Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

“A communist asshole”, Sean Penn, ne soutient pas Ahmadinejad tout en s’opposant à la guerre contre l’Iran

Voici un texte que j’écrivais en 2011, et en 2020, alors que nous assistons à la fois à une attaque impérialiste contre l’Iran, un vote de réflexe national autour des mollahs qui représentent la résistance mais aussi l’obscurantisme, comme Ahmadinejad qui appartenait à une secte apocalyptique, je continuerai à me battre contre toute invasion de l’Iran. Je continuerai à lutter pour le peuple haïtien martyre, contre tous les racismes et antisémitismes, mais je voudrais dire que certains qui de fait rallient les rangs de l’extrême-droite antisémite, les Soral, les Dieudonné et même les Pascal Boniface, nuisent à cette cause à laquelle je suis attachée. Sean Penn a pris ses distances, il n’a pas pu supporter l’antisémitisme des gens qu’il avait rejoint. Ce que toutes les insultes, les répressions, les listes noires ne peuvent pas accomplir sur des juifs de notre espèce, la complaisance à l’antisémitisme le crée et isole au lieu de rassembler. Puissiez-vous comprendre ce que je vous dis.

la grande différence entre l’appartenance à une religion ou l’appartenance à un peuple, c’est qu’une religion vous la choisissez, vous pouvez y renoncer, vous pouvez l’exercer sous une forme bigote, radicale ou au contraire humaine… Mais être juif on n’y renonce pas, le voudriez-vous qu’un antisémite vous force à l’être, parce qu’être juif c’est simplement se vivre comme le descendant de gens obstinés qui ont préféré toutes les répressions à la négation de leur filiation, même s’ils ne croyaient pas en dieu, s’ils fuyaient la synagogue, comme Spinoza ils ne se convertissaient pas, ils acceptaient cette expérience et ils tentaient de la tourner en compréhension de l’universelle émancipation… ils me font rire ceux qui nient le fait qu’être juif c’est appartenir à un peuple, pas à une nation, non à un peuple, c’est-à-dire quelque chose qui s’est construit historiquement… Si vous êtes juif, vous pouvez être athée, fils de converti comme Marx, si on se souvient que vous avez ne serait-ce qu’un grand parent juif, vous avez droit à ces ignominies… Qu’est-ce que vous en faites, vous devenez vous-même raciste, ou au contraire cela vous donne de la force, une manière de lutter.
Ce n’est pas en tant que personnes ayant une appartenance religieuse, non c’était comme les tziganes, les slaves, que les nazis ont envoyé 18 membres de ma famille en camp de concentration, puis à la mort, une seule est revenue… c’est parce qu’ils étaient de “la vermine” dont il fallait purger la terre des sous-êtres dont on décrivait les caractéristiques physiques et qui sont reproduites ici telles que les nazis les définissaient, gros nez, lèvres lippues, qui peut échapper à cela… et c’est avec non pas un choix mais cette chose-là que vous défendez… ce que vous dites me répugne… me révulse et j’ai peur de ce que vous représentez… pire encore vous provoquez l’envie de se réfugier dans un lieu à vous où on vous fichera la paix et dont il faudra à votre tour chasser les autres… vous êtes par votre “tolérance” celui qui fabrique l’extrême-droite en Israël ou du moins rassemble autour d’elle un maximum de juifs apeurés et fait leur malheur comme celui du peuple palestinien.
En ce qui me concerne j’ai toujours combattu avec la même force ceux qui attaquaient les arabes, les basanés, les africains, les asiatiques et je n’ai jamais confondu ce combat contre le racisme avec celui qui met en cause la laïcité. Vous vous ne savez plus où vous êtes, où vous habitez… d’ailleurs il y a désormais dans les rangs des communistes des gens qui haïssent les soviétiques, l’URSS qui nous a délivrés, mais aussi les Chinois et ce qu’ils en disent sous couvert de dénonciation de la dictature est du racisme pur et simple… (note de Danielle Bleitrach le 24 février 2020)

Récemment une starlette provocatrice proche de l’extrême-droite vénézuélienne s’est vantée d’avoir interpellé Sean Penn à l’aéroport en l’accusant de soutenir le dictateur Hugo Chavez et (le président iranien) Ahmadinejad. Stupéfait Sean Penn n’a pu s’empêcher de lui répondre qu’il ne soutenait pas Ahmadinejad, tandis que l’actrice élégamment le traitait de communist asshole, ce qui veut dire “trou du cul de communiste”.

Cette anecdote n’aurait pas grand intérêt et je me garderai bien d’accorder à la dite starlette la publicité qu’elle cherchait en répétant son nom, si elle ne témoignait de la répulsion que peut inspirer Ahmadinejad aux soutiens les plus résolus des révolutionnaires d’Amérique latine. Sean Penn, le rebelle par excellence, est comme beaucoup de radicaux nord-américains doublement marqué par à la fois des origines juives (paternelles, son père est un lituanien juif immigré et sa mère est une catholique irlandaise) mais surtout parce qu’il est totalement laïc par la répression mac carthiste dont son père fut victime. Le fait d’être un juif totalement laïc et soupçonné de sympathies pour les bolcheviques a marqué beaucoup de victimes du maccarthisme (sur les 10 d’Hollywood la moitié étaient juifs) et malgré les diverses tentatives des dirigeants israéliens d’influencer la communauté juive nord-américaine celle-ci est restée démocrate, voire à gauche des démocrates.

Parmi les soutiens actuels de Cuba et du Venezuela, il y a beaucoup de gens qui ont ce profil. En outre, il existe désormais aux Etats-Unis un fort courant juif qui proteste contre la politique d’Israël à l’égard des Palestiniens et qui dénonce la manière dont l’État d’Israël est soumis à l’extrême-droite et au fondamentalisme religieux. L’existence d’un tel courant est une chance pour la paix et la justice que nul ne doit négliger. Au-delà des courants, il existe des personnalités qui ont un sens de l’absolu et de l’universel humain tel qu’ils sont prêts à affronter tous les stéréotypes dans lesquels on prétend les enfermer, Sean Penn en fait partie.

Il faut bien mesurer que le refus de Sean Penn d’appuyer Ahmadinejad est tout à fait caractéristique de ce type de personnalité. Si reste essentielle la lutte contre le bellicisme des Etats-Unis, la dénonciation des opérations de l’OTAN sous le fallacieux prétexte d’en finir avec des dictatures, il n’en demeure pas moins que quiconque a été marqué par l’idéal communiste a fortiori s’il a plus ou moins des ascendances juives ne peut pousser sa volonté de dénoncer le bellicisme impérialiste jusqu’à soutenir un pouvoir d’essence fasciste comme celui du dirigeant iranien.

On sait à quel point Sean Penn s’est engagé aux côtés du Venezuela et de Cuba en particulier dans sa volonté d’aider le peuple haïtien. Sean Penn n’est pas un people, son engagement n’a rien de superficiel, il a un certain nombre de procès sur le dos en particulier pour voyages illégaux à Cuba. Il a tout sacrifié pour Haïti où il réside désormais en permanence, son couple et la moitié de ses revenus. Il fait partie de ses gens qui iront jusqu’au bout et ce qu’il soutient à Cuba comme au Venezuela est bien résumé par son action à Haïti, il l’a déclaré récemment : «Il faut l’admettre, je suis quelqu’un qui se sent assez isolé du reste du monde, ni jamais compris par quiconque». Pourtant, Sean Penn ne pensait pas s’installer en Haïti. A son arrivée sur l’île, l’armée lui avait dit: «Vous pouvez rester si vous êtes efficace. Si vous arrêtez d’être efficace, on vous vire.» Efficace, Sean Penn l’a été jusqu’à diriger un camp. Il a ainsi gagné le respect des ONG et des soldats sur place, qui pensaient avoir affaire à encore une célébrité venue pour la communication. Son association, J/P HRO, est l’une des plus connues sur place. En un an, sa vie a changé du tout au tout. Il vit maintenant à Pétionville parmi 55 000 réfugiés dans un camp qu’il dirige, seul avec ses regrets. Le plus grand? Celui de «ne pas être capable d’élever [mon] fils dans une famille unie durant sa scolarité au lycée», avoue-t-il amèrement. Oui un tel homme est profondément lié à la Révolution cubaine, au travail accompli par le Venezuela. Je ne sais pas si c’est un “trou du cul de communiste” mais c’est comme ça que personnellement je vois un communiste… C’est le contraire d’un fasciste parce que le monde est son horizon et parce que ce qui compte est de soulager la misère, il faut changer parce qu’un tel niveau de destruction des hommes et de leur planète est insupportable pas parce que je suis participant à un complot contre d’autres comploteurs..

Et si on se souvient de Sean Penn allant dans l’Irak de Saddam Hussein pour manifester son opposition à l’intervention nord-américaine, si on le revoit aller apporter son soutien au Caire au printemps arabe, déjà il refuse de soutenir Khadafi et se rend au début de la révolte de Benghazi sur le terrain. Je crois qu’il faut bien mesurer cette évolution qui pour la première fois marque une distance avec les choix de Chavez sans pour autant dénoncer son soutien au Venezuela. Certes dès le début personnellement j’ai vu la manière dont se préparait en Libye l’intervention de l’OTAN et ce qui en résulterait mais j’ai refusé de faire de Khadafi le Che Guevara de la Libye. Nous sommes entrés dans un processus très complexe avec des alliances à géométrie variable et dans lequel le manichéisme des deux camps n’est plus de mise. Ce qui doit nous guider ce sont les peuples, le droit international à défaut de mieux.

Et le réflexe de Sean Penn me paraît sain même s’il peut être l’occasion de manipulations comme en a témoigné l’affaire libyenne, il faut faire face aux manœuvres de l’OTAN et de l’impérialisme par une analyse politique pas en inventant des héros qui n’en sont pas…

Sean Penn ne peut qu’éprouver un haut le cœur à l’idée de s’engager aux côtés du sulfureux Ahmadinejad dont les liens partout dans le monde avec des néo-nazis antisémites sont avérés. La France étant un des terrains parmi d’autres de ce type d’intervention en appui des racistes et de l’extrême-droite.  Si le principe du respect de la souveraineté des peuples et le refus des invasions ou des embargos dont souffrent les peuples doit être une constante, il est difficile d’aller jusqu’à cautionner tortures, répression systématique de l’opposition, sexisme, homophobie et antisémitisme devenus idéologie d’Etat. Il arrive même un moment où les liens trop marqués entre de vrais révolutionnaires et ces fascistes finissent par être un handicap dans le soutien que l’on peut apporter aux dits révolutionnaires, l’envie de s’engager à leurs côtés en est certainement inconsciemment freiné. Nous sommes décidément dans une période historique où il faut revendiquer la complexité et tenter à chaque moment de dégager une ligne politique d’un maquis de contradictions dans un grand sentiment de solitude.

La crise présente la particularité de toucher pour la première fois le cœur de l’impérialisme qu’il s’agisse des Etats-Unis ou de l’Europe confrontés à une radicalisation de l’extrême-droite dans ce qui se présentait jusqu’ici comme le modèle de la démocratie. Il y a le contexte de destruction des organisations ouvrières et progressistes, une absence dramatique de perspective politique qui tranche avec la situation en Amérique latine et enfin la crise de la représentativité issue de la Révolution nord-américaine et de la Révolution française. Le tout combiné avec ce qui apparaît de plus en plus comme la chute des empires occidentaux.

Alors même qu’apparaît de plus en plus le caractère fictif d’une démocratie qui spolie 99% des citoyens pour le seul bénéfice des 1%, que des guerres sont imposées par le complexe industrialo-militaire, des guerres qui manifestent l’échec et la perte d’hégémonie, alors qu’en Europe les gouvernements paraissent de moins en moins avoir un pouvoir lié aux élections et de plus en plus être le produit d’une bureaucratie impérialiste, celle des grands monopoles financiarisés, le recours au fascisme pour tenir les peuples, dévoyer leur colère ne relève plus du fantasme.

Donc pour revenir à mon sujet, celui de l’évolution de la prise de conscience des révolutionnaires, va peut-être monter la lucidité de devoir agir sur un double front. Pour le moment faute d’une telle conscience, il y a beaucoup de gâchis et de perte de forces.

Il nous faudrait plus que jamais dénoncer l’impérialisme, son bellicisme, la manière dont il engendre chômage, inégalités, la paupérisation et la précarisation des populations et à ce titre dénoncer par exemple l’intervention en Iran demeure plus que jamais une nécessité. Une intervention militaire mais aussi un embargo que rien ne justifie, qui frappe la grande masse de la population et n’atteint pas au contraire le régime. Ce que démontrent tous les embargos est que la patience d’un peuple attaqué de l’étranger peut être infinie et que le patriotisme bénéficie à ceux que l’on prétend faire chasser par la colère des peuples asphyxies économiquement. Nul ne peut ignorer cela et  donc il s’agit de transformer l’embargo en acceptation internationale de l’intervention (1). Les sanctions que l’on veut élargir contre l’Iran sans aucune justification de droit ne sont que préparation à une intervention militaire qui peut avoir des conséquences incalculables sur l’avenir de l’humanité. Donc il est absolument essentiel de se mobiliser contre ce viol du droit qui nous mène vers un terrible inconnu.

Pourtant, il faudrait aussi comprendre que  l’inertie de la population française et d’autres en Europe face à cette menace est liée à l’absence de perspective politique obscurcie par l’avancée des idées d’extrême-droite. D’abord bien sûr tous les discours sur les dangers de l’islam, la manière dont l’Europe en crise serait une forteresse assiégée par des hordes d’immigrés se pressant aux frontières mais aussi cela va ensemble l’ennemi intérieur, le délinquant des banlieues et le banquier juif, personnages fictifs mais commodes pour entraîner l’acceptation des peuples à leur propre servitude.

C’est pourquoi qu’il s’agisse de la lutte anti-impérialiste ou du développement de mouvements revendicatifs refusant austérité et exploitation on ne peut pas négliger ce qui est en train de surgir ou plutôt de ressurgir en Europe en particulier, la montée de l’extrême-droite, la recherche des boucs émissaires, tziganes, musulmans, immigrés et juifs. On ne peut pas à ce titre cautionner un pouvoir fasciste qui non content de développer chez lui cette fascisation des esprits tente de les soutenir et de les financer chez nous. Donc je crois qu’il faut avoir la lucidité de s’opposer à l’intervention en Iran et partout ailleurs dans le monde sans pour autant favoriser si peu que ce soit l’adhésion à des dictatures fascisantes.

C’est pour marquer ce moment de prise de conscience que je suis partie d’une anecdote du retrait de Sean Penn et de sa réaction spontanée que pour ma part j’approuve totalement.

Danielle Bleitrach

(1) c’est parce que les Cubains ont perçu cela qu’ils se livrent toutes les années à cet acte apparemment inutile et jamais suivi d’effets concrets de faire condamner le blocus dont ils sont victimes.

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