Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Couvre-feu: on ne peut pas sauver ce pouvoir, ni le capitalisme

Il est difficile voire impossible à ce pouvoir de bénéficier de la confiance qui serait indispensable pour faire face aux défis qui s’accumulent.

La société française ne paraît pas aussi divisée que celle des Etats-Unis qui semble avoir atteint un point de non retour en matière de prémices à la guerre civile. Mais le mal dont elle souffre est assez comparable et, comme le note justement l’article publié aujourd’hui sur le fait politique dans une transition sur le long terme (1), se sont accumulés depuis les années 1970 connues sous le nom de néo-libéralisme une série de changements sociaux économiques, sociaux, idéologiques qui ont ébranlé le consensus sur lequel reposait notre modèle républicain.

Donc la confiance dont ne bénéficie pas ce gouvernement tient à ses erreurs multiples depuis le début de l’épidémie, à l’arrogance incompétente dont le président et son gouvernement ne cessent de faire preuve – et de ce point vue la prestation de hier restait dans la logique – mais le mal est plus profond. Il paraît sans alternative parce qu’il est impossible de penser une solution quelconque en restant dans le contexte. Celui-ci engendre des divisions qui ne sont pas seulement politiques, mais reflètent l’incapacité du système à se régénérer.

Dans le fond une réponse du président a reflété l’ensemble de la situation: “ça n’a pas marché, alors on recommence à l’identique, on change le nom”. Étonnant cette limite de l’intelligence enfermée irrémédiablement dans ce qui lui a rendu la vie facile, procuré des succès. Cela s’apparente à de la bêtise, dans un éclair chacun l’entrevoit.

Pourtant les Français sont à la fois rebelles et désireux d’une réponse collective, la manière dont ils acceptent dans leur immense majorité les mesures contradictoires et sans véritable cohérence en est la preuve. Il y a là quoiqu’on en pense un point d’appui. Celui d’une sorte de rationalité qui dans d’autre temps faisait dire à Politzer que les Français avaient un bon sens qui leur faisaient repousser les folies nazies et les mythes, sans doute cela a-t-il à voir avec le fait que Marx voyait en nous le pays de la lutte des classes, avec une courte vue, certes, mais les pieds fermement dans le sol. C’est un atout qu’il ne faut pas négliger et mettre néanmoins en relation avec l’abstention massive, comme si les citoyens français, ceux des couches populaires, avaient conscience de l’inanité du jeu. Ce n’est pas que négatif.

Réfléchissez à ce que signifie cette idée qui leur est assénée “il faut apprendre à vivre avec la virus”. Si vous admettez que ce virus porte l’image de la maladie, de la mort mais de bien autre chose, d’une insécurité à multiples dimensions, le chômage, le logement lieu de protection dont on pourrait être privé, une précarité généralisée devenue la loi d’un système qui fait eau de toute part. Le caractère anxiogène d’une telle affirmation et la réalité qu’elle désigne.

Et tout est comme ça, une révélation crue d’une situation mortifère et du bavardage là-dessus sur tout et son contraire. Les chaînes de télévision en continu le disputent aux réseaux sociaux: c’est un poulailler où la volaille vient revendiquer la compétence pour un peu plus brouiller le message inaudible.

Le dialogue de sourds qui s’est instauré entre un pouvoir incapable de prévoir ce que tout le monde annonçait – sauf quelques délirants – à savoir une deuxième vague qui prendrait son essor l’hiver et s’étendrait au minimum jusqu’à l’été avec ceux qui interrogent l’impréparation des hôpitaux et ne reçoit aucune réponse. Ce qui est en cause c’est la découverte que notre système de santé est en train de s’effondrer et que les gouvernants ont décidé d’accompagner cette destruction plutôt que de se battre pour le sauver. Tout ce qui était là prend tout à coup des proportions caricaturales. Il y a du grotesque dans la dislocation et le soupçon toujours vérifié que cela rapporte bien à quelqu’un. Ce que l’on entend partout.

Ne pas oser dire face à cela que les pays qui ont choisi le socialisme s’en sortent mieux et ne pas oser argumenter là-dessus parce que l’on est bloqué par ses propres divisions, l’habitude de penser comme les autres et faire des périphrases au lieu de parler net, c’est du temps perdu, contribuer au bavardage général.

Face à tant de confusion, d’actions inadaptées, de discours creux, il ne suffit pas de dire que ce gouvernement est incompétent, non seulement personne n’apparait compétent mais c’est la logique qui le meut qui ne peut pas faire face ni à ce défi, ni à celui de l’économie, ni au climat, ni à quoi que ce soit. Notez que c’est le même qui va donner des leçons de conduite à la planète et est prêt à continuer à envoyer des troupes à l’appui de ses délires de puissance, ce qui est dans la logique des USA. Et qui jusqu’à ce jour a bénéficié d’une consensus général gauche et PCF compris depuis plus de vingt ans. Ceci est le capitalisme à son stade de déclin impérialiste dans son étape néo-libérale, une fuite en avant dans le bellicisme alors que la chute impériale s’accélère. Croire que ce système-là pourrait régresser à un modèle plus vivable, néo-keynesien par exemple est fou. C’est prétendre repousser l’enfant dans le ventre maternel qui l’a engendré sous prétexte qu’il est mal formé. Il n’y a pas de retour en arrière possible.

Le socialisme, une recréation du collectif à partir des coopérations multiples nécessaires pour faire face est indispensable. C’est un projet à l’échelle de la planète mais il l’est aussi dans chacune de nos actions pour survivre, local, régional, national. Ne pas le nommer c’est continuer à prétendre ravauder ce qui ne peut l’être, ne pas s’interroger sur la nature de la rupture et sur la volonté politique.

Je continue à penser comme je ne cesse de le répéter, le fil rouge de mes mémoires, et de toutes mes interventions dans ce blog, à savoir que face à une telle situation, il faut une stratégie, une perspective révolutionnaire avec les but et les moyens.

Tout le reste est du pipeau et est bien symbolisé par cette union de la gauche qui voisine tous ensemble les 15%, qui a fait la preuve de son incapacité et ne s’entend sur rien d’essentiel. Pour que la gauche se recrée, elle a besoin d’un principe qui l’unifie et celui-ci est le socialisme, seul le parti révolutionnaire se donnant le socialisme pour but peut unifier et pas nécessairement dans une compétition électorale faite pour brouiller les enjeux, exaspérer les concurrences dérisoires.

Je suis sociologue et je pense ne pas être parmi les pires de cette discipline que l’on a réduit aux micro-objets, c’est souvent à ce titre plus qu’un positionnement purement politique que je perçois l’actualité, les différents temps qui se télescopent et je crois qu’il est temps de mesurer le désarroi général, les souffrances individuelles vont se multiplier, non seulement parce que la situation va se dégrader mais parce que l’individu n’est que la somme de ses rapports sociaux. Est-ce qu’on entend suffisamment la plainte concernant l’état de la psychiatrie en France? Il est pourtant des moments de paroxysme social où l’individu paraît refléter la paranoïa d’une société.

Le constat amer de l’absence d’un parti révolutionnaire ou du moins de son état aussi déchiré que le reste de la société est aussi un appel à se ressaisir si faire se peut, si on peut dépasser une triple position, ceux qui n’en voient pas l’utilité, ceux qui pensent que celui qui existe est désormais plus un obstacle qu’autre chose et ceux qui pensent qu’il faut bien partir de là mais en limitant le débat à ce qu’ils croient être consensuel, la même difficulté à penser le nouveau, hors contexte. Peut-être parce qu’il y a l’idée erronée que cela ne sert à rien de penser à des choses sur laquelle on n’a pas prise, alors qu’elles nous permettent de voir où est la “prise”.

Danielle Bleitrach

(1) https://histoireetsociete.com/2020/10/15/transition-et-processus-electoraux-aux-etats-unis/?fbclid=IwAR02J_IxbmkRRgN3oX7iKoH0rFUmVEQl0z9K0PSQ0x7ebW43Ofd7iAXJPQI

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2 Commentaires

  • Michel BEYER
    Michel BEYER

    Question de l’éditorialiste du journal “Le Télégramme” de ce jour: “Si ce couvre-feu n’a pas les effets attendus, que nous restera-t-il pour combattre la covid-19?”

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  • Flaconneche
    Flaconneche

    « C’est un atout qu’il ne faut pas négliger et mettre néanmoins en relation avec l’abstention massive, comme si les citoyens français, ceux des couches populaires, avaient conscience de l’inanité du jeu. Ce n’est pas que négatif »
    Il y a beaucoup à creuser et jusqu’à présent, me semble t-il, mais je suis un piètre lecteur, je n’ai vu que des constations et aucune analyse qui puisse entraîner une stratégie de lutte par rapport à l’abstention
     »ce n’est pas que négatif«  m’interpelle. Comment transformer cette contradiction « conscience de l’inanité du jeu » en luttes et en traduction de vote ? .
    « Il faut une stratégie, une perspective révolutionnaire avec les but et les moyens » Tout est là en effet et je suis cent pour cent d’accord.
    La bataille pour le Congrès va être difficile tout du moins en Haute-Vienne devant tant d’inertie

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