Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

sixième jour: j’explique au chat la différence entre péril jaune et péril blanc… sans grand succès, les différences de poils ne l’intéressent pas.

Bon le chat, il faut apprendre à se supporter, d’abord je voudrais que tu arrêtes de te coller sur l’ordinateur quand je tape. C’est possible? Non! c’est comme ça. Dormir sur le lit non! Alors je dois tolérer l’ordinateur. Il a pris sa position où il n’entend rien, les pattes repliées sous le corps, celle où il ressemble le plus à un couvre théière comme les anglais en raffolent. Il est venu me réveiller en grattant sur la porte vers les 3 heures du matin, une petite faim qu’il faut assouvir immédiatement, je hurle “Che! fous moi la paix”, mais je me lève… Je me lave les mains et j’obtempère… Les doux plaisirs que l’habitude engendre.

Tu sais le chat, je me demande quand et comment nous allons sortir de là. Il est clair que nous sommes enfermés ensemble plus longtemps que Balkany. Entre nous, nous avons intérêt toi et moi à obéir: en ce qui te concerne l’euthanasie des animaux domestiques se pratique de plus en plus,. Quant à moi j’ai un peu l’impression d’être de la génération que personne ne regrettera. Dans le tri sélectif que ces abrutis du gouvernement imposent aux victimes innocentes que nous sommes comme aux soignants en train de se débattre sur le front, il ne sera pas fait beaucoup d’effort pour me retenir. Cette impression désastreuse, tu me diras j’y ai été préparée non seulement par “l’adversaire de classe”, mais par mes petits camarades de la fédération des Bouches du Rhône et de la presse communiste: “tes mémoires on n’en a rien à foutre, laisse-nous inventer l’histoire comme on veut!” Mais je m’obstine, tu me connais le chat, je suis une entêtée et je vais me répéter: “rien que pour les emmerder j’assisterai au cent ans du parti!”

L’autre, le Macron, il a dit que nous étions en guerre contre un ennemi invisible. Les ennemis invisibles tu connais-toi Che, tu ne cesses de les combattre enfin il me semble quand je te vois secoué de brusques sursauts dans tes nombreuses siestes. En matière de guerre pour le moment, les tranchées sont confortables. Il s’agit de rester affalée sur un canapé en contemplant tout ce que l’on a à faire,:ranger les papiers, faire le ménage de printemps, attaquer la pile de livres accumulés, en repoussant le tout de jour en jour, je connais c’est ma vie… Et tu sais combien le temps passe vite quand on s’est donné quelques urgences de ce type en évitant de s’y attaquer. C’est comme le programme de gymnastique douce, heureusement que tu es là pour tout balancer par terre. La femme de ménage a décidé de m’aider, en m’expliquant par vidéo-conférence comment m’y prendre. C’est la différence entre ce qui peut se pratiquer virtuellement et les métiers utiles que l’on découvre humainement indispensables et que l’on envoie au front, le vrai.

J’ai un ami qui a affiché sur sa porte un petit mot pour les éboueurs… Au moins lui il y pense. Combien les ont soutenus dans leur grève récente?

Et là vois-tu le chat, il faut que je te raconte, comment le dire? Il faut trouver l’art et la manière, faire comprendre le scandale sans pour autant laisser la rage de chacun devenir cauchemar, sans que l’extrême-droite y puise aliment et que cela se retourne alors les uns contre les autres.

Par exemple l’ennemi invisible, je me méfie… Cela me rappelle de mauvais souvenirs. Je revois cette fuite éperdue quand à l’aube nous avons découvert un écriteau sur l’arche de la porte qui conduisait à la cour intérieure de l’immeuble: “Il y a des juifs cachés ici”. Alors je me dis que notre situation est infiniment plus confortable que celle d’Anne Frank dans l’espace réduit de son grenier.

L’ennemi invisible par des temps de paranoïa, quand tout est fait pour détourner les coups du capital à défaut du Chinois lointain ça risque pour certains autochtones de tomber sur les étrangers du dedans.

A propos du Chinois, je crois que tu n’en as jamais rencontré, pas le moindre chat siamois à l’horizon, tous des matous de gouttière, des chats européens que tu me ramènes de tes expéditions lointaines dans les jardins du lotissement. Je ne sais jamais si ce sont tes copains ou des matous non castrés qui en ont après toi. De toute manière, je n’ai pas de réserve de croquettes et de sachets pour tout ce monde. Donc revenons-en aux Chinois, quand je t’aurais dit qu’on les appelle le péril jaune parce qu’ils ont la peau nacrée et qu’ils appartiennent à l’espèce asiatique dont la diversité est à peu près aussi grande que tout ce qui se déploie du nord au sud entre sicilien et suédois et d’ouest en est entre un basque de Biarritz et un habitant de l’Oural, mais que nous les voyons tous pareils parce qu’ils ont les yeux bridés et nous non, tu en sauras plus que la plupart des gens qui en parlent…

Il y a un pays immense, la Chine, qui dans la continuité de son écriture et de son histoire est le plus ancien du monde. Ils ont vécu depuis des millénaires en contemplant leur nombril et ils en ont acquis la conviction qu’ils étaient comme lui l’empire du milieu… en cultivant des comportements, des pensées, des modes d’être à la fois semblables et différents de nous. Et à un moment, nous, le péril blanc, nous leur avons déferlé dessus, nous les avons forcés à se droguer, humiliés, s’expatrier,se vendre au moins offrant…

Là, le chat ne détourne pas la tête, même si je mange une tête d’ail ou presque par jour… il faut que je t’explique pour que nous ayons des références culturelles communes. C’est nécessaire si nous devons cohabiter quelques mois en tête à tête. Comme j’ai assez mal vécu le fait d’être l’ennemi intérieur dans ma petite enfance, j’en ai acquis une prévention légitime contre les gens qui pensaient en ces termes: les fascistes, les xénophobes.Quelle que soit la peuplade choisie, je me dis: “ça finira bien par me tomber dessus.!” Même les gens qui ont voulu faire un paquet cadeau avec ceux qui se sont laissé gagner par le mal me sont suspects. J’ai été conduite alors à m’identifier aux anti-fascistes allemands et c’est là que j’ai découvert un ami, un jumeau qui s’appelle Brecht. Mais revenons-en aux Chinois, lui aussi quand il essayait de faire comprendre quelque chose sur eux-mêmes à ses contemporains, il inventait une fable avec des Chinois, proches et pourtant assez différents pour qu’ils s’interrogent sur leurs manières d’être., cela s’appelait la “distanciation” comme celle à laquelle on nous invite pour cause d’épidémie, ce à quoi il faudrait songer, mais ce sera un autre thème de réfléxion.

Ainsi Brecht a raconté une fable… Ne me regarde pas comme ça, je sais ce que tu penses : “où veut-elle en venir? j’ai encore faim, la gamelle est vide, mais quand elle est partie comme ça, faut prendre son mal en patience!” D’ailleurs tu t’es décollé de l’ordinateur et tu ne me regardes même plus, tu as opéré un pivotement discret vers les écuelles.

Voilà ce que Brecht a raconté, une histoire qui se passe dans le désert chinois, celle d’un marchand, qui doit se rendre à Ourga pour vendre du pétrole. Il recrute une équipe, un guide et un coolie très maigre qui ploie sous les bagages, mais qui doit accepter- parce qu’il est pauvre- toutes les maltraitances du marchand. Le Guide, qui a des compétences et résiste, se fait renvoyer. Sans lui, le maître et le coolie se perdent dans le désert. Le marchand se fait mal à la jambe. Dans la nuit alors qu’ils bivouaquent, le coolie s’approche pour lui donner à boire, le marchand croit qu’il veut l’assommer et l’abat d’un coup de revolver. Le marchand que le guide a signalé parce qu’il est inquiet pour le coolie est récupéré, il passe en jugement mais il est acquitté par le juge. Celui-ci considère que vu ce que le coolie avait subi de la part du maître il aurait été légitime qu’il l’assassine, lui donner à boire était totalement imprévu, donc le maître était en état de légitime défense.

Nous aussi en matière de racisme, nous sommes en état de légitime défense…

Voilà, j’espère que tu as compris où je veux en venir… Tu t’en moques, tu m’as laissée avec mon ordinateur et tu es allé te coucher sur le canapé en te disant que la tournée de croquettes ce serait pour plus tard. Mais voilà, la morale c’est que le coolie chinois a été si maltraité par les spéculateurs et les capitalistes qu’il serait normal qu’il se venge et s’il parait agir avec altruisme c’est pour mieux nous faire payer ce que nous lui avons infligé, c’est imparable. Parce que comme chacun sait derrière ses yeux en amandes l’asiate mûrit de sombres pensées contre le blanc qui a choisi d’être le maître de la planète et de s’en approprier les ressources. Pas tous les blancs me diras-tu! Certes mais les capitalistes qui nous gouvernent ont réussi à nous faire partager à défaut de leurs profits les querelles que leur attitude a généré sur toute la planète. Le tourisme n’a aidé en rien et un jour je t’expliquerai pourquoi.

Mais je vais en arriver à la conclusion de mon sermon d’aujourd’hui: hier, je regardais BMTV, il y avait un type qui parlait des mesures prises en Chine et comme d’habitude, il était à la fois pétrifié d’admiration et tout à fait convaincu que nous ne pouvions pas l’appliquer parce que “c’est une dictature!” Tel est le leitmotivs et je crains bien qu’il nous soit répété jusqu’à notre heure dernière… “Vous mourez comme des mouches mais c’est en liberté, celle du libre renard dans le libre poulailler.” D’ailleurs, son frère qui vivait en Chine lui avait expliqué:le fonctionnement de la dictature chinoise: du jour au lendemain, tous les chantiers du bâtiment s’étaient arrêtés, les ouvriers mis eux aussi en confinement, pareil pour les chaines de production, les seuls ouvriers en activité construisaient deux hôpitaux en un temps record, et les chaînes s’étaient attelées à la production des masques, des combinaisons, des appareils respiratoires, de la même manière avait été organisée la distribution de la nourriture… Tout est devenu gratuit tou tà coup en matière de soin, ils ont même utilisé des robots pour livrer nourriture et médicaments aux contagieux… La cigale capitaliste s’était en un instant transformée en fourmi socialiste. cela a renforcé leur méfiance: on le savait bien que derrière le capitaliste engageant, il y avait l’organisation communiste, le chinois a tombé le masque…

Je dois dire qu’en voyant la vidéo dans laquelle les chinois expliquent l’usage des nouvelles technologie (on sent chez eux ce mélange irrésistible d’altruisme et de présentation du catalogue commercial, mais nous ce sont les invasions qui nous servent à exposer notre productions en matière d’armement), j’ai eu un moment de doute. C’est quand la cellule communiste du hameau envoie un drone auprès de jeunes abrutis qui se rassemblent dans un coin pour les inviter à se disperses. Je me suis demandé , vu mes relations avec la fédération des Bouches du Rhône si j’aimerais être surveillé par certains… même en cas d’épidémie… je ne t’ai rien dit mais ça m’a occupé une bonne heure, celle où j’essayais de ne pas mettre en ordre le dossier médical.

Tout bien réfléchi je préfère encore eux que les lettres anonymes du voisin d’extrême-droite ou les techniques de dispersions des flics de Castaner. mille fois… A ce propos j’ai appris que les policiers étaient la proie de l’épidémie parce que eux aussi avaient été envoyés “au contacts sans équipement adéquat, quelle folie, on aurait pu leur conserver leur tenue de gladiateur si seyante… je plaisante mais à peine, un univers sans police ne me parait pas plus rassurant, simplement j’aimerais à tout prendre qu’ils ressemblent à ma cellule de quartier,une police de proximité plutôt que la bande de malades qui s’est jeté sur n’importe qui et a même réussi à tuer une octogénaire qui fermait sa fenêtre à un quatrième étage…

Hier on a découvert deux choses en matière de “libertés” : premièrement que les mesures d’urgence décidées par le gouvernement se combinaient avec de nouvelles atteintes au code du travail à la demande du patronat à qui ce gouvernement ne saurait rien refuser et que “l’exception deviendrait la règle” .J’ai entendu cette référence à la dictature chinoise dans le contexte prendre un autre sens. En Chine c’était la dictature du prolétariat, c’était la dictature du coolie sur le marchand. On laissait la caravane aller faire du commerce mais on gardait les yeux fixés sur les droits du coolie… Et c’était ça qu’ à la tél, celle de BMTV, ils définissaient comme une dictature.

Il y avait plus mais pour t’expliquer ça il faudrait que je te raconte une autre pièce de Brecht Turandot ou le Congrès des blanchisseuses, demain peut-être parce qu’il faut que tu saches, aujourd’hui plus personne n’a de masques et surtout pas ceux qui devraient impérativement en porter, nous avons détruit les stocks. Mais nous en reparlerons…

Tu bailles à t’en décrocher la mâchoire en exhibant tes quenottes de vampire, pourtant tu as tort, parce que si je meurs je me demande qui voudra de toi, un rouquin banal et qui ne sert à rien.

Danielle Bleitrach

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1 Commentaire

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    ” Comme j’ai assez mal vécu le fait d’être l’ennemi intérieur dans ma petite enfance, j’en ai acquis une prévention légitime contre les gens qui pensaient en ces termes: les fascistes, les xénophobes.” Et de nos jours cette tendance à penser en ces termes a gagné aussi les écologiqstes ! maisntenant ils font la guerre à tous les espèces immigrées ! (comme si la moineaux, cavernicoles, les alouettes de nos steppes artificielles, les merles qui autrefois ne chantaient qu’au fond des forets n’étaient eux aussi des immigrés ! et d’ailleurs toute la faune européenne qui nous a peupé après e dégel de la glaciation, Et ils sont pires que Le Pen, ils sont comme Hitler qui voulait exterminer les tziganes et les juifs parce qu’ils n’étaient pas des bons ayens autochtones. Les autorités eécologistes mainant veulent la “Solution Finale” pour les perruches à collier, les ibis sacrés, les ouettes d’égypte, les bernaches du Canada, les tourterelles turques, simplement parce que ces immigrés sans papiers sont “pas dcheu nous” ! et qu’ils viennent “manger les vers de vase des français” !
    Comme quoi le mépris de principe de base de la morale, qui est existentiel, ça revient vite …. L’oubli des immigrations passées, le refus idéologique de l’étranger, ça se glisse partout. Et ce que Zygmut Bauman appelait “l’esprit de la modernité”, cette volonté techniciste, amorale et impavide de plier le réel à ses dogmes.

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