Municipales : “Le souci ? Il y a un seul code électoral mais mille pratiques !”
Nous avons pu suivre les pérégrinations de la commission de contrôle des 1er-7e et des 2e-3e. Ambiance… Le journaliste en rajoute un peu, mais il n’est pas en de ça dans une ville où le trafic de drogue est à la base de la survie, avec l’assistance, le travail au noir, la misère, les logements insalubres et ceux de luxe inoccupés… le tout engendrant clientélisme et hommes de main. Jadis il y eut un Billoux qui reprit armes à la main le port et les quartiers à la pègre fasciste qui faisait régner la terreur. C’est à cause de cette réalité là que j’ai d’autant plus d’admiration pour les amis de Vénissieux qui sont confrontés aux mêmes problèmes- les Minguettes, la spéculation foncière face à l’habitat social- et qui réussissent à faire de la politique, la vraie, y compris en matière d’écologie, à quand un véritable échange d’expérience? (note de Danielle Bleitrach)
Par Romain Capdepon
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Excusez-moi messieurs, vous dépendez de qui ?”, susurre une assesseure du bureau 754, Pharo-Catalans (7e). “Du code électoral, m’dame ! On ne roule pour personne nous !“, rétorquent illico les juges Fabrice Castoldi et Fabrice Naudé, deux sommités du tribunal de grande instance de Marseille. En ce dimanche plombé tant par l’ambiance électrique, parfois malsaine, que par une chaleur accablante, le vice-président du TGI et le juge d’instruction – celui qui a notamment réanimé le dossier “Guérini” en 2017 -, ont joué les hérauts de la probité, les casques bleus de la démocratie dans plus d’une vingtaine de bureaux des 1er-7e et 2e-3e. Une véritable gageure. Président(e) s de bureaux parfois arrogants, “portiers” aux gueules patibulaires, soi-disant chargés de faire respecter les mesures sanitaires, confidences en aparté d’assesseurs un brin apeurés, dénonciations d’autres devenus suspicieux voire paranoïaques, le duo a joué du conseil et du rappel à l’ordre là où “une forme d’approximation permanente règne, selon le juge Castoldi. Le souci ? Il y a un code électoral et… mille pratiques !“
La journée commence à l’école Révolution, au coeur de Saint-Mauront (3e), l’un des quartiers les plus pauvres d’Europe. Alors que les membres du bureau se battent pour être “shootés” par notre photographe, une déléguée, le visage inquiet, glisse au juge : “Ce matin, on a vu des petits choufs du réseau de stups qui rabattaient des jeunes en leur demandant d’aller voter contre des barrettes de shit…“Et aussi Municipales : pourquoi l’incertitude règne sur le nom du futur maire de Marseille
“Il n’y a pas lieu à interprétation !”
Si le duo de magistrats, assisté par Sandrine Brilli, une fonctionnaire de la préfecture, s’affaire, en déboulant dans chaque bureau, à contrôler les procès-verbaux, les bulletins, les urnes, les isoloirs, l’enregistrement des scrutateurs, etc., la solennité de son passage a un effet “boeuf” sur les chamailleries et autres tentatives de coups de trafalgar. Toujours aux Catalans, au bureau 753, le directeur de campagne de la candidate Sophie Camard (PM) a alerté la commission de contrôle des opérations de vote. “On ne veut pas enregistrer nos scrutateurs, on a reçu des procurations tardives ni signées ni tamponnées, on a vu des personnes âgées accompagnées, pour ne pas dire escortées, par des gens visiblement pas de leur entourage, et on nous refuse l’accès au PV pour noter tout cela !“, peste Danielle, une déléguée du Printemps Marseillais. La présidente du bureau nie en bloc et finit par lâcher le procès-verbal en baragouinant derrière son masque. “Vous n’êtes dépositaire de rien, vous devez juste faire respecter la loi. Et puis madame, ça n’est pas parce qu’elle note des choses que c’est vrai !, tente d’expliquer le juge Castoldi, vous pouvez même y répondre sur le PV.“
Toutes ces annotations seront autant d’éléments que le juge administratif aura en main pour invalider ou non un scrutin potentiellement criblé de recours… La journée est émaillée d’une interrogation récurrente : comment concilier publicité du dépouillement et respect des règles sanitaires ? Sabine Bernasconi, candidate LR des 1er-7e, débarque au bureau 756, rue Codaccioni (7e). “Ça sera à huis clos, c’est l’État qui nous l’impose !” Manque de chance, la commission est là et rectifie le tir : “C’est hors de question ! Il n’y a pas lieu à interprétation, il y a des textes. En revanche, vous devrez prendre des mesures pour parvenir à un turnover du public pour un dépouillement sincère“. Le calme revient… “Le Printemps marseillais met une pression de dingue, ils voient le mal partout. Et puis ils ont vendu la peau de l’ours avant de l’avoir tué“, peste celle qui était à cette heure-là toujours maire du 1er secteur. Les deux juges finissent leur journée au bureau 358 à Félix-Pyat (3e), visité une première fois le matin même et sous bonne escorte policière toute la journée. Il est l’un des plus chauds de la ville après que trois hommes ont déboulé armés de paintball, lors du 1er tour, pour tenter d’arracher, en vain, l’urne pleine…
À Marseille, même les agents de sécurité, comme Samuel, ne se remettent pas de cette élection : “ Habituellement on sécurise des banques, des festivals, des concerts. Franchement, on a été choqué par l’ambiance de ces votes…“
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