Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

ÉLECTIONS AU CHILI : LA VICTOIRE D’UN PEUPLE ET DE SES MARTYRES

Ce dimanche le Chili a voté et le résultat partiel d’environ la moitié des suffrages dépouillés donne 80% de votes d’approbation pour en finir avec la Constitution Ultra-libérale de PInochet sur laquelle le gouvernement de droite actuel s’est appuyé pour poursuivre sa politique de répression et de mise à genoux des couches populaires.

Voici un an et une semaine, le 19 octobre le peuple chilien se soulevait pour le prix d’un ticket de métro et pour sa dignité, pour sa liberté. Il a tenu bon et c’est le début d’un long chemin. Encore ce 19 octobre 2020, des manifestations pour célébrer l’anniversaire de la révolte avait donné lieu à 600 arrestations dont 580 à Santiago. Des provocations, de la répression en espérant peser sur les résultats du référendum. Mais ici un chemin est tracé.

Des drapeaux “Apruebo” (j’approuve) accrochés aux balcons, les mots “convención constituyente” (convention constituante) tagués sur les murs du centre ville… Le Chili a voté dans le calme pour décider de son avenir. Dimanche 25 octobre, la population s’est rendue aux urnes pour décider d’adopter une nouvelle constitution, ou non. C’est fait.

Après des mois de protestations et de violents affrontements entre les forces de l’ordre et les manifestants, qui ont fait des milliers de blessés, le gouvernement chilien avait pris la décision d’organiser ce référendum pour trouver une sortie face à cette mobilisation .

Pourquoi les Chiliens et les Chiliennes se sont-ils battus pour une nouvelle constitution ?

La constitution actuelle du Chili est celle qui a été rédigée sous la dictature du général Augusto Pinochet, dans les années 1980. C’est ce texte qui a instauré le modèle économique actuel néo-libéral et qui a, par conséquent, entraîné la privatisation de plusieurs droits sociaux. C’est le cas pour l’éducation, la santé ou encore les retraites. Ces trois thématiques étaient largement présentes lors des manifestations de cette dernière année. Les Chiliens et les Chiliennes demandent une éducation moins chère, un accès à la santé plus juste et la fin du système de retraite géré par des fonds de pensions privés.

Et même si la constitution actuelle du Chili a connu de nombreuses modifications, elle est encore aujourd’hui le texte fondamental sur lequel les parlementaires se basent pour légiférer. Et c’est bien cela le problème selon l’avocate et professeure de droit constitutionnel à l’Université Alberto Hurtado, Bárbara Sepúlveda Hales :

Toutes les lois qui ont essayé d’améliorer la sécurité sociale, l’accès à la santé ou encore l’éducation, toutes ces lois qui réellement essayaient de faire changer les choses, ont été déclarées anti-constitutionnelles. Car la constitution c’est comme un toit. Et si nous avons uniquement ces règles de jeu pour bouger, on doit alors casser la structure entière afin de pouvoir bouger plus facilement. C’est pour cela que nous avons besoin d’une nouvelle structure, d’une nouvelle constitution, de nouvelles règles de jeu pour bouger avec plus de liberté.

Ce vote bien qu’historique n’est que la première étape d’un long processus. Car si le “oui” à la nouvelle constitution l’emporte, l’écriture de celle-ci pourrait s’étendre sur 12 mois maximum. Les Chiliens et les Chiliennes seraient alors de nouveau appelés à voter pour ratifier, ou non, le nouveau texte en 2022. 

Comme le dit la camarade Cecilia Zamudio
L’approbation n’est qu’un pas, qui donnera la mesure claire de la volonté populaire ; après il faudra réellement arriver et pour éviter les pièges du parlement bourgeois (comme celle des deux tiers de majorité sans lesquels rien ne peut être changé), obtenir une Assemblée constituante sera la prochaine étape, un autre pas suivi de beaucoup d’autres. Pour continuer à avancer, les mobilisations dans les rues, les grèves et les paros productifs sont indispensables.

Le peuple chilien s’est montré empli de dignité et d’amour dans la lutte ; les peuples du monde ont ressenti au plus profond de leur coeur chaque battement courageux de la place Dignité et de sa première ligne. Pour Hannibal Villarroel assassiné par les carabiniers il y a à peine quelques jours, et pour toutes les personnes tuées, disparues, mutilées et torturées, les personnes âgées sans pension jetées à la mendicité, les enfants torturés au Sename, les millions qui souffrent de faim, qui sont privés du droit à l’éducation et à la santé, la lutte continue jusqu’à obtenir les droits de tous et de toutes.

UN VOTE AVEC UN DOUBLE ENJEU

La question à laquelle les citoyens ont répondu ce dimanche est de savoir s’ils approuvent ou s’ils rejettent le projet de nouvelle constitution. Mais ultérieurement ils devront également répondre à une deuxième question. Car maintenant avec l’approbation du OUI, ils vont devoir indiquer la manière dont celle-ci sera rédigée.

Deux choix s’offriront alors à eux : la “convention constituante” serait composée essentiellement de personnes élues par les citoyens pour la rédaction de la nouvelle constitution ; la “convention mixte constitutionnelle”, quant à elle, comprendrait 50 % de parlementaires et 50 % de personnes élues par les citoyens.

Les communistes se sont prononcés pour la participation populaire, mais la droite et le pouvoir, manœuvrent au nom de “l’expérience”.

En ce moment dans tout le Chili c’est une fête immense et c’est la victoire politique de tout un peuple qui depuis des mois de manifestations durement réprimées où certains ont perdu la vue et d’autres la vie, a voulu balayer ce qui lui a été imposé en 1973. C’est un long chemin mais un verrou a sauté.

UN CHEMIN POUR LA VICTOIRE

La recette est toujours la même, l’union d’un peuple qui s’impose aux partis, l’obstination, cette force qui jaillit loin des compromis politiciens et avec les communistes, une partie de la gauche qui choisit le peuple et ses luttes.

Que ce soit en Bolivie, ou au Chili, la stratégie est celle d’élections sous surveillance et actions du mouvement populaire. La suite dépend pour une large part de ce qu’aura appris ce mouvement populaire parce que l’adversaire lui ne désarmera pas. Il lui faudra inventer une autre démocratie à la mesure de l’horreur de la dictature du capital.

Un peuple uni jamais ne sera vaincu mais il devra beaucoup apprendre pour que son unité soit à la mesure de l’adversaire.

Après la Bolivie, l’Amérique latine et le monde des luttes et du progrès retient son souffle tant on sait à quel point la bête est capable de tout.

Danielle Bleitrach

Cette lutte du peuple chilien a retrouvé les chansons du troubadour martyre Victor Jara, le poèmes de son poète Pablo Neruda tous deux communistes aux côtés du dirigeant socialiste assassiné Allende, quand des socialistes combattent, ne trahissent pas, le capital et l’extrême-droite les traite comme des communistes et là l’union a un sens.

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