En attendant, voici des extraits d’un article de Peter Hichens, un journaliste plutôt de droite qui écrit dans le Daily Mail. Comme le dit André Vltchek, on apprend souvent beaucoup de choses en lisant la presse de droite en Angleterre (note et traduction de Catherine Winch)
D’abord Hitchens explique le traité qui oblige l’Angleterre à extrader toute personne ayant commis un crime selon la législation américaine, même si la personne vit en Angleterre :
« L’extradition pour des raisons politiques est expressément interdite par l’article 4 (1) du traité d’extradition anglo-américain de 2003. Mais malgré ces protections, ce traité, conclu à l’époque de Blair, était, comme tant d’autres actions de ce gouvernement envers Washington, faible, servile et injuste. Et les tribunaux n’ont pas fait grand-chose pour défendre la souveraineté nationale britannique lorsqu’elle a été invoquée.
Aussi étonnant que cela puisse paraître, ce traité permet aux États-Unis de demander l’extradition de citoyens britanniques et d’autres personnes pour des infractions prétendument commises contre le droit américain. Il en est ainsi même si l’infraction présumée a été commise au Royaume-Uni par une personne vivant dans ce pays.
Voulons-nous vraiment que la main d’une puissance étrangère puisse pénétrer à volonté sur notre territoire national et en extraire qui elle veut ? Sommes-nous encore un pays indépendant si nous autorisons cela ? Les Américains ne nous laisseraient certainement pas les traiter de cette manière.
Il s’agit d’une violation fondamentale de notre souveraineté nationale et d’une menace majeure pour notre propre liberté de la presse. Je pense qu’aucun tribunal anglais ne devrait accepter cette demande. Et si les tribunaux manquent à leur devoir, alors je pense que tout ministre de l’intérieur qui se respecte devrait les rejeter.
Car cette extradition est un kidnapping sauvage. Je suis attaché à l’état de droit, l’une des principales garanties de liberté dans le monde. J’ai toujours pensé que c’était l’une des choses qui faisaient des États-Unis un grand pays. Mais je constate avec consternation le déclin de leur système juridique, pire encore que le déclin du nôtre.
La croissance d’un État sécuritaire impérieux et inflexible à Washington DC est l’une des évolutions les plus décourageantes dans ce monde qui s’assombrit rapidement.
Les révélations de M. Assange ont mis en évidence nombre de ces mauvaises choses, dans l’espoir évident de les arrêter : injustice, brutalité, emprisonnement secret, torture et restitution.
La prévention de ces choses n’est pas une folle cause révolutionnaire. C’est le devoir des chrétiens et des conservateurs de s’opposer à ces maux autant que c’est le devoir de quiconque. Si ce n’est plus.
Laissez-moi vous expliquer pourquoi cette extradition est injustifiée. Premièrement, les actions de M. Assange, qui a publié un grand nombre de dossiers confidentiels du gouvernement américain, ne sont pas un crime. Il a agi sous la protection du droit américain en tant que journaliste, en publiant des informations qu’il avait reçues.”
Hitchens continue en faisant un parallèle entre Daniel Ellsberg et Assange:
“Il est intéressant de noter qu’un événement très similaire s’est déjà produit. Au cours de la guerre du Vietnam, il y a près de 50 ans, le courageux Daniel Ellsberg, un ancien lieutenant des Marines américains, a fait à peu près la même chose. Il a fourni les “documents du Pentagone” au New York Times. Finalement, tous les tribunaux, de droit, d’opinion publique et d’histoire, ont conclu que M. Ellsberg – un citoyen américain opérant aux États-Unis – était non seulement innocent, mais que ses actions étaient justifiées.
Ils ont également conclu que les autorités américaines de l’époque s’étaient comportées de façon abominable. Des voyous engagés par la Maison Blanche avaient même pénétré par effraction dans le bureau du psychiatre d’Ellsberg, à la recherche d’informations susceptibles de le discréditer (et n’en ont pas trouvé). Le gouvernement américain a essayé de le poursuivre en vertu de la loi sur l’espionnage de ce pays, bien qu’il ne soit manifestement pas un espion, tout comme M. Assange n’est pas un espion.
Ces documents n’avaient aucune valeur militaire pour l’ennemi. Mais ils étaient profondément gênants pour le gouvernement américain, montrant qu’ils avaient systématiquement menti au peuple américain et au Congrès sur la désastreuse aventure du Vietnam.
Presque tout le monde accepte maintenant que l’action d’Ellsberg a rendu service à l’Amérique et a accéléré la fin de cet épisode futile et sanglant.
On peut certainement soutenir que les documents de WikiLeaks ont pu avoir un effet similaire sur la guerre en Irak et sur de nombreuses autres politiques et actions étrangères douteuses. Ils ont été profondément gênants pour de nombreuses zones des plus préoccupantes de l’État américain. Ce n’est pas à cause d’un prétendu espionnage que le gouvernement américain est maintenant si remonté contre M. Assange. Il est significatif que Daniel Ellsberg lui-même est aujourd’hui l’un des principaux partisans de M. Assange.”
Hitchens conclut:
“Il y a une dernière dimension à cela qui est profondément alarmante. Si le Royaume-Uni remet M. Assange aux autorités fédérales américaines, il passe pour toujours dans un système carcéral tout à fait différent du nôtre. Vous pensez peut-être, et je suis d’accord avec vous, que notre système pénal a beaucoup de défauts. Mais celui des États-Unis a des défauts différents. Il peut être étonnamment cruel envers les prévenus non condamnés, en les soumettant à des mesures spéciales qui les coupent presque totalement de la société humaine normale.
Si M. Assange est ensuite condamné par un tribunal américain, ce qui est statistiquement très probable, il pourrait passer des décennies dans un cachot moderne tel que la célèbre prison “Supermax” de Florence, dans le Colorado, plus ou moins enterré vivant avec peu d’espoir de retrouver un jour la liberté. Il est loin d’être en bonne santé pour le moment. Ceux qui le connaissent craignent que ce soit plus que ce qu’il pourrait supporter.
M. Assange n’est pas un terroriste, un espion ou un tueur. Il n’y a, à ma connaissance, aucune preuve qu’une de ses révélations ait, en fait, entraîné un quelconque préjudice pour qui que ce soit.
WikiLeaks a édité des documents pour éviter de tels préjudices, et a essayé d’empêcher la publication non expurgée des documents en sa possession. L’idée qu’il devrait faire face à la forte possibilité d’être enterré aux côtés de tueurs, de terroristes ne répond pas vraiment à un critère de justice.
Comme moi, vous n’êtes pas obligés de l’aimer, ou d’être d’accord avec lui, pour voir cela. Il est facile de défendre ceux que nous aimons et que nous approuvons. Mais il est à mon avis beaucoup plus important de protéger ceux que nous n’aimons pas et que nous désapprouvons, s’ils sont menacés d’injustice.”
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papadopoulos georges
Une plaidoirie de haut niveau en quelques phrases!