence par des sociétés locales.
    In fine, avec ces dualités fictives, les appareils d’Etat optent pour une politique du spectacle remplissant les lieux de culte afin de détourner de leurs échecs respectifs…

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    • Daniel Arias
      Daniel Arias

      La diplomatie européenne tiendra probablement compte des intérêts des industriels de l’armement européens Allemands mais pas seulement, on y trouve Eurocopter, EADS, les grands fabricants USA qui fournissent des licences. Par ailleurs des programmes de modernisations sont en cours avec le concours d’entreprises israéliennes.
      La Turquie développe son industrie de défense en particulier des drones pour ne plus dépendre des drones vendus par Israël. Et le développement de leur premier char de combat.
      Développement de l’industrie de défense que la France néglige dangereusement.
      Pour rappel nous ne fabriquons plus nos fusil d’assaut (FAMAS) remplacé par le KH416 allemand, HK vend également les fusils à l’armée Turque.
      Décidément l’industrie de l’armement elle n’a pas de problèmes de religion $$$.
      Petit aperçu des fournisseurs:
      https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89quipement_de_l%27arm%C3%A9e_de_terre_turque#Armes_l%C3%A9g%C3%A8res

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