Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Le philosophe et le pilote, deux consciences en éveil face à la bombe

Ces textes sur Gunther Anders, Hiroshima est partout ont le mérite de nous faire connaître des consciences en alerte, le philosophe et le pilote, au moins l’un des pilotes d’Hiroshima, Claude Eatherly.

Le criminel et fou débat français par danielle Bleitrach

Ecrit le 28 novembre 2011, je notais que le philosophe insistait sur personne ne semblait vouloir parler à savoir que le nucléaire militaire est une folie qui coûte aux peuples et parmi eux le français des sommes fantastiques, l’arsenal existant sur la planète suffit à la faire sauter et qu’on continue à en fabriquer pour le profit des complexes industrialo-militaire. Est-ce que le nucléaire en France souffre d’un manque de transparence qui le rendrait effectivement dangereux et cette opacité est-elle le fruit de l’imbrication entre le nucléaire civile et militaire. Donc le débat sur le nucléaire tant que l’on confond aussi aisément sa dangerosité militaire et ses qualités comme énergie civile face au réchauffement climatique. La confusion est d’autant plus étonnante que j’ai rarement vu les adversaires du nucléaires, ceux qui veulent fermer la filière, mener des actions contre nous sous marins atomiques ou l’équipement de nos porte-avions d’engins porteurs de bombes,alors même que cela signifie être passé du défensif à l’offensif pour défendre des intérêts qui ne sont pas ceux de la nation. . En outre on feint d’oublier que il y a déjà eu l’utilisation de cette bombe contre des villes où ne restaient plus que des femmes, des enfants et des vieillards, les hommes étant au Front et cet acte n’a pas été accompli pour finir la guerre mais pour commencer la guerre froide. S’il y a eu “dissuasion c’est parce que l’URSS possédait l’arme nucléaire et cela évitait de renouveler l’abominable bombardement. Oublier tout cela dans un temps où monte le bellicisme du capitalisme est une folie.

Face à cela que dire de la criminelle légéreté française qui empêche les citoyens de mener un véritable débat calme et responsable. Ce débat aurait dû avoir lieu depuis des années au moins depuis que  la stratégie défensive du Général De Gaulle est devenu depuis le discours de Brest de jacques Chirac en décembre 2002 un nucléaire mobile, offensif, des bombinettes accrochées aux rafales “capable d’aller frapper partout qui menace nos intérêts” je cite le discours. Ils n’auraient rien vu venir ? Comment le croire quand ce silence général redouble celui sur les expéditions de l’OTAN, l’omerta complice .

C’est à cause de cette exigence indispensable intellectuelle pour le citoyen au point où il en est que personnellement je préfère le compte rendu du livre que l’article de Pablo Feinman, ce dernier nous met en appétit, mais le compte-rendu nous donne envie d’aller nous informer, d’ouvrir un livre, c’est ce que j’ai choisi sur ce blog, cette pédagogie qui exige un minimum d’effort.  Ce second article nous présente une pensée politique originale qui unit intimement Auschwitz et Hiroshima et au lieu d’insister sur la folie du pilote, il déclare qu’il a été traité comme tel parce qu’il ne se résignait pas à la folie qui était celle des Etats-Unis et qui aussi la nôtre dans un débat actuel qui effraie par ses aspects politiciens, ces tripatouillages et le refus de poser le vrai problème: la fin du nucléaire militaire tout de suite. le philosophe Gunther Anders n’aurait pas échangé une correspondance suivie avec un homme qui aurait perdu l’esprit mais bien avec celui que sa lucidité rend fous aux yeux de véritables fous.

Deux pilotes d’Hiroshima par José Pablo Feinmann

En 1956, le philosophe viennois Günther Anders entama une correspondance avec le pilote pétri de remord, bouleversé pour toujours, fou, à cause de Hiroshima. Parce qu’il y avait l’autre : solide, impassible qui jouissait des fruits du triomphe de la patrie,  la destruction  comme offrande suprême à la nation et à son peuple. Nous nous occuperons du premier. Du pauvre fou. Bien que nous ne renoncions pas à faire état de l’exemple donné par l’autre au monde ; quelqu’un capable d’assumer un génocide comme la plus étincelante de toutes ses médailles, comme le cadeau le plus éclatant qu’un soldat pouvait offrir, d’abord à son Armée, et en second lieu, à sa nation et à son peuple. Sacré nom de Dieu : il fallait la gagner cette guerre !

Günther Anders était un homme d’origine juive, avait combattu durant la Première Guerre mondiale, il était un disciple de Husserl et Heidegger, un compagnon d’études de Hannah Arendt qu’il avait épousé en 1929. Tous deux avaient fui l’Allemagne. Ils divorcèrent en 1936.  la frayeur peut-être les avaient plus unis que l’amour  (pour citer une phrase quelque peu rebattue). Après la guerre il se consacra à l’étude des aspects les plus sombres du corpus anthropologique. De sa visite à Auschwitz, il a laissé ce témoignage angoissant  :

“Si vous me demandez quel est le jour où j’ai éprouvé une honte absolue, je répondrai : ce fut cet après-midi d’été quand à Auschwitz je me suis trouvé devant les tas de lunettes, de chaussures, de dentiers, de grappes de cheveux humains, de valises sans maître. Parce que toutes ces choses auraient pu m’appartenir , mes lunettes, mes dents, mes chaussures, ma valise. Et voilà que je me suis senti – puisque je n’avais pas été un prisonnier à Auschwitz, parce que le hasard m’en a sauvé  – oui, je me suis senti un déserteur”.

A partir de là  il a approfondi  plus encore dans ses textes les sujets liés au techno-capitalisme en poursuivant le chemin que son maître Heidegger avait balisée. Mais sans les traces nationales-socialistes qui salissaient la pensée du Recteur de Fribourg. En 1983,  Gunther Anders reçoit le Prix Theodor Adorno, dont l’importance est bien connue : il n’en est pas de plus prestigieux en Allemagne. Celui qui lui remet le Prix (un homme en désaccord avec ses idées,… mais c’est la démocratie !) dit :

« Nous Honorons ici le philosophe Günther Anders parce qu’il nous contredit, nous alerte constamment, nous secoue ».

Anders  a répondu :

« Je suis juste un conservateur de l’Etre. Qui traite de ce que nous devrions changer pour que le monde survive

Claude Eatherly est l’un des pilotes ayant largué l’une des bombes sur Hiroshima. Il a vu l’éclat diabolique ou mystique, quasi divin, sous ses yeux. Quand il a atterri, il lui a été sèchement dit :

« Tu As tué 200.000 personnes en cinq minutes ».

Personne ne lui avait dit que … ce serait ça … Eatherly n’a pu le supporter. Il est devenu fou. Au lieu d’un héros, Truman reçoit un fou, écrasé par un fardeau intolérable, déchiré par la cilpabilité, en proie à l’autoflagellation. Ils le mettent dans un asile d’aliénés du Pentagone. Il y passe  six ans. Il est libéré ensuite. Mais il part à la dérive. En portant sa tragédie d’un lieu à un autre. Enfin, à la Nouvelle Orléans il prend des barbituriques en tentant de se suicider, mais il est arraché à la mort. L’autre pilote est le colonel Thibbets. Lui s’assume comme héros de guerre :

« Je ne ressens aucun repentir. Je suis un soldat et un ordre m’a été donné. Quand un soldat reçoit un ordre, il l’accomplit. Si 200.000 personnes meurent je n’en porte pas la faute. Je ne l’ai pas décidé et je l’ignorais ».

Eatherly, lui, est coupable , au lieu d’être un héros, au lieu de faire sentir aux Nord-Américains et à l’Armée qu’ils ont gagné cette guerre héroïquement, il s’angoisse, souffre et revenu fou. Jamais plus il ne connaîtra la tranquilité . Comment  demander pardon ? Alors : que nous dit  Eatherly le fou ? Que faisons-nous de ce qu’il nous dit ?  Sommes nous fous ? De quelle folie .

Jusqu’à ce que Günther Anders, le 3 juin 1959, envoie à Eatherly sa première lettre :

« Celui qui écrit ces lignes est  un inconnu pour vous. Pour nous en revanche, pour mes amis et pour moi, vous êtes quelqu’un de connu. Nous suivons  le coeur serré vos efforts pour sortir de votre malheur (…) Comme chaque année, chaque le 6 août prochain, la population de Hiroshima commémore le jour où « Ça » est arrivé. Vous pourriez envoyer à ces personnes un message approprié à une telle commémoration. Vous iriez vers eux en tant qu’ être humain en leur disant :

» A ce moment là je ne savais pas ce que je faisais, mais maintenant oui je le sais. Et voilà je sais que jamais je ne referais quelque chose de semblable »

(…) ce ne serait que justice, puisque aussi vous Eatherly, vous êtes une victime de Hiroshima. Et voilà qu’il est possible que cela soit aussi pour vous, si non une consolation, oui au moins un motif de soulagement. Avec l’expression de l’affection que je ressens envers chacune de ces victimes, je vous adresse mes salutations. »

Plus de soixante lettres ont été échangées entre eux

traduit par maurice lecomte pour changement de société, traduction revue à partir de l’original dans Cubadebate (7 Novembre 2011)par danielle bleitrach

Un livre Günther Anders : Hiroshima est partout

voici un texte complémentaire paru sur le sujet dans actuphilosophie et qui présente le livre dont fait état l’article de Cubadebate. :

Günther Anders : Hiroshima est partout

dimanche 14 décembre 2008

Ce livre, plaidoyer passionné, profond et précurseur contre la bombe atomique, comprend trois textes de genre très différent.

L’homme sur le pont – « quelque chose » qui n’a ni tête ni mains mais joue de la musique… – est le journal écrit par Anders lors de sa visite au Japon, à Hiroshima, en août 1958. Journal d’une virulence terrible contre la bombe, la guerre, les techniques de destruction modernes.

Hors limite reprend les lettres d’Anders au pilote de l’avion d’Hiroshima, Claude Eatherly, devenu une victime de la bombe, interné pour avoir refusé d’être traité en héros, ainsi que les réponses d’Eatherly.

Les Discours sur les trois guerres mondiales (1964) anticipent les réflexions récentes sur le rôle « éthique » de la peur, de la « panique », de l’effroi, qu’on trouve plus tard chez un Hans Jonas.

Anders le reconnaît dans l’introduction de 1982 : ces pages écrites plus de trente ans avant appartiennent à la « préhistoire » de la mouvance antiatomique. Pourtant, comme Jean-Pierre Dupuy le montre avec rigueur dans sa préface, elles restent d’une puissante actualité.

Né en 1924, élève de Husserl, Günther Anders émigre en 1936 aux États-Unis. Marqué par les bombes atomiques de 1945, il ne cessera de réfléchir sur leur sens pour lutter contre la guerre et les techniques nouvelles de la guerre, qui menacent l’avenir de l’espèce humaine et de la Terre. Il est mort en 1992.

Voir en ligne : http://www.editionsduseuil.fr/

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