Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

LES LACHES ET LES AUTRES par Patrick Besson

Patrick Besson: les lâches et les autres (robert Laffont.2020), dont je vous présente un extrait que l’on pourrait intituler nostalgie du communialisme, ou encore éloge de l’incompétence de ceux qui ne faisaient pas le mal.

Patrick Besson a une écriture, une manière d’être au monde, au pire un persiflage avec des ressources stylistiques de gagman, par exemple son croquis sur trump: Trump, en bon businessman, cherche à écraser la concurrence : le monde entier“, du Woody Allen. Mais c’est aussi un écrivain . Pas tout à fait Heine cherchant Robespierre derrière Guizot, mais de temps en temps enragé: le seul avec lequel il accepte un échange qui n’a pas lieu c’est Peter Handke, l’obstiné, le silencieux, sa nonchalance érudite, sa fidélité, son audace d’un autre monde, l’auteur reste un jeune homme en colère jusqu’à son dernier souffle et ses plaisanteries de gagman sont des jalons, une touche dans le paysage.

A l’ordinaire, Patrick Besson fait comme il peut, il est ou il joue au mondain, au dandy, “hussard noir”, très peau de vache à l’égard de la gauche bobo écolo, par exemple Anne Hidalgo “la pire maire de Paris depuis l’allemand Von Choltitz qui lui n’a pas été réélu en 1944“. Pire encore, son électorat ” en patinette, planche à roulette, disponible en début d’après-midi, “trop jeune pour être retraités, trop vieux pour être étudiants“. Il supporte nettement mieux certaines personnalités de droite- sans les épargner pourtant comme jean Marie Rouart, à qui il dénie le moindre talent sauf celui de s’être entiché d’un jardinier marocain qu’il croit innocent – que toute la camarilla Mitterandesque.

Oui, mais voilà par moment Patrick s’ennuie trop et ça c’est intolérable, alors le persiflage s’ouvre sur un paysage de l’enfance inconsolée et le socialisme perdu…Il n’en mourra pas comme Vlchek. Parce qu’il ne lui viendrait pas à l’idée d’aller se faire torturer en Indonésie, sur les traces des 500.000 communistes assassinés. D’ailleurs, il ne serait pas édité chez Laffont s’il était Vlchek… Pourtant il vit “la bourgeoisie, dont le nom qui même quand elle domine reste une insulte“, dans l’inconfort : “le dissident de l’Est avait l’ouest, le dissident de l’ouest n’a personne“(p.127)… Mais renoncer à cette dissidence à la Byron, ce serait être un lâche comme les autres et perdre l’essentiel l’écriture du jeune homme en colère..

Peu de monde trouve grâce à ses yeux, surtout pas lui. En montant ses récits, il prend soin de ne pas s’accorder le moindre crédit dans ses capacités de rébellion, comme quand il veut acheter une robe de chez Vuitton à sa compagne à 2900 euros, presque trois mois de vie d’un smicard, il y renonce pour un livre trouvé à l’étal d’un bouquiniste. L’instant d’après il est dans une manif de gilets jaunes contre lesquels il ne cesse de vitupérer :” le mauvais logement, la télé grotesque, la médiocre nourriture, la faible automobile, le vilain restaurant, le sale camping, le vêtement usé, le transport pourri, la dent inchangeable, les lunettes cassées, voilà les dons faits parle capitalisme frénétique à ses sujets anticommunistes. Ceux-ci s’insurgent contre un système qu’ils ont choisi contre le nôtre. on ne peut que les plaindre, d’autant qu’ils raflent au passage l’impavide Le Pen et l’inusable Dupont-Aignan. Persécutés dans leur travail et dans leurs loisirs par une bourgeoisie insatiable, taxés de la tête au pied par un Etat glouton, ils se débattent comme des noyés sans bouée, ne trouvant rien d’autres à faire que d’empêcher les gens de rouler car ils en ont marre qu’on leur roule dessus. La révolution d’octobre- de novembre- en février 1917 a commencé par une marche de femmes qui voulaient du pain. Celle de 2018 débutera-t-elle par des sit-in de vieux qui veulent du diesel?” (p.71)

Ils s’insurgent contre un système alors qu’ils n’ont pas voulu du nôtre“, ce yougoslave n’a rien oublié… Le livre est traversé par ce ressentiment. Malgré ou à cause de ruminer “les lâches et les autres” est un plaisir. Le livre est de ceux que l’on emporte en promenade. Une critique, pour lui,-la plupart des textes datent de 2018- le monde reste encore borné à ce théâtre du XXe siècle les Etats-Unis, l’Europe et l’URSS et le XXIe siècle celui des USA alors que nous sommes quelques uns à voir se jouer bien autre chose. Ce que l’on retrouve chez lui, le Serbe, c’est ce qui se dit à haute dose dans la Russie d’aujourd’hui, chez les écrivains, les cinéastes mêmes comme Konchalovsky, la rage d’avoir été berné. Proclamer à quel point avoir connu le socialisme, ses limites, ses erreurs, nous rend insupportable ce que l’on nous vend comme la “démocratie”. Bref il ne nous reste plus qu’à tenter d’expliquer , comme Ernst Bloch, que le pire des régimes socialistes vaut mieux que le meilleur des régimes capitaliste parce qu’il y a “le principe espérance”, même “si La Havane a besoin d’un sérieux coup de peinture!” ajoute-t-il.

Patrick Besson traduit en termes compréhensibles pour les petits bourgeois qui le lisent ce bilan globalement plus que positif d’une histoire chaotique de la dictature du prolétariat. Il a le panache et le réalisme, de s’en proclamer orphelin. Et il affirme face à l’imbécile révisionnisme des petits bourgeois que dans le fond Lénine a deux supériorités: c’est le seul homme politique qui parlait de Hegel et le seul qui cousait lui-même ses boutons.

Il ne lui reste plus chaque 4 mai à reconstituer une crèche marxiste, l’enfant Jésus est Karl Marx (5 mai1818), le père Joseph est Hegel, la mère Olympe de Gouges (quelle hérésie) et les trois mages Lénine dans son vieux costard, Lumuba en boubou, et Mao. Il aurait bien ajouté Marchais ou Robespierre, mais un quatrième n’était pas prévu. Le boeuf Castro et l’âne Honecker , c’est toute sa vie politique, l’ivresse du matérialisme et du progressisme. “Les larmes me montent aux yeux devant la douceur du spectacle que donne ma crèche; un monde pacifié où la plus grande religion – celle du profit aurait été aboli“(p.34). La prière à Karl Marx est dans le ton qui n’est pas celui seulement de la plaisanterie.

Un extrait de ce morceau de bravoure de la page 42 à 45

“Les communistes ne se contentèrent pas de forcer les patrons à octroyer aux salariés des droits dont ils n’auraient jamais pu imaginer d’eux mêmes qu’un jour on les leur réclamerait: ils prirent des pays entiers. Il y eut un monde où la moitié du monde était communiste. Les camarades ont été les derniers à avoir un empire colonial; C’était l’empire communial. Le communiste était presque partout chez lui, comme l’Anglais au XIX e siècle et l’Américain au XXI e. Le soleil ne se couchait jamais sur les terres rouges. Les portes de l’usine ne s’ouvraient plus sur la banlieue mais sur les cinq continents. Le coco se baignait en Yougoslavie, skiait en Arménie, randonnait en Slovénie, pique-niquait au Cambodge. Il pouvait se dire qu’il avait des camarades sur tout e globe et de toutes les couleurs. Ce fut le seul moment dans l’histoire humaine où les pauvres ont été aussi cosmopolites que les riches. Barnabooth en bleu de travail. L’homme du peuple pressé; Autrefois, les riches, les aristocrates et les bourgeois étaient partout chez eux. Soudain, une fois sur deux, ils étaient chez leurs ennemis de classe. Donc un peu mal à l’aide. Ravalaient leur colère avec leur traveller chèques.

Quelle idée saugrenue, quand on y songe: installer au pouvoir des gens qui ne l’avaient jamais pratiqué et priver du pouvoir des gens qui l’avaient toujours exercé. Les incapables aux manettes et les capables aux oubliettes. Cette idée ne pouvait sortir que d’un cerveau tordu et ne pouvait être adoptée que par des millions d’autres esprits tordus. ce fut une surprise pour tout le monde, tordu ou pas tordu, qu’il y eut autant de tordus sur la terre. Dont moi. Toujours je référerai l’incompétence à la compétence. Je trouve cette première plus comique et par conséquent plus proche de la vie atrocement drôle. (…) J’aime que le communisme ait été le premier système politique où l’on n’était pas puni pour notre bêtise qui n’est pas notre faute et où l’on était pas récompensé pour notre intelligence que nous n’avons pas fabriqué.

On veut faire le bonheur des hommes et qu’est-ce qui arrive: leur malheur. Comment de si bonnes intentions se sont-elles transformées en détentions? Peut-être les gens ne veulent-ils tout simplement que l’on fasse à leur place et surtout leur bonheur: ça leur rappelle trop l’enfance. Outre que le malheur de chacun est sacré pour lui-même. Il le maintient en colère, c’est-à-dire en vie; Sans eczéma comment se gratter? Les hommes veulent un maître pas un camarade. On peut s’arranger avec l’autorité d’un riche alors que celle d’un pauvre nous insulte. Le plus haïssable dans un régime communiste, pour ceux qui ne le sont pas, c’est d’être dirigés par des gens qui ne possèdent rien. Il est plus vexant de plier devant un locataire que sous un proprio. Il y a, dans la soumission aux possédants, la reconnaissance d’une loi de la nature, où le fort domine le faible.

Budapest 56, Prague 68, Berlin 89: trois actes d’une tragédie largement radio- et télé-diffusée. Combattants de la liberté contre partisans de la servitude. C’était beau comme un feuilleton et en plus c’était vrai. Le communiste naguère insurgé, désormais submergé. Cette foule qui était sa famille devenue une mer d’ennemis. Lui qui aurait donné sa vie pour les masses, attaqué par les masses qui voulaient lui faire la peau. La chute progressive du communisme donna lieu à une multitude de drames personnels, abondante source de fictions réalistes dans laquelle les écrivains et les cinéastes du monde entier ont à peine commencé à puiser.

Ce continent englouti, cette organisation défaite, cesserons-nous un jour, communistes et non- communistes, d’en porter le poids? Se souviendra-t-on au moins qu’en URSS il n’y avait pas de sans abri parce que chacun avait un toit, même si le moi n’était guère autorisé ? On divorçait en une seule journée. Un employeur ne pouvait pas vous renvoyer sans vous avoir trouvé un nouvel emploi. Ministres, tous fils d’ouvriers et de paysans, ce que l’on a jamais vu ailleurs et qu’on ne reverra plus jamais dans notre monde libre d’écraser la plus belle des libertés: celle de ne rien faire de mal.”

BON MON CAMARADE, SI TU ME PERMETS UNE CONCLUSION RAPIDE: ON S’EST PRIS UNE SACREE RACLEE, D’ABORD LE PROLETARIAT, CELA LUI APPRENDRA A NE PAS ETRE ASSEZ MECHANT! NOUS, QUI LE TROUVIONS MOINS VULGAIRE ET MEILLEUR QUE LA BOURGEOISIE, DANS LE WAGON PLOMBE AVEC LUI… ET CEUX QUI ONT INVENTE QUE C’ETAIT UNE VICTOIRE, UN AIR DE LIBERTE POUR LA PLANETE, S’ILS ETAIENT DES BOURGEOIS PASSE ENCORE, MAIS SI C’ETAIT UN COMMUNISTE? UN LACHE COMME LES AUTRES ?

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