Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

La Banque Mondiale alerte

Le monde doit agir de toute urgence pour contrer les menaces à la réduction de la pauvreté. L’article met en évidence les effets de la Covid 19 mais souligne qu’ils ne font qu’accentuer des causes antérieures au premier rang desquelles les guerres et l’environnement. Il faut également noter ce que ne dit pas le texte c’est que c’est essentiellement la Chine qui a été le moteur de l’amélioration des statistiques sur la pauvreté mondiale et quelle est en train d’atteindre ses objectifs d’éradication totale malgré le frein de ‘épidémie. (note de Danielle Bleitrach pour histoire et societe)

Fahad Kaizer/UN Women


LES POINTS MARQUANTS

  • Pendant près de 25 ans, l’extrême pauvreté n’a cessé de reculer. Or, aujourd’hui, pour la première fois en une génération, la lutte contre la pauvreté enregistre sa pire régression.
  • Ce bond en arrière est principalement imputable aux défis majeurs auxquels sont confrontés tous les pays, mais en particulier ceux qui comptent de nombreux pauvres : la pandémie de COVID-19, les conflits et le changement climatique.
  • Il faut certes prendre des mesures pour surmonter ces chocs aujourd’hui, mais il est tout aussi impératif de ne pas relâcher les efforts pour parvenir aux objectifs de développement qui permettront aux pays de réduire durablement la pauvreté : promouvoir une croissance inclusive, investir dans le capital humain et les actifs productifs, et les protéger.

Pendant près de 25 ans, l’extrême pauvreté n’a cessé de reculer. Or, aujourd’hui, pour la première fois en une génération, la lutte contre la pauvreté enregistre sa pire régression. Ce bond en arrière est principalement imputable aux défis majeurs auxquels sont confrontés tous les pays, mais en particulier ceux qui comptent de nombreux pauvres : la pandémie de COVID-19, les conflits et le changement climatique. L’extrême pauvreté devrait enregistrer, entre 2019 et 2020, une hausse sans précédent depuis que la Banque mondiale a entrepris d’assurer un suivi systématique de la pauvreté dans le monde. Si la pandémie de COVID-19 constitue un obstacle nouveau, les conflits et le changement climatique aggravent déjà l’extrême pauvreté depuis plusieurs années dans certaines régions du monde. 

Comment surmonter des défis qui ont de graves implications à l’échelle des populations, des pays et des continents ? L’édition 2020 du rapport de la Banque mondiale sur la pauvreté et la prospérité partagée (Reversals of Fortune) apporte un nouvel éclairage aux menaces qui pèsent sur la réduction de la pauvreté et propose des recommandations pour traverser cette passe difficile. 

Le nombre de personnes vivant dans l’extrême pauvreté a chuté de façon spectaculaire entre 1990 et 2017, pour passer de 1,9 milliard à 689 millions. Au niveau mondial, l’extrême pauvreté a reculé d’un point de pourcentage par an en moyenne entre 1990 et 2015, mais elle n’a cédé que moins d’un demi-point par an entre 2015 et 201


Les principales causes de ce ralentissement sont visibles depuis un certain temps, mais leurs effets sont aujourd’hui amplifiés par la pandémie de COVID-19. 

Plus de 40 % des pauvres vivent dans des pays en situation de conflit. Ce sont les plus pauvres qui pâtissent le plus des conflits violents, qui détruisent leurs moyens de subsistance et découragent les investissements dans leurs communautés. Ainsi, entre 2015 et 2018, le taux d’extrême pauvreté a été multiplié par près de deux au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, en conséquence des conflits en Syrie et au Yémen. 


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Dans sa forme la plus extrême, la violence peut mener à des guerres qui détruisent des vies, des familles, des biens et des ressources naturelles, laissant des séquelles qui mettront des années à disparaître.

Le changement climatique menace la réduction de la pauvreté, et il continuera à s’intensifier dans les années à venir. Selon de récentes analyses réalisées pour les besoins de ce rapport, le changement climatique fera basculer 68 à 135 millions de personnes dans la pauvreté à l’horizon 2030. Il représente une menace particulièrement grave pour les pays d’Afrique subsaharienne et d’Asie du Sud, qui concentrent la plupart des pauvres de la planète. Les dérèglements du climat peuvent aussi entraîner une hausse des prix des denrées alimentaires, la dégradation des conditions sanitaires et l’exposition à des catastrophes naturelles, telles que les inondations, qui touchent les pauvres comme l’ensemble de la population. 

Pour les petits pays les plus pauvres en particulier, le changement climatique est peut-être le défi numéro un, alors même qu’ils n’y sont pour rien. La hausse des températures et du niveau des océans imputable aux activités humaines est en effet presque entièrement due à la consommation d’énergie des pays à revenu élevé et des grands pays à revenu intermédiaire à forte croissance. 

Si les conflits violents et les dérèglements climatiques freinent la réduction de la pauvreté depuis plusieurs années, la pandémie de COVID-19 constitue aujourd’hui la menace la plus récente et la plus immédiate.  

La pandémie aura des conséquences rapides et substantielles sur la lutte contre la pauvreté. Rien qu’en 2020, elle pourrait entraîner entre 88 et 115 millions de personnes supplémentaires dans l’extrême pauvreté. Le nouveau coronavirus provoque de graves perturbations à tous les niveaux, de la vie quotidienne au commerce international. Les plus pauvres en payent le plus lourd tribut en termes d’incidence de la maladie et de taux de mortalité.


La pauvreté induite par la pandémie progresse au sein de populations jusqu’ici relativement épargnées. Les « nouveaux pauvres » présentent des caractéristiques différentes des populations en situation de pauvreté chronique : ils vivent en général en milieu urbain, sont plus instruits et travaillent dans les services informels et l’industrie manufacturière plutôt que dans l’agriculture. Jusqu’à 75 % d’entre eux pourraient se concentrer dans des pays à revenu intermédiaire comme l’Inde et le Nigéria. 

Le coût humain et économique de la pandémie de COVID-19, des conflits et du changement climatique sera très lourd. D’après le Rapport 2020 sur la pauvreté et la prospérité partagée, l’objectif visant à ramener sous la barre des 3 % le taux d’extrême pauvreté dans le monde d’ici à 2030, qui était déjà compromis avant cette crise sanitaire, sera désormais inaccessible en l’absence de mesures rapides, significatives et solides. 

La lutte contre la pauvreté est confrontée à une crise extraordinaire, où se conjuguent une menace sanitaire mondiale d’une virulence jamais vue, une concentration inédite de l’extrême pauvreté dans des territoires et pays touchés par un conflit, et des changements climatiques anthropiques d’une ampleur sans précédent. 

La manière dont le monde relèvera aujourd’hui ces défis majeurs aura une incidence directe sur la possibilité de remettre sur les rails le processus de réduction de la pauvreté. Partout, la première des priorités doit être de sauver des vies et de restaurer les moyens de subsistance. Certaines des politiques nécessaires pour y parvenir sont déjà en place, comme les systèmes de protection sociale. Le Brésil et l’Indonésie sont, par exemple, en train d’élargir leurs programmes de transferts monétaires. 

Même s’il est primordial de lutter contre la pandémie, les pays doivent continuer à mettre en œuvre des solutions aux obstacles qui entravent la réduction de la pauvreté. Le rapport recommande l’adoption d’une approche complémentaire à deux volets : répondre efficacement à l’urgence de la crise à court terme sans perdre de vue les obstacles fondamentaux au développement, comme les conflits et le changement climatique.

1. Combler le fossé entre les ambitions politiques et les résultats 

On observe trop souvent un écart important entre les politiques telles qu’elles sont formulées et leur mise en pratique, et donc entre les attentes légitimes des citoyens et la situation qu’ils vivent au quotidien. 

Si les ambitions portées par les politiques publiques sont louables, leurs possibilités de réalisation varient considérablement, de même que les groupes qui en bénéficient. Par exemple, au niveau local, les individus qui exercent le moins d’influence au sein d’une communauté risquent de se voir privés d’accès aux services de base. Au niveau mondial, les considérations d’économie politique se traduiront par la capacité des pays riches et des pays pauvres à accéder à des réserves mondiales d’équipements médicaux dont les quantités sont limitées. Il est essentiel d’élaborer des stratégies de mise en œuvre capables de réagir rapidement et avec souplesse afin de combler ce fossé. 

2. Renforcer l’apprentissage, améliorer les données  

On ignore encore beaucoup de choses sur le nouveau coronavirus. La vitesse et l’ampleur avec lesquelles il a frappé la planète ont submergé les systèmes d’intervention d’urgence tant dans les pays riches que dans les pays pauvres. Bien souvent, les communautés et les entreprises sont à l’origine de solutions innovantes, car elles ont davantage conscience des problèmes à traiter en priorité et jouissent d’une plus grande légitimité au niveau local pour communiquer et faire appliquer des décisions difficiles, comme l’obligation de rester chez soi. Les mesures sont d’autant plus efficaces que l’on apprend les uns des autres.

Par exemple, la façon dont la République de Corée a réagi à la pandémie de COVID-19 a été largement saluée et attribuée en partie aux efforts résolus qu’elle a déployés pour tirer les leçons de son « expérience douloureuse » dans sa lutte contre le syndrome respiratoire du Moyen-Orient en 2015. 

3. Investir dans la préparation et la prévention 

« Payer maintenant ou payer plus tard ». C’est peut-être un cliché, mais il est plus que jamais cruellement d’actualité. Bien souvent, les mesures de prévention ne sont guère payantes sur le plan politique, et la population accorde peu de crédit au fait que des catastrophes ont été évitées. Avec le temps, les populations qui n’ont pas vécu de catastrophe risquent de baisser la garde, partant du principe que les risques en question ont été éliminés ou qu’il sera facile d’y remédier s’ils se concrétisent. 

La pandémie de COVID-19, ainsi que le changement climatique et les conflits prolongés, nous rappellent combien il est important d’investir dans des mesures de préparation et de prévention complètes et proactives.

4. Développer la coopération et la coordination  

Contribuer aux biens publics et les préserver exige une coopération et une coordination de grande envergure. C’est indispensable si l’on veut promouvoir un apprentissage à grande échelle et améliorer les données sur lesquelles repose l’élaboration des politiques, mais aussi créer un sentiment de solidarité partagée pendant les crises et faire en sorte que les choix politiques difficiles des responsables soient à la fois fiables et dignes de confiance. 

Enfin, pour être efficaces, les réponses doivent avant tout identifier ce qui rend ces problèmes non seulement différents et difficiles, mais également si lourds de conséquences pour les pauvres. Si l’on n’agit pas au plus vite et de manière globale, les difficultés s’intensifieront encore à l’avenir. Il faut certes prendre des mesures pour surmonter ces chocs aujourd’hui, mais il est tout aussi impératif de ne pas relâcher les efforts pour parvenir aux objectifs de développement qui permettront aux pays de réduire durablement la pauvreté : promouvoir une croissance inclusive, investir dans le capital humain et les actifs productifs, et les protéger. 

Il est nécessaire et possible de corriger un bond en arrière aussi massif que celui provoqué par la pandémie. On l’a déjà fait dans le passé, en relevant des défis considérés à l’époque comme insurmontables — éradiquer la variole, mettre fin à la Seconde Guerre mondiale, résorber le trou dans la couche d’ozone — et on le fera encore à l’avenir. 

Les pays du monde entier doivent s’engager de toute urgence à agir ensemble et mieux, en particulier aujourd’hui, mais aussi sur le long terme.

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