Un déluge idéologique repeint en vert s’infiltre par tous les pores du vieux système capitaliste mondial complétement vermoulu, du « capitalisme vert » à droite jusqu’à la « décroissance » et à « l’austérité heureuse » à gauche. Une évidence : ce paradigme s’offre comme une « troisième voie » contre le communisme pour les masses de moins en moins soumises au système en place. Pour déjouer cette stratégie, il serait utile aux jeunes communistes d’explorer ou de réévaluer leur héritage, en particulier du côté de l’Union Soviétique, cette incontestable boussole idéologique qui permit même au-delà de ses frontières bien des conquêtes durant vingtième siècle jusqu’à son effondrement en 1991.
En 1989, une petite brochure* comme l’URSS en produisait tant à l’époque, exposait les principaux engagements de l’Union en matière d’écologie. C’était l’époque où le terme écologie désignait encore une « science » et non un courant politique ; science des rapports de l’homme avec le reste de la biosphère et les autres enveloppes terrestres, dans le sillage du premier « écologiste » au sens propre, du véritable pionnier en la matière : Vladimir Vernadski (soviétique et « héros de la science » en URSS).
La brochure rappelle : « Le savant russe Vladimir Vernadski (1863 – 1945) a été au début du vingtième siècle le premier à se pencher sur les problèmes d’optimisation des rapports entre la société et la nature. C’est pour beaucoup sous l’effet de sa doctrine que s’est amorcé le passage de l’idée de domination absolue de l’homme sur la nature à celle de rapports entre eux comme des partenaires égaux en droit. Vernadski utilisait le terme de Noosphère (du grec Noos, la raison), introduit dans le langage scientifique par les chercheurs français Pierre Teilhard de Chardin et Edouard Le Roy. Selon ces derniers la noosphère est une enveloppe idéale, « douée de raison », dont la formation est liée à l’apparition et au développement de l’humanité. Vernadski donna au terme un contenu matérialiste : La noosphère est la biosphère de l’avenir, une biosphère qui, sous l’effet des activités transformatrices de l’homme, a atteint une nouvelle phase, la phase suprême de son évolution. Selon Vernadski, la notion de noosphère souligne la nécessité d’organiser raisonnablement (c’est-à-dire d’une manière conforme aux besoins de l’humanité en pleine évolution) les rapports entre la société et la nature, par opposition aux attitudes spontanées ou rapaces, responsables de la dégradation de l’environnement. »
C’est dans ce cadre que s’inscrit finalement toute la pensée écologique soviétique depuis les années vingt : L’homme provient de la nature et ne s’y oppose que dialectiquement. Il ne saurait être question de « stopper » de façon idéaliste une évolution, en particulier celle de l’homme (dont c’est la caractéristique première d’évoluer et de transformer la nature). Dès lors trouver les voies et moyens d’atteindre une certaine « harmonie » entre l’homme et la nature ne sont pas spontanées, ne viennent pas d’une volonté de ramener l’homme aux « lois naturelles » (desquelles il s’est si difficilement libéré en transformant la nature précisément) : Tout comme la destruction de l’environnement fut l’œuvre de l’homme dans une phase précoce de son évolution, la restauration d’un « équilibre », d’une « harmonie » durable entre l’homme et la nature sera bien un travail, une immense entreprise humaine, c’est-à-dire « non naturelle » au sens où l’entendent les écologistes d’aujourd’hui.
En effet l’homme ne peut stopper sa propre évolution sans se nier lui-même (l’homme n’a pas ou n’a plus d’habitat naturel, de niche écologique, où il devrait se réfugier pour restaurer cet équilibre fantasmé), et la nature elle-même évolue sans cesse, détruit des espèces comme elle en crée d’autres. Les campagnes de reforestation massive que développe aujourd’hui l’Etat chinois, et qui font littéralement « reverdir » la planète en valeur absolue malgré les millions d’hectares partant en fumée ailleurs dans le monde, sont bien une transformation de la nature contre la désertification. Et d’une certaine manière, pour les puristes de la décroissance, c’est une « profanation » de l’écosystème naturel caractérisant le grand désert de Gobi (qui n’est pas l’œuvre de l’homme !).
Dans la brochure citée, un passage est particulièrement éloquent sur cette fausse opposition actuelle entre décroissance et « productivisme » vert : « Certains experts, surtout dans les pays occidentaux, estiment qu’il faut tout bonnement arrêter le développement de l’industrie, le « geler » jusqu’à des « temps meilleurs », tant que les scientifiques n’auront pas appris à résoudre les problèmes écologiques qui se posent à eux aujourd’hui. Un terme est apparu, qui désigne cette prise de position : « la croissance économique zéro ». Cependant le caractère peu réaliste d’une telle approche saute aux yeux, car aucune évolution ne s’arrête à mi-chemin.
Un autre point de vue consiste à accorder la primauté au principe de régulation spontanée omniprésente des rapports entre la société et la nature. Selon cette conception, un niveau de développement plus élevé (qui est assuré par une croissance économique accélérée) offre à la société la possibilité de mener à bien les problèmes écologiques qui se posent à elle.
La vie même se charge de réfuter ces théories telles quelles. La première est inacceptable pour la raison que la plus grande partie de l’humanité n’a pas encore atteint, du point de vue des notions communément admises et scientifiquement argumentées, un niveau de vie pouvant être considéré comme raisonnable et indispensable. Dans ce contexte, contraindre de nombreux pays et régions à renoncer à toute croissance économique est une chose aussi impossible qu’injuste.
La seconde théorie s’inscrit en faux contre des faits bien connus : les cataclysmes écologiques de grande envergure qui sont survenus ou se profilent à l’horizon dans de nombreuses régions de notre planète. Au regard des bénéfices tirés des activités polluantes, il revient très cher e remédie à leurs conséquences ou de prévenir leurs causes.
Les conséquences écologiques fâcheuses ne sont pas, loin de là, un aboutissement fatal à l’évolution sociale, du progrès scientifique et technique. Leur apparition est due, dans certains cas, à des erreurs tactiques dans l’exploitation des ressources naturelles et dans d’autres, à l’insuffisance des moyens de les prévenir. »
D’un côté l’insuffisance de richesses (dans les pays du sud aujourd’hui criminalisés par les écologistes occidentaux pour cause de développement industriel), de l’autre des erreurs tactiques internes à la quête de profit maximum quelque soit son cout humain et environnemental (capitalisme) : Voilà l’analyse des soviétiques qui désignent à la racine des catastrophes écologiques le seul système de production, et jamais « la science » profanatrice de la nature. Au contraire la solution à ces erreurs tactiques n’est autre que la science elle-même. Telle est la position juste, dialectique, qu’il faut avoir vis-à-vis des questions écologiques d’aujourd’hui. On peut dire qu’elle est posée ainsi par les soviétiques à la veille de l’effondrement de l’URSS, comme une vision d’avant-garde, à une époque où nul, ni à l’Est ni à l’Ouest, n’avait encore recours au problème désormais majeur du réchauffement climatique pour concentrer la pertinence de cette cause.
Les auteurs assortissent cette position matérialiste d’une autocritique salutaire concernant l’histoire de l’URSS post-khrouchtchévienne : « En URSS la croissance économique accélérée des années 50 et 60 était basée sur la mise en valeur sur une échelle toujours plus large des ressources naturelles, peu coûteuses à l’époque. Cela concernait les ressources aussi non renouvelables (pétrole, métaux, matières premières de l’industrie chimique) que renouvelables (eaux, sols, forêts). Cependant, la croissance rapide de la production industrielle et agricole entraîna l’épuisement des gisements les plus riches, la baisse de fertilité, une salinité élevée et l’érosion des sols, la pollution de certains lacs et cours d’eau, la pollution de l’air. Une dégradation de l’environnement s’ensuivit. »
Ce type d’autocritique reflète sans doute les engagements qu’a pris l’Union en 1977 à l’occasion de l’adoption de sa nouvelle Constitution. On y retrouve rétrospectivement des positions réellement d’avant-garde, puisqu’inscrites au plus haut niveau du Droit :
« Art 67 : Les citoyens de l’URSS sont tenus de protéger la nature et de préserver ses richesses.
Art 12 : Les kolkhozes, comme les autres exploitants, sont tenus d’utiliser efficacement la terre, d’en prendre soin et d’en augmenter la fertilité.
Art. 18 : (…) Dans l’intérêt des générations actuelles et futures, les mesures nécessaires sont prises pour protéger et exploiter de façon scientifique et rationnelle le sol et le sous-sol, les eaux, la faune et la flore, pour assurer la pureté de l’air et de l’eau, le renouvellement des richesses naturelles et pour l’amélioration de l’environnement.
Art. 42 : Les citoyens de l’URSS ont droit à la protection de la santé. Ce droit est garanti (…) par des mesures d’assainissement de l’environnement.
Art. 147 : Dans les limites de leurs pouvoirs, les soviets locaux des députés du peuple assurent le développement économique et social global sur leur territoire, contrôlent le respect de la législation par les entreprises, administrations et organisations se trouvant sur ce territoire et subordonnées aux instances supérieures, coordonnent et contrôlent leur activité en ce qui concerne la jouissance de la terre, la protection de l’environnement, la construction, l’utilisation des ressources en main d’œuvre, la production des biens de consommation, les services sociaux, culturels, courants et autres dont bénéficie la population. »
La seule notion de protection de l’environnement ne fit son entrée dans la Constitution française sous la forme d’un complément (une charte) … que trente ans plus tard en 2005. Quinze ans plus tard, ses engagements sera d’ailleurs fortement « modéré » dans leur caractère « obligatoire » puisqu’on passa de « La République agit pour la préservation de l’environnement et de la diversité biologique et contre les changements climatiques », à « la République favorise toutes les actions en faveur du climat et de la biodiversité »…
* ECOLOGIE, A. Arbatov, S. Bogolioubov, L. Sobolev. Edition de l’agence de presse Novosti, Moscou. 1989.
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IMBERT OLIVIER
dit ainsi à cette époque me va très bien mais donc au ministère de la santé publique et pas sur les dégâts en terme de progrès social et économique du plus grand nombre du progrès scientifique et technique. Disons du droit d’être plaignant à propos de l’impéritie des services publics sur notre environnement en terme d’espèce plus ou moins observés, et d’exiger des savants et de l’Etat comme du parti la mise à disposition de tous de ne pas faire des absurdités en terme de morts et du caractère fini de nos mondes ambiant dont nous ne sommes pas le seul milieu, l’emportant sur la vie elle même non éternelle quoique richement infini…