Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Shirin Ebadi l’Iranienne et la place des femmes dans les révolutions arabes

Il n’y sans doute pas d’illusion à se faire sur l’utilisation qui est faite par l’occident de ce discours de l’avocate iranienne et prix Nobel de la Paix en 2003, ni même qu’elle ait reçu ce prix Nobel après que celui-ci ait été accordé “à titre préventif” à Obama. Il s’agit d’une des multiples utilisation des droits de la femme par le belliciste occident; désormais, il accompagne l’agression contre les peuples de son tamtam comme jadis la dénonciation de la burka afghane a été un des éléments de la propagande d’invasion de ce pays. J’ai repris le titre “la place des femmes dans le monde arabe”, il prouve pourtant l’ignorance, la méconnaissance de ce monde puisque est arabe là où l’on parler arabe (langue sémite) et en Iran on parle persan (racine indo-européenne comme le français), en fait ce qui est visé, l’unité créé est le monde musulman, la manière dont depuis des années il a été maintenu par l’intervention occidentale dans des structures archaïques, des tyrannies pour mieux en exploiter les ressources, les femmes ont fait les frais de ces archaïsmes, de ces tyrannies. Et Shirin Ebadi a raison de dire que les femmes doivent participer à la Révolution, mais le faire aussi avec leurs revendications. Comment leur donner la possibilité d’être celles de toutes et pas d’un petit groupe déjà déterminé? Comment ne pas être utilisées ? L’intervention occidentale ne vise qu’à maintenir sous d’autres formes ce même statu quo. La référence à la démocratie, au droit des femmes n’est pour eux que ce proverbe “changement de cage, réjouissance d’oiseaux”. la solution n’est donc pas de nier ces aspirations mais d’empêcher qu’elles soient trahies une fois de plus. Voici ce que j’écrivais en novembre 2011 dans l’ancien blog.

L’ovation debout qui a salué son discours  au Women’s Forum à Deauville fait partie de ces indignes manipulations du combat pour l’égalité. Le discours, les applaudissements vertueux, n’ont qu’un temps celui de la préparation de l’assaut et une dégradation terrible de la condition féminine suit l’invasion. La majorité des femmes qui vivent désormais dans le peur des attentats, dans la violence ordinaire pour elles et pour leurs enfants. Quelle amélioration de la condition féminine peut-on escompter d’un monde déchiré par le sous développement et la guerre? Quelques intellectuel(le)s pourront dans les valises occidentales en retirer de menus profits internationaux mais l’ensemble des femmes en souffrira, et les vrais intellectuels ceux qui ne renoncent jamais à leur peuple en seront également meurtris.

C’est exactement la position de Judith Butler quand elle refuse à Berlin le prix que veut lui remettre la gay pride. Elle dénonce la manière dont dans son immense majorité le mouvement de défense des homosexuels est devenu le fer de lance du bellicisme occidental et rien ne la détournera de la dénonciation de ce bellicisme.

Ca a toujours été ma position et je n’en change pas,  j’ai dénoncé en son temps le prétexte de la burqa, spontanément quand je vois le film Persepolis je pense qu’il parle de ces couches aisées qui revendiquent un mode de vie à l’occidentale et qui ne supportent ni l’enfermement auquel l’occident condamne leur pays, ni la baisse de leur niveau de vie auquel les condamne cette agression. Mais je sais aussi qu’ils reflètent une volonté de liberté et le refus de la corruption des dirigeants autant que le sort que réserve aux plus misérables la répression policière, l’usage de la torture. C’est cela que disent les manifestants égyptiens: ceux qui croupissent dans les prisons sont d’abord les pauvres sans défense. Donc ce combat pour la liberté est un véritable combat démocratique, celui des femmes en fait partie mais elles seules savent ce qui leur est insupportable et il faut pour aider les femmes iraniennes d’abord empêcher l’attaque de leur pays.

 Chirine Ebadi dit des choses justes comme tant de cinéastes iraniens réprimés pour avoir osé défendre les mêmes valeurs. Chririne Ebadi n’est pas seulement un prétexte, elle est une femme qui va dans les prisons iraniennes et dit la tyrannie bien réelle. Elle dit une chose juste: les femmes doivent dire ce qu’elles veulent.   Nous pourrions nous femmes en France avoir à coeur de retenir cette exigence, il faut construire ce que nous voulons pour que tout change réellement. Allons-nous encore longtemps nous situer seulement par rapport aux cancans médiatiques, dans ce marais putride où on ne tolère que ce qui conforte le système et rien qui le bouleverse, le révolutionne. Aurons nous le courage d’avancer de véritables revendications qui améliorent la condition féminine et qui portent aussi sur les problèmes terribles qui sont ceux des sociétés occidentales.?  Allons-nous dénoncer la manière dont nos dirigeants entendent entraîner tous et toutes vers une formidable régression? Pour avoir pointé cela  Chirine Ebadi ouvre un dialogue qui mérite notre respect même si la standing ovation qui la salue à Deauville est plus que suspecte.

Fini le temps des deux camps, nous sommes dans un monde infiniment plus complexe où s’il faut ne jamais oublier le danger principal, celui qui est le plus dangereux pour l’humanité et particulièrement les exploités, les fragiles, les dépossédés mais on ne peut pas demander aux victimes d’attendre la résolution de cette contradiction principale parce que leur combat fait partie de la solution.

Donc notre combat à nous femmes françaises est de nous battre pour la paix, interdire si nous le pouvons la volonté de guerre de notre pays. Et nous devons ne rien sacrifier à ce combat surtout pas celui des femmes qui dans le monde arabe se battent pour l’égalité, simplement ce combat admirable est le leur, le notre est de créer les conditions qui le rendent plus facile, la paix et le développement.

Danielle Bleitrach

A l’issue d’un débat sur le printemps arabe dans lequel intervenaient des femmes tunisienne, égyptienne et yéménite, l’avocate iranienne Chirine Ebadi, prix Nobel de la Paix 2003, s’est exprimée vendredi 14 octobre au matin devant les participants du Women’s Forum,Deauville . Une ovation debout a salué son discours sur la place des femmes dans les révolutions arabes .

“Dans tous les pays musulmans où il y a eu une révolution, la même erreur a été commise, la même qu’en Iran en 1979: nous sommes descendues dans la rue pour dire ce que nous ne voulions pas, nous n’avons jamais dit ce que nous voulions. Est-ce que quelqu’un a dit: ‘nous voulons la fin de la polygamie, le droit au divorce, et être enfin considérées comme des êtres humains?’ C’est patent en Egypte. Les femmes qui manifestent place Tahrir n’hésitent pas à mettre de côté leur propre droit. Mais lorsqu’elles se font arrêter, la police pratique sur elles des tests de virginité, comme s’ils voulaient démontrer que celles qui s’opposent sont des prostituées. Il y a d’autres signes inquiétants.

En Tunisie, le film Persépolis a été diffusé sur une chaîne de télévision. Il y a eu des protestations, les bureaux de la chaîne ont été mis à sac, et le directeur a dû présenter ses excuses. Ce n’est pas un bon signal. En Libye, où les femmes ont soutenu la révolution, la polygamie n’est pas remise en cause. Dès le début des révolutions, j’ai envoyé un message à mes sœurs musulmanes pour leur dire: ‘ne répétez pas nos erreurs, j’espère que la destinée de l’Iran vous servira de leçon’. Au Yémen, où le combat commence, je propose aux femmes de poser leurs conditions à leur soutien au mouvement, en exigeant une condamnation de la polygamie et en demandant la reconnaissance du droit de garde des enfants pour la mère. En Libye, en Tunisie, le plus urgent est d’inscrire dans la Constitution la séparation de la religion et de l’Etat.

En Iran, nous avons eu quelques petites victoires, mais notre objectif final est d’obtenir l’égalité parfaite entre les hommes et les femmes. Il faut savoir que cette demande d’égalité est considérée comme un crime, et que plus de 150 femmes sont en prison pour avoir demandé des droits égaux. La justice considère qu’elles portent atteinte à la sécurité de l’Etat. J’ai été l’avocate de beaucoup de ces femmes. Un jour j’ai dit au juge: ‘si une femme refuse que son mari prenne une seconde épouse, est-ce que ça nous expose vraiment à une attaque israélienne?’ Il n’a rien trouvé à me répondre. Je suis sûre qu’il y aura un jour un printemps iranien, grâce à la force des femmes de ce pays. Mais le chemin est encore long. Nous ne parlons pas ici de cette année ni même de 2012.”

repris par Anne-Marie Rocco, envoyée spéciale à Deauville de l’hedomadaire Challenges.

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