Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

La Suède met en place une expérience meurtrière sur sa propre population

L’épidémie a entraîné des choix différents et si l’on peut noter que certains types de sociétés et d’états ont su mieux informer leur population, obtenir des mesures drastiques, d’autres ont fait la preuve de leur fragilité, mais la plupart ont fini par se ranger au confinement. Il n’y a guère que la Suède qui a fait un autre choix et le poursuit. Toutes ces politiques ne sont pas indifférentes et il y a tout à craindre que certaines d’entre elles donnent aliment à une nouvelle vague d’épidémie mondiale qui déboucherait sur le chaos (note de Danielle Bleitrach)

3 avril 2020

Photo: Rob Schoenbaum / Global Look Press

Texte: GevorgMirzayan, professeur àl’Université des finances

https://vz.ru/world/2020/4/3/1032134.html

La Suède est l’un des rares pays au monde à avoir refusé d’imposer une quarantaine stricte contre la propagation du coronavirus. Le gouvernement estime que la société doit conserver son ancien mode de vie afin de sauver l’économie du pays. Mais une telle approche sera-t-elle vraiment efficace – et qu’en pensent les épidémiologistes suédois?

L’épidémie de coronavirus a démontré que les États centralisés gèrent la crise bien mieux que les démocraties libérales. Si dans la majorité de ces dernières on observe le chaos et un taux de mortalité extrêmement élevé (Italie – 11,7%, Espagne – 8,8%, Grande-Bretagne – 8%, France – 6,7%), en Chine les autorités ont pu imposer des mesures draconiennes à la population pour enrayer l’épidémie et maintenir le taux de mortalité à 4% – et cela compte tenu du nombre de décès au début de la propagation de la maladie.

En Fédération de Russie, des mesures de quarantaine modérées sont également prises. Ce qui, combiné aux capacités de mobilisation des autorités et à la volonté de la population de se soumettre à la restriction temporaire des droits, peut encore maintenir le taux de mortalité à 1%.

Encore un peu – et le mythe de l’avantage de la démocratie libérale sur les modèles autoritaires sera éventé. Il s’avère que la croyance dans le comportement adulte et responsable d’un citoyen libéral est un mythe, que seules les mesures draconiennes prises par les autorités pour contrôler le troupeau humain peuvent le sauver des “loups”.

Et maintenant, le seul espoir de l’Occident collectif est la Suède. Un pays dans lequel il n’y a pas l’ombre d’une quarantaine proche. Un pays où l’accent n’est pas mis sur des mesures autoritaires, mais sur la conscience des citoyens, la nature nordique des autorités et un refus rationnel d’exagérer les dangers du coronavirus.

Que se passe-t-il donc là-bas?

Il est mieux de tomber malade

L’essence de la stratégie suédoise est qu’il ne sert à rien de mener une lutte enragée contre la propagation du virus – il suffit d’en protéger la partie la plus vulnérable de la population (c’est-à-dire les personnes âgées). Et pour ce faire, c’est simple, car les personnes âgées en Suède vivent généralement séparément – les enfants partent quand ils ont 18-19 ans. Tout ce qui est nécessaire est une distance sociale minimale, c’est pourquoi le Premier ministre suédois Stefan Leuven a exhorté la population à faire preuve de «responsabilité individuelle» et à limiter les contacts.

Mais « limiter » au sens suédois est loin d’être la même chose que pour les Russes. Oui, les autorités ont également fermé des universités – mais en même temps elles n’ont pas fermé les écoles et les jardins d’enfants. Selon l’épidémiologiste en chef de la Suède, Anders Tegnell, renvoyer les enfants à la maison privera le pays d’un quart du personnel médical qui devra rester à la maison pour s’occuper des enfants, ou provoquera une forte augmentation de la maladie chez les personnes âgées si elles décident de sortir du confinement et de s’occuper de leurs petits-enfants. Ils n’ont pas non plus envisagé de fermer la partie loisirs et divertissements de l’économie (bars et restaurants), ni à instaurer une quarantaine sur le modèle italien.

À première vue, c’est étrange. En effet, les modèles mathématiques de base étudiant le développement du coronavirus montrent que la stratégie la plus efficace pour lutter contre la maladie est de fermer les lieux où les gens de tout le quartier se réunissent. Mais le fait est qu’en Suède, ils n’ont pas l’intention d’arrêter la maladie.

Les autorités du pays sont convaincues que les jeunes pourraient contracter le coronavirus, en être immunisés et continuer à vivre sans risquer de tomber à nouveau malades. Par conséquent, il est recommandé que les personnes malades restent à la maison, mais elles sont autorisées à aller travailler quelques jours après l’amélioration de leur état. Les responsables exhortent les jeunes suédois à être responsables, mais en même temps, d’aller dans les magasins, les cafés, s’amuser – et préserver ainsi les petites entreprises du pays.

Et il est vital de les préserver, car en raison de l’épidémie de coronavirus, la Suède (dont l’économie est très dépendante du commerce international) est déjà en train de tomber dans une grave crise économique, qui pourrait même dépasser le crash de 2008. Les experts prédisent une baisse du PIB à quatre, voire jusqu’à huit pour cent, une augmentation du chômage à 10%. Il est clair que si les autorités imposent maintenant la quarantaine, elles ne feront qu’aggraver les problèmes économiques –et c’est pour cette raison, en fait, que le gouvernement suédois ne le fait pas.

Expériences de masse

Naturellement, tout cela est expliqué publiquement non par des raisons économiques ou géopolitiques, mais par des raisons idéologiques–du genre «nous ne pouvons pas tout interdire» et «il nous faut un comportement responsable des citoyens». «La Suède défend les mesures fondées sur le volontariat parce que nous sommes habitués à vivre comme ça. Et notre expérience a montré que cette approche est pleinement justifiée », explique Anders Tegnell. Le problème est que maintenant la tradition suédoise est contraire à la réalité objective.

Au départ, la Suède n’était pas le seul pays européen à avoir décidé de lutter contre le coronavirus non par la quarantaine, mais par l’immunité. La Grande-Bretagne et les Pays-Bas avaient fait de même – cependant, ces deux États ont finalement emprunté la voie de quarantaine.

La raison est simple – le pari sur un comportement responsable de la population n’a pas fonctionné, l’augmentation du nombre de cas a pris une courbe exponentielle, dépassant le plafond du système de santé. Les médecins britanniques se sont rebellés- ils ont dit : si le pays ne prend pas de mesures de quarantaine strictes, un quart de million de Britanniques iront dans l’autre monde.

Il n’est pas surprenant que les médecins et les virologues suédois se rebellent également, écrivent des lettres de colère, demandent au moins la fermeture des installations de divertissement, et ils appellent déjà la stratégie des autorités “une expérience massive sur des dizaines de millions de personnes “. Une expérience qui échoue déjà. Au soir du 1er avril, il y avait en Suède environ cinq mille personnes infectées, dont 239 personnes (soit environ 5%) sont décédées. Cependant, ce ne sont pas les chiffres qui sont importants ici, mais le taux de croissance – et il est flagrant. Au cours de la semaine du 23 mars au 1er avril, le nombre de cas a augmenté de près de 2,5 fois et le nombre de décès de près de 10 fois.

    Et parmi les victimes (y compris les victimes graves), il y a beaucoup de jeunes.

Il est possible que le nombre réel de cas soit encore plus élevé – jusqu’à récemment, les jeunes n’étaient tout simplement pas testés, même s’ils présentaient des symptômes de coronavirus. En conséquence, fin mars, moins de 40 000 personnes ont été testées en Suède. Ce n’est que le 31 mars que les autorités suédoises se sont décidées à aller vers une stratégie de test de population à grande échelle – et, selon la ministre de la Santé Lena Hallengren, elles prévoient de tester de 20 à 30 000 personnes par semaine.

De plus, l’auteur de la “stratégie suédoise” Anders Tegnell ne nie pas la possibilité de répéter le scénario italien dans son pays. «Je n’exclus pas que cela se termine pareil pour nous – indépendamment de ce que nous faisons. Je ne suis pas du tout sûr que nos actions affectent en quelque sorte le taux de propagation du coronavirus. Mais nous verrons. “

Après ces mots, Anders Tagnell continue d’occuper son poste et mène la Suède vers un brillant avenir italien.

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