Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Le marxisme et l’émancipation des femmes: la dénonciation de la propriété privée généralisée.

Quand on veut se référer au marxisme et à cette question, il y a des tas d’écrits et d’actes surtout, d’Engels à Bebel, en passant par Clara zetkin, mais il existe d’autres textes plus méconnus comme le Marx de la Sainte Famille. Là encore, il arrive que l’on fasse référence au très beau texte dans lequel Marx parle du “genre”, mais très rarement dans la critique qu’il fait de l’hypocrisie bourgeoise, à savoir le roman d’Eugène Sue, les mystères de Paris, il revendique l’héritage de Fourrier. C’est celui des surréalistes et d’Aragon. Marx comme Engels ont mis en oeuvre cette nouvelle relation aux femmes y compris dans leur vie personnelle, même si Marx on le sait a eu un enfant de sa servante dont la paternité a été endossée par Engels., il a établi partout des relations de lutte et de collaboration intellectuelle avec toutes les femmes proches.

Ce qui me parait intéressant dans cette critique de la critique critique que représente Rodolphe, il dénonce l’hypocrisie des âmes nobles et la nécessité de mettre en évidence le rapport d’exploitation qui permet le viol, la stigmatisation des victimes, ce que ne font pas les belles âmes. Il ne s’agit pas seulement du patriarcat, catégorie générique et a-historique qui permet de confondre tous les hommes dans la dénonciation, il s’agit au contraire de comprendre comment hommes et femmes sont victimes de rapports sociaux d’exploitation qui poursuivent l’antique subordination mais lui donnent la forme concrète du salariat. C’est si vrai qu’y compris dans sa dimension sexuelle, la subordination par un viol de fait peut exister entre individus du même sexe. Le viol qui demeure encore dans l’immense majorité des cas affaire familiale a pris une nouvelle dimension qui doit être mise en lumière la prostitution généralisée du capital par l’élargissement de la propriété privée,la marchandisation.

Ce que Marx met en cause ce n’est pas seulement le salariat de la relation d’exploitation, mais bien le rapport généralisé de propriété privé du capital par lequel celui-ci à travers la marchandisation des êtres humains poursuit et pousse jusqu’à l’extrême de la mise à nu immorale, dénuée des rapports personnels d’amour, d’amitié, de foi, les relations de subordination du mode de production esclavagiste et féodal. Le mariage bourgeois, double prostitution dit-il font vertu, est lui même mis en cause. c’est la propriété privée généralisée. Et il affirme : « Dans le rapport avec la femme, proie et servante de la volupté commune, se trouve exprimée l ‘infinie dégradation où l’homme existe pour lui-même, car le secret de ce rapport a son expression non équivoque, décisive, révélée dévoilée dans le rapport de l’homme à la femme et dans la manière dont est saisi le rapport immédiat, naturellement générique. Le rapport immédiat, naturel, nécessaire, de l’être humain à l’être humain est le rapport de l’homme à la femme. »

Dans des temps, où on chasse l’individu qui devient la figure vivante du patriarcat, le bouc émissaire mais où ne sont pas remis en cause les relations de subordination et le rôle du capital dans cette oppression des femmes dont les hommes sont aussi les victimes , il faut peut-être relire Marx.

il en est de l’ordre patriarcal comme de la religion, le capital c’est celui qui à travers le rapport d’exploitation, la plus value, transforme les relations de propriété privée en propriété sur une marchandise, un objet. Le patriarcat dans l’esclavage ou la féodalité conserve une raison d’être, celui de la relation domestique, une division du travail. Mais quand le capital pousse la grande masse des femmes vers l’usine, puis vers d’autres formes de travaux où peuvent se construire des protections, c’est la fin des aspects “humains ” du patriarcat, un peu comme dans la religion, tout ce qui était sacré et paraissait naturel tombe et laisse voir la crudité et la brutalité de l’être humain devenu marchandise. Marx très justement voit dans le travail des femmes comme des enfants, leur pire exploitation mais aussi leur libération.

Donc ne pas voir ce qu’il est advenu du “patriarcat”, c’est jouer les belles âmes moralisatrices et prétendre juguler les désirs comme immoraux. Ce dont avec Fourrier Marx se moque en montrant comment le prince Rodolphe en crevant les yeux du maître d’école qui prostitue Fleur de Marie, cette image de la critique moralisatrice transforme cette force de la nature en hypocrite.

Ce qui me choque dans l’affaire Polanski, ce n’est pas la révolte des femmes contre leur prostitution exigée par le monde du cinéma, des médias etbien d’autres… Là je les suis à 100 %, c’est le côté ligue de vertu qui prétend castrer le désir, l’homme devenu coupable de sa sexualité, le bouc émissaire d’une hypocrisie généralisée, et Polanski devenu tout à coup le violeur universel y compris de femmes qui en accusent d’autres… La rumeur, les scènes de chasse en Bavière qui déshonorent. L’animatrice qui a reçu 130.000 euros qui dénonce “le nain”, et comble de caricature le nain est juif, dans un film sur l’affaire Dreyfus toutes les protestations sont suspectes. Tout cela sent le carnaval où on autorise les esclaves à jouer les maîtres pour mieux montrer leur incapacité à l’être. Je hais ce lynchage organisé avec tous les appareils idéologiques de la bourgeoisie comme ce qu’il présuppose de haine du désir humain. (note de Danielle Bleitrach)

Vie terrestre et transfiguration de la critique critique », ou la critique critique personnifiée par Rodolphe, prince de Gerolstein

par Karl MARX.


VI : Révélation du mystère de l’émancipation de la femme, ou Louise Morel [1] .

À l’occasion de l’arrestation de Louise Morel, Rodolphe se livre à des réflexions qui se résument en ceci :

« Le maître débauche souvent la servante par la terreur, la surprise ou en mettant à profit des occasions créées par la nature même du rapport de domesticité. Il la plonge dans le malheur, la honte, le crime. Mais la loi veut ignorer tout cela… Le criminel qui a, en fait, poussé la jeune fille à l’infanticide, lui, on ne le punit pas. »

Dans ses réflexions, Rodolphe ne va même pas jusqu’à soumettre le rapport de domesticité lui-même à son auguste critique. Petit prince, il est grand protecteur de la domesticité. Encore moins pousse-t-il sa réflexion jusqu’à comprendre l’inhumanité de la condition universelle de la femme dans la société actuelle. Totalement fidèle à la théorie qu’il a déjà exposée, il regrette simplement l’absence d’une loi qui punisse le séducteur et allie le repentir et l’expiation à de terribles châtiments.

Rodolphe n’aurait qu’à étudier la législation en vigueur dans d’autres pays. La législation anglaise comble tous ses désirs. Dans sa délicatesse, dont Blackstone [2] fait le plus grand éloge, elle va jusqu’à déclarer coupable de félonie quiconque séduit une fille de joie.

M. Szeliga fait retentir ses fanfares :

« Voilà !.. pensez donc !.. Rodolphe !.. Comparez donc ces idées à vos fantasmes sur l’émancipation de la femme. Le fait de cette émancipation, on peut presque le toucher du doigt ici, tandis que vous êtes, de nature, bien trop pratiques et connaissez par suite tant d’échecs dans vos simples tentatives. »
Nous devons, en tout cas, à M. Szeliga la révélation de ce mystère qu’un fait peut presque être touché du doigt dans des idées. Quant à sa plaisante façon de comparer Rodolphe aux hommes qui ont enseigné l’émancipation de la femme, on n’a qu’à comparer les idées de Rodolphe avec ces fantasmes de Fourier par exemple :
« L’adultère, la séduction font honneur aux séducteurs et sont de bon ton… Mais, pauvre jeune fille ! l’infanticide, quel crime ! Si elle tient à son honneur, il faut qu’elle fasse disparaître les traces du déshonneur; et si elle sacrifie son enfant aux préjugés du monde, elle est déshonorée davantage encore et tombe sous les préjugés de la loi… Tel est le cercle vicieux que décrit tout mécanisme civilisé. »
« La jeune fille n’est-elle pas une marchandise exposée à qui veut en négocier l’acquisition et la propriété exclusive ? De même qu’en grammaire deux négations valent une affirmation, l’on peut dire qu’en négoce conjugal deux prostitutions valent une vertu[3]. »
« Le changement d’une époque historique se laisse toujours déterminer en fonction du progrès des femmes vers la liberté parce que c’est ici, dans le rapport de la femme avec l’homme, du faible avec le fort qu’apparaît de la façon la plus évidente la victoire de la nature humaine sur la brutalité. Le degré de l’émancipation féminine est la mesure naturelle du degré de l’émancipation générale. »
« L’avilissement du sexe féminin est un trait essentiel à la fois de la civilisation et de la barbarie, avec cette seule différence que l’ordre civilisé élève chacun des vices que la barbarie pratique en mode simple, à un mode d’existence composé, à double sens, ambigu et hypocrite… Personne n’est plus profondément puni que l’homme du fait que la femme est maintenue dans l’esclavage [4]. » (Fourier).

Il est superflu, devant les idées de Rodolphe, de renvoyer à la caractéristique magistrale que Fourier nous a donnée du mariage, ainsi qu’aux écrits de la fraction matérialiste du communisme français. [5]

Les plus tristes déchets de la littérature socialiste, tels que nous les rencontrons chez le romancier, révèlent encore et toujours à la Critique critique des « mystères » inconnus.


Notes

[1] Louise Morel, personnage des Mystères de Paris. Fille de l’artisan Morel, contrainte par la misère à se placer chez le notaire Jacques Ferrand, celui-ci la viole pendant son sommeil. Elle sera emprisonnée pour infanticide (II° partie, ch. IX).

[2] BLACKSTONE sir William (1723-1780) : juriste et parlementaire anglais. Défenseur de l’ordre constitutionnel.

[3] La phrase est en français dans le texte depuis « De même qu’en grammaire… » Le reste de la citation est en allemand.

[4] Marx cite ici des extraits de Charles Fourier dont il avait sans doute lu la Théorie des quatre mouvements et des destinées générales, I° édition 1808. Le nouveau monde industriel et sociétaire, I° édition 1829. Théorie de l’unité universelle, 1822. Certaines de ces citations sont reprises par Engels, dans l’Anti-Dühring, p. 299. Le début de la première citation est extrait de la Théorie des quatre mouvements, 2e éd., 1841, p. 192.

[5] Phrase citée et soulignée par LÉNINE : Cahiers philosophiques, Œuvres complètes, p. 37.

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