Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

知己知彼,百战不殆, Si vous vous connaissez et connaissez votre ennemi, vous ne serez pas en danger dans une centaine de batailles

Avec ce site, il est clair que nous n’avons pas la même idéologie, lui tire la Chine vers ses valeurs éternelles, vers le libéralisme, le marché, moi je la tire vers le socialisme… Mais fréquemment nous sommes d’accord sur le diagnostic et sur l’incompréhension vaniteuse de l’occident. Surtout quand comme ici la référence est un blogueur Chinois Président Lapin 兔主席 et qu’il note ce qui parait évident, la curiosité, l’enthousiasme, la vitalité chinoise face à la paranoïa des Etats-Unis et de notre monde occidental (note de Danielle Bleitrach).

L’Occident n’a jamais aimé accepter des civilisations différentes. Il a, à l’instar du christianisme, souvent voulu imposer La Civilisation. Au-delà de l’affrontement économique, voire technologique futur, les Etats-Unis rejettent le point de vue chinois sur un modèle économique et politique. Président Lapin 兔主席 est un blogueur chinois, diplômé de Harvard, qui écrit dans divers journaux chinois et sur Weibo. Dans un article intitulé « Causerie, du défi institutionnel Chine-Etats-Unis au M. De (démocratie) et M. Sai (science) 闲聊:从中国对美国的制度挑战到“德先生”与“赛先生”, il décrit une position chinoise assez répandue face aux Etats-Unis. Il y a deux à trois décennies, l’Amérique était perçue comme l’avenir. Mais les temps ont changé, la Chine est devenu le rival qui propose une voie différente et non une menace, ce que ne comprend pas le pays de Trump aveuglé par sa vanité. Il est intéressant de voir les réflexions du « Lapin ». Même si on ne partage pas ses idées, elles méritent plus qu’une réflexion car elles sont très représentatives d’une partie de la pensée des élites chinoises.

Résumé des principales parties du texte du Président

L’Amérique était puissante

20-30 ans auparavant, les Chinois pensaient que les États-Unis représentaient l’avenir, le phare du monde. Pourquoi ? L’Amérique avait une économie et une armée puissantes. On peut se poser la question, est-ce la supériorité du système américain qui a engendré une Amérique forte ou est-ce parce que l’Amérique est forte que nous pensons que le système est supérieur ? Les États-Unis ont dominé le XXe siècle, l’URSS et le Japon au final n’ont pas été en mesure d’apporter des systèmes rivaux longtemps. Est-ce que la force des États-Unis tient dans la taille de la population et les ressources naturelles? Est-ce qu’ils ont pris des mesures plus tôt que les autres pays pour devenir puissants ?

Le seul rival, la Chine

Le seul pays qui peut rivaliser avec les États-Unis est la Chine, sa population est quatre fois plus importante, les nationalités du pays et les cultures se sont homogénéisés. Les valeurs culturelles de la société sont unies – les différends par exemples entre l’écrivain Fang Fang et les petits soldats communistes (小粉红) ne sont rien à côté des divisions au sein du peuple américain. La population chinoise est très travailleuse ; elle peut se sacrifier pour la famille, la société, elle a un sens de la collectivité. L’État et la société œuvrent ensemble avec la sens de l’ordre. On considère l’épargne et l’investissement, on espère accumuler des richesses. Tout le monde attache une grande importance à l’enseignement, qui fait partie des gènes culturels du pays. La société s’est formée sur le système confucéen. Chacun doit accomplir ses devoirs. Le système des examens assurait une mobilité sociale. L’importante taille de la population garantit une demande intérieure importante et des économies d’échelle. Les systèmes politiques, culturels et éducatifs de l’État et de la société inculquent et « internalisent » ces valeurs culturelles à chaque individu.
Un tel pays, une telle société, peuvent-ils créer une économie et une civilisation fortes ?

La Chine ira plus loin que le Japon


Le Japon, véritable miracle des années 80, était devenu un défi pour l’Occident. La Chine pourra certainement dépasser le Japon. Elle dispose d’une population plus grande, de ressources plus abondantes et un vaste marché local que le Japon n’a pas.
Deuxièmement, les nationalités et la culture sont homogènes, la Chine est aussi plus diverse, plus ouverte et plus tolérante que le Japon, une nation insulaire. La Chine, avec la révolution du XXe siècle, a allégé le poids des contraintes et des restrictions de la société féodale. L’égalité entre les sexes en Chine est beaucoup plus évidente. La Chine est plus proche de l’Occident en termes d’ouverture et de liberté.

Une voie différente

Alors que la Chine a une ascension progressive, l’Amérique décline. La Chine ne veut pas renverser les États-Unis, mais proposer une voie différente de celle des États-Unis et mettre un terme à la « fin de l’histoire ». Les civilisations humaines ont des voies de développement différentes. 

L’humilité permet de progresser

La Chine a un avantage sur les États-Unis, c’est sa relative humilité : les Chinois voient la puissance des États-Unis, s’intéressent beaucoup à ce pays et gardent un sentiment d’émerveillement et veulent toujours apprendre et intégrer les expériences avancées. La Chine, en revanche, n’est pas suffisamment consciente de ses avantages et de ses atouts et n’a pas assez confiance en elle. Mais cela place précisément la Chine dans un état de rattrapage plus autocritique et plus réfléchi, et peut constamment inciter à s’améliorer.

La vanité aveugle

Les États-Unis sont limités par leur confiance en eux et la vanité peut aveugler. Ils considèrent que le système chinois est le fruit d’un système politique extrémiste venu d’Europe, ils ne peuvent pas voir le véritable succès de la Chine, les caractéristiques de l’histoire et de la civilisation chinoises. Comme le dit le proverbe « 知己知彼,战不殆, Si vous vous connaissez et connaissez votre ennemi, vous ne serez pas en danger dans une centaine de batailles* ». Les Chinois peuvent lire les États-Unis, mais les Américains ne peuvent pas lire la Chine.

Complémentarité

 Si la Chine pouvait intégrer les points forts des États-Unis et de l’Occident et inversement si les États-Unis/l’Occident pouvaient intégrer ceux de la Chine, il n’y aurait plus de concurrence mais une complémentarité. La civilisation politique du XXIe siècle devra intégrer les éléments de l’Orient et de l’Occident. La Chine est en train de rattraper son retard, elle est capable d’une humble introspection et d’un apprentissage. Elle a donc le potentiel pour construire une civilisation plus élevée. 

Schéma de pensée de guerre froide

La puissance de l’Occident (États-Unis) le rend arrogant, avec des vues arriérées, coincées dans un schéma des mentalités de la guerre froide avec l’affrontement Etats-Unis-URSS. Pendant longtemps, il n’a pas compris d’où venait la menace. Marx, Lénine, Staline, les anciens systèmes féodaux, les anciens États centralisés ? La Chine avec ses caractéristiques rouges a rendu la Chine incompréhensible.
Fin du résumé

Bien entendu, on peut faire diverses objections à ces affirmations : « L’homogénéisation de la culture, des nationalités et de l’Etat », il faut aller poser la question dans certaines régions, comme le Tibet ou le Xinjiang.  Les Etats-Unis ne comprennent pas la Chine, un peu facile à dire. Il faudrait comprendre la Chine avec les critères en vigueur à Zhongnanhai, je suppose. Pour expliquer la puissance des Etats-Unis, l’auteur aurait pu mentionner notamment l’ouverture du pays, ses investissements dans la recherche et le développement, l’attraction qu’il exerce auprès des personnes hautement qualifiées, le souffle de création (bien moins fort en Chine) et beaucoup d’autres choses. Ce discours est bien entendu dans la ligne officielle qui décrit la renaissance de la Chine, revendique son propre modèle qu’elle voudrait faire reconnaître et même exporter, et déplore le manque de désir de compréhension de l’étranger. 

*Citation de Sunzi

Print Friendly, PDF & Email

Vues : 204

Suite de l'article

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.

La modération des commentaires est activée. Votre commentaire peut prendre un certain temps avant d’apparaître.