Histoire et société

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Chine : Découplage et protection

La Chine est à la fois ulcérée par la propagande anti-chinoise des Etats-Unis et des occidentaux, ses mensonges frisant l’absurde, ses interventions sur ce qu’elle estime comme relevant de sa souveraineté, mais elle garde la tête froide. Il faut mesurer ce qui relève des menaces et de leur portée réelle. Particulièrement sur le plan de l’interdépendance économique. Un excellent résumé du site auquel nous nous référons souvent. (note de Danielle Bleitrach pour histoire et societe)

L’administration américaine souhaite parvenir au découplage avec la Chine. Nous écoutons les divers points de vue, les uns voyant le perdant la Chine, les autres le contraire. L’économiste chinois Huang Qifan donne le point de vue assez officiel. Il décrit les difficultés américaines actuelles, les dix aspect du découplage et affirme que les deux pays seront perdants tout en pensant que les entreprises américaines préfèrent continuer à profiter de la mondialisation que suivre Trump. Dans la dernière partie, Huang montre que la Chine n’est pas une proie facile, qu’elle ne peut succomber aux attaques financières, à la différence d’autres pays dans le passé.

黄奇帆, Huang Qifan :



Résumé de la conférence de Huang Qifan :

Les trois principales difficultés américaines

Le plus grand événement de l’année est le cygne noir, l’épidémie de coronavirus, une épidémie qui devrait toucher au moins 10 millions de personnes dans le monde d’ici la fin de l’année. Les États-Unis, la région où le virus est le plus développé au monde, connaît actuellement plusieurs graves problèmes : 1. Une stagnation économique sévère.2. Une société fortement populiste.3. Les politiciens se dérobent.
1. L’inflation et une contraction économique frappent. Le gouvernement américain a émis 3 000 milliards de dollars d’obligations ces trois derniers trois mois, 3 000 autres milliards de dollars de super-prêts d’assouplissement quantitatif, ce qui s’ajoute à 6 000 milliards de dollars d’assouplissement monétaire, à tel point que le solde de la dette nationale du gouvernement américain a atteint 27 000 milliards de dollars.
Avec une hyperinflation monétaire de cette ampleur, une inflation conséquente suit, et en cas d’épidémie, les produits, l’économie, les entreprises ne connaîtront pas l’inflation, mais le contraire. Où passe donc cette bulle monétaire ? Trois endroits : 1. La bourse, le Dow Jones est descendu à 18 000 en février pour remonter à 28 000 .2. L’immobilier. 3. Les métaux précieux, par exemple l’or des États-Unis. Son prix a augmenté de 80% depuis le début de l’année. Un autre aspect est la dévaluation du dollar par rapport à l’euro et la dévaluation du yuan.
L’autre extrémité est la contraction économique. Les Etats-Unis connaissent la pire contraction de l’économie depuis des décennies. Ils comptent aujourd’hui un nombre record de personnes sans emploi. L’inflation est un désastre, provoquant la dévaluation de la monnaie. 
Maintenant que la monnaie se dévalue, que l’économie se contracte, que la vie est sans espoir et que l’avenir est incertain, on se précipite vers les extrêmes, la gauche va plus à gauche, la droite plus à droite. L’Amérique est déchirée, entre les partis démocrate et républicain, entre les noirs et les blancs ; même le gouvernement fédéral et les gouvernements des États s’affrontent.
La troisième caractéristique est bien sûr la dérobade des politiciens, qui n’affronte pas la réalité en rejetant la responsabilité de la prolifération du virus sur les Chinois, la cause de tous les maux. Des dizaines de millions de personnes ont été licenciées à cause de l’économie chinoise, des entreprises chinoises et le gouvernement chinois, qui ont volé les emplois des Américains. 

Dix aspects du découplage entre les États-Unis et la Chine

1. Découplage des échanges, puis pas d’échanges. Le concept de découplage des échanges est plus sérieux que les droits de douane. Ajouter des droits de douane, c’est encore faire du commerce, c’est juste augmenter le coût du commerce, mais ce n’est pas encore un découplage. Mais si le commerce est découplé, je n’achète pas vos produits, je ne vous en vends pas, et les échanges commerciaux et économiques mutuels s’arrêtent.
2. Découplage des marchés des capitaux
Prévision d’un projet de loi visant plus de 200 sociétés chinoises, et si le corps législatif américain l’adopte, cette loi est un carcan pour les entreprises chinoises. Les entreprises qui sont aujourd’hui cotées aux États-Unis le sont toutes avec l’aide de banques d’investissement américaines, des cabinets d’avocats et comptables américains, le tout dans le respect total de la législation américaine. Mais avec la nouvelle camisole de force et la nouvelle réglementation, ce ne sera probablement pas légal.
3. Découplage financier. Les banques d’assurance américaines ne font pas de prêts ou d’assurances pour les entreprises chinoises.
4. Découplage technologique. Récemment, nous avons vu avec Huawei que les États-Unis bloquent les puces ou des équipements de haute technologie. 
5. Découplage des investissements. C’est ce qu’on appelle un bailleur de fonds, les entreprises américaines se désinvestissent en Chine ou n’investissent pas en Chine.
6. Découplage de l’éducation. Toutes sortes de mesures sont prises pour expulser les étudiants chinois. Après l’obtention de leur diplôme, les étudiants ne sont pas autorisés à trouver un emploi aux États-Unis
7. Découplage de l’internet. Il y a un mois et demi, le secrétaire d’État américain Mike Pompeo a proposé cinq aspects du découplage de l’Internet.
8. Le découplage avec le réseau Swift, qui pourrait entraîner des désagréments extrêmes dans les échanges commerciaux entre la Chine et le monde.
9. Le prétendu découplage des devises et du change
10. La compétence à bras long. Le droit interne américain est utilisé comme substitut au droit international pour trouver les fautes de diverses entreprises chinoises dans différents pays, geler les avoirs ou imposer de lourdes amendes. Exemple : l’arrestation de la fille de Ren Zhengfei de Huawei au Canada.

Tous perdants


Le gouvernement américain n’a pas encore déclaré la guerre, nous sommes sur une pente dangereuse pour le moment. Le découplage commercial américain, le découplage technologique et le découplage des investissements entraînent tous un problème de perte de marché. Les États-Unis ont plus de 10 000 entreprises en Chine, créées ces vingt dernières années années, avec un investissement total de 500 milliards de dollars, ce qui se traduit par une production de 700 milliards de dollars et 50 milliards de dollars de bénéfices. Son retour sur investissement est donc de 10 % et sa marge de vente de 7 %.
700 milliards de dollars américains en Chine équivalent à 5000 milliards de yuans de valeur de production, 1 500 milliards de yuans de PIB. Le découplage entraînerait une paralysie dans ce domaine ; la Chine perdrait 1,5 % du PIB et 2,5 millions d’emplois. En ce sens, bien sûr, cela nous affectera dans certaines régions de Chine, dans certains milieux, mais la Chine a une marge de manœuvre, elle est capable de combler le vide, elle est capable d’équilibrer, elle n’aura que des difficultés locales. Mais pour les États-Unis, si ces quelque 10 000 entreprises écoutent vraiment Trump et désinvestissent complètement, le numéro un perd 50 milliards de dollars de bénéfices.
Ils ne peuvent pas récupérer ce marché ailleurs dans le monde 

Suivre Trump ?

L’empereur de l’entrepreneur est le marché, l’efficacité ; le conseil d’administration veut du profit, il veut une base sur dix ans minimums, il ne suivra pas un homme politique en fonction pendant quatre ans et huit ans. General Motors a fondé une entreprise à capitaux mixtes à Shanghai en 1994 et vend aujourd’hui trois millions de voitures par an en Chine, la maison mère écoule plus de huit millions de voitures par an. Une fois que GM aura quitté la Chine, 3 millions de voitures auront disparu et il ne lui restera plus que 5 millions, ce qui en fera une usine automobile de second ordre. Comment les patrons de GM peuvent-ils écouter Trump ?
Apple est mort si elle quitte la Chine. Trump a dit à Apple de désinvestir. Pourquoi Apple ne peut pas fabriquer aux Etats-Unis ? Cook a expliqué qu’Apple avait eu une usine aux États-Unis et une au Brésil. La société perdait de l’argent. Mais en Chine, cette entreprise a produit plus de 100 millions de téléphones portables, qui ont permis de générer 75% des bénéfices mondiaux de la partie téléphone portable. Le patron de la société a expliqué aussi quelque chose de très intéressant, la Chine ne peut pas quitter Apple et Apple ne peut pas quitter la Chine ; quitter la Chine signifie la mort. Les entreprises ne sont pas très enclines à suivre Trump tout comme Wall Street. Le gouvernement chinois a ouvert en juin l’accès aux services financiers étrangers gouvernement central. Les données d’août montraient déjà 30 milliards de dollars d’investissement. Les investisseurs suivent le marché, pas le président. Trump perturbe plutôt les marchés.

Le marché des puces

La Chine sera touchée, qu’il s’agisse du découplage commercial, du découplage technologique, ou du découplage des investissements, ou du découplage dit de l’éducation, du découplage d’Internet, cela aura un impact sur la Chine, mais l’impact est tolérable, il peut être ajusté, et avec le temps, il peut forcer la Chine à monter d’un niveau. Bien entendu, le découplage des États-Unis ne détruira pas les États-Unis, mais certaines entreprises américaines spécifiques peuvent se retrouver dans des situations difficiles.
Une étude du Boston Consulting Group estime que les restrictions de ventes de puces à la Chine pourraient coûter jusqu’à 83 milliards de dollars aux fournisseurs américains, soit 37% de leur chiffre d’affaires. Ils pourraient perdre le marché chinois.

Finance : la Chine a des parades


On peut parler de découplage des marchés des capitaux, de découplage des assurances et de la finance bancaire, et de découplage du réseau Swift, de découplage des devises, de découplage de la juridiction à bras long. Ces découplages sont tous des instruments financiers, et en utilisant ces instruments, les Américains ont coulé l’ex-Union soviétique, provoquant une baisse du PIB de 80% en dollars. Aujourd’hui, le PIB de la Russie est inférieur à celui d’une de nos provinces, le Guangdong, et la raison en est le fléau qui a été semé en 1990. En 1998, ces attaques financières ont également fait tomber la Corée du Sud, en 1998, la Thaïlande et l’Asie du Sud-Est, et au début des années 80, le Japon a aussi été frappé durement. Les coups sont efficaces. La Chine serait-elle dans une situation insupportable si les instruments financiers venaient à la frapper ? Dans le secteur financier, si nous nous découplons des États-Unis, on serait tous perdants, les Etats-Unis davantage. Quelle en est la raison ? Pourquoi ne peuvent-ils pas battre la Chine alors qu’ils ont réussi leurs coups contre la Russie, l’Asie du Sud-Est, la Corée du Sud et le Japon ? Que ce soit la crise financière asiatique ou celle de 2008, on n’a jamais vu les méthodes financières américaines attaquer le système financier chinois, et surtout, nous avons en Chine trois défenses que l’on peut décrire comme notre parapluie nucléaire, notre bouclier. Premièrement, nous n’avons pas la libre convertibilité du capital. La prudence a toujours accompagné les décisions du Conseil d’Etat. 2. Jusqu’à aujourd’hui, même si l’on dit que nous sommes ouverts aux financements étrangers, en fait, à la fin de l’année dernière, les institutions financières étrangères ne représentaient que 1,8 % des actifs financiers en Chine. 3. Les opérations financières en Chine doivent être régies par la constitution chinoise, la loi chinoise et la banque centrale, sous peine de sanction. Nous sommes un pays souverain.
Pourquoi les cinq cas que nous venons d’évoquer sont-ils cités partout? L’économie russe avait à peine commencé à se développer que, suite aux prétendues réformes, la monnaie était entièrement convertible, sans aucune défense pour le capital. Deuxièmement, les réformes russes ont modifié toutes leurs réglementations financières au goût du FMI américain. Enfin, des entreprises américaines ont pénétré en Russie et contrôlaient plus de 30 % des actifs financiers. Tant que la Corée du Sud, l’Asie du Sud-Est et le Japon, que ces trois régions et pays sont ouverts et contrôlés par les Américains, la sécurité n’est pas assurée. La Chine a une ouverture limitée et est bien plus protégé. À ce stade, c’est la raison fondamentale pour laquelle la finance chinoise est immunisée contre les chocs internationaux, des crises financières de la fin des années 1980, fin 1990 ou de 2008. 
Fin du résumé

Il est important de reconnaître que le gouvernement chinois a su défendre les intérêts nationaux depuis l’ouverture de la fin des années 70 en avançant avec prudence notamment dans l’ouverture des marchés financiers. La crainte a toujours été vive d’être le jouet des marchés financiers à l’instar de pays plus faibles. La protection de sa monnaie a permis d’avancer dans ses eaux profondes. L’un des points forts des Etats-Unis est l’innovation, qui est le point faible de la Chine. Saura-t-elle passer du stade de la copie, de l’amélioration d’innovations déjà existantes à un statut de leader dans l’innovation? Pour l’instant, on ne peut répondre par l’affirmative. L’avenir montrera-t-il l’inverse?

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Source : 黄奇帆:美国在金融领域和我们脱钩等于自杀

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