Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Le renouvellement des cadres en Chine

a Chine est actuellement le pays le plus passionnant non seulement à cause de son développement qui a stupéfait tous les observateurs mais surtout à cause des contradictions qu’a généré ce développement complètement déséquilibré et la manière dont ce pays tente de les affronter avec un pragmatisme et une lucidité sans commune mesure à ce que l’on voit sur le reste de la planète.
Dernièrement  je soulignais la nécessité pour les communistes de refuser toute intervention de l’OTAN sans pour autant se faire d’illusion sur ce que représentaient par exemple le régime des mollahs ou la Syrie, ils ne vallent pas mieux que le Barhein ou l’Arabie saoudite même si l’occident les attaque dans une stratégie à géométrie variable. Un ami me faisait remarquer qu’il en était de même de la Chine.

 Comment expliquer la différence que je fais et qui sans doute mérite débat : les pays du proche orient  pour des raisons diverses dont la moindre n’est pas le colonialisme qui a obligé les peuples à maintenir des archaïsmes et à se réfugier dans des identités régressives (la question des femmes est un excellent test parce que de l’évolution de la condition féminine dépendent bien d’autres évolutions sociales) paraissent bloqués.  Un des problèmes des “révolutions arabes est l’absence de perspective autant que la soumission de fait à un modèle occidental.

 Ce que l’impérialisme a très bien compris en intervenant en Libye et en tentant de bloquer le processus. Par parenthèse on peut s’interroger si ce qui est visé n’est pas une certaine survie du nassérisme.

Disons très rapidement que dans le moment historique qui celui que nous vivons les pays, les dirigeants et les peuples les plus intéressants ne sont pas ceux qui n’ont pas de problèmes mais ceux qui les affrontent avec le plus de lucidité. Rarement l’intelligence et la capacité à faire face sans se mentir à soi même sont apparus comme la voie d’un nouvel humanisme comme aujourd’hui.

Ce qui  caractérise la Chine est le processus ou plutôt les processus contradictoires multiples et la tentative de dégager une voie originale non seulement pour sa transformation intérieure mais dans sa relation avec le reste de la planète, l’Asie en particulier.

Je laisse à votre sagacité le soin de penser toutes les observations que vous pouvez faire sur cet immense pays en terme de contradictions, pas seulement subies mais assumées à partir d’une préoccupation nationale, étant bien entendu que la Chine sait que que son intérêt national s’inscrit dans une dimension de plus en plus internationale et la nécessité d’une pacification mondiale alors que le système dominant a choisi le bellicisme.

Sans interpréter outre mesure, je voudrais reprendre ce que disait Roland Lew dans un article du Monde Diplomatique de 2004 sur les raisons du dynamisme chinois:

Au début du tournant, en 1978, le courant réformateur regroupé autour de Deng Xiaoping  a beaucoup manœuvré entre écueils et résistances multiples. Le mouvement paraissait incertain, parfois chaotique, et l’on pouvait s’attendre à des tensions croissantes, soit dans le parti, soit avec la population. Le pays ne connut qu’une crise majeure, dramatique, celle du printemps de Tiananmen, en 1989. Ce fut une crise de légitimité : elle témoigna d’un vaste rejet de l’autoritarisme persistant et de la corruption par une partie des étudiants et des populations urbaines . Ce fut à la fois un moment difficile de la réforme économique et une confirmation de la logique dictatoriale du pouvoir en place. Celle-ci, d’abord imposée par la violence répressive, le fut ensuite avec plus de souplesse et d’habileté.

Pour mener à bien les changements, le pouvoir a choisi la continuité autoritaire, d’abord parce qu’il luttait âprement pour sa survie, adossé à la puissance armée dont il avait le monopole. Mais il a survécu aussi parce qu’il a trouvé des soutiens dans des secteurs de la population urbaine afin de poursuivre cette voie autoritaire qui trouve ses racines loin dans le passé. Lors de cette crise, il a bénéficié de la neutralité de la majorité paysanne, qui lui a fourni les miliciens indispensables à la répression. Puis, progressivement, il a gagné – ou regagné – dans les villes le soutien de couches sociales bénéficiant de la réforme. Avec le temps, il a même retrouvé les faveurs d’une partie du monde intellectuel et, surtout, il a vu grossir une classe moyenne et une nouvelle bourgeoisie d’entrepreneurs, détruite durant la période maoïste, désormais valorisée et intégrée en tant que telle dans le parti. Le régime n’est pas forcément aimé, mais il a une véritable assise sociale.

Nul n’avait imaginé une telle évolution, une telle capacité du PCC à rebondir. Car, pour une bonne part, on cherchait son « identité » au mauvais endroit. En effet, on a longtemps sous-estimé l’importance, et même la prééminence, de la dimension nationaliste dans les motivations du régime de Pékin et dans l’histoire du communisme chinois – et cela dès les années 1930. Pourtant, cette dimension nationaliste, davantage que le communisme, qui servait d’habillage idéologique, explique la trajectoire du PCC. Il reste à faire pour la Chine un travail semblable à celui mené par Moshe Lewin sur l’URSS stalinienne   : s’éloigner, ou même ne plus tenir compte, de ce que le nouveau régime prétendait être – un régime socialiste –, pour l’accepter ou le contester, mais, au contraire, le comprendre dans son originalité.

Dans le cas chinois – mais c’est vrai pour d’autres pays, comme le Vietnam –, le communisme incarne un nationalisme révolutionnaire en compétition avec d’autres formes de nationalisme (celui du Guomindang ). Il est nationaliste car l’essentiel est, pour employer un mot d’ordre répandu dans les années 1920, de « sauver la nation » contre les impérialismes prédateurs, de la protéger et même de reconstituer son unité. Répondre à ce dramatique besoin constitue la manière la plus efficace – sinon la seule – de mobiliser la nation en profondeur, et surtout d’obtenir le soutien des forces les plus actives (concentrées dans les villes et, pour une bonne part, dans le milieu des intellectuels).

 Ce que dit ce texte et que je considère comme fondamental est la capacité ou non des systèmes communistes à se réformer. Si l’on admet que la plipart des systèmes socialistes à l’inverse de ce que prévoyait Marx se sont installés dans des pays sous développés marqués par la contradiction impérialiste et la lutte contre les pillages, que cette lutte a du se faire dans un système marqué par la domination totale du système capitaliste et impérialiste, domination économique, financière, médiatique, des modes de vie et de la force militaire négliger le fait que le développement et l’évolution du socialisme, de ses formes de gouvernement doivent se faire dans ce carcan est du pur idéalisme. Pourtant la référence aux travaux de Moshé Lewin me parait importante parce que ces travaux ont dénoncé le concept de totalitarisme non pas pour refuser les critiques que l’on pouvait faire au stalinisme mais justement parce qu’il ne permettait pas d’apprécier les contradictions du système et ses évolutions potentielles. C’est à ce titre que je tente de faire la distinction entre des systèmes qui ont plus ou moins tenté et réussi la rupture avec l’impérialisme.

Au premier  rang de ces contradictions il y a pour moi les mouvements sociaux et la Chine est loin d’être endormie, j’ai tenté par ailleurs de montrer les relations contradictoires des pouvoirs, nationaux et locaux avec ces mouvements  tout autant que la manière dont les artistes par exemple reflètent les problèmes de leur société. Et si je devais apporter une correction aux propos de Lew en 2004, ce serait qu’après s’être assuré du soutien des couches bénéficiaires du réforme, la Chine a dû faire face à des mouvements de travailleurs y compris migrants largement sousestimés par l’occident et là encore il y a eu des réformes et même l’utilisation de ces mouvements par exemple contre les entreprises étrangères. Car je tente aussi de percevoir la manière dont ce qui peut apparaître comme un conflit insurmontable ici peut être intégré en Chine et c’est là qu’une approche en terme de civilisation devient très utile…

Ainsi  je voudrais insister sur un autre fait parce qu’il conditionne actuellement beaucoup de choses en Chine donc dans le monde: nous sommes à la veille d’un renouvellement de la direction du Parti Communiste chinois. En 2012, sept des neuf membres du comité permanent du politburo vont être renouvelés. Le comité permanent du politburo est un véritable organisme dirigeant dont doit tenir compte le poste pourtant pharaonique du secrétaire du parti, président du pays et dirigeant des forces armées, aujourd’hui tenu parHu Jintao. La Chine semble avoir vaincu un des problèmes des partis communistes, le non renouvellement des directions et la conduite des affaires jusqu’à la mort de vieillesse. et tout en insistant à chaque niveau sur le rôle prépondérant du secrétaire, gouverneur avoir instauré une véritable direction collégiale autour de lui, cette direction collégiale n’ayant pas nécessairement la même opinion sur les orientations.

Comme les Chinois comptent en génération, nous aurons donc en 2012, l’accès à une cinquième génération. Cette cinquième génération est issue des cadres ouvriers du parti mais est une génération disons de technocrates qui doit faire ses preuves dans la résolution de problèmes. Il est clair que cet accès se prépare. On imagine les luttes de sérail mais ce n’est pas si simple, les postulants doivent résoudre des problèmes et faire la preuve de leur capacité à diriger, appliquer des orientations.

On ne gouverne pas la Chine comme le Poitou Charente. Prenons deux exemples opposés qu’il faudra suivre: vous avez à un pôle Wang Yang qui est le gouverneur de la province du Guangdong, une province du Sud, ayant comme capitale Canton et des traditions avec l’Asie du Sud est, proche de Hong Kong et le choix  de Wang Yang est considéré comme ultra-libéal. Il s’est illustré de 2003 à 2005 en prenant la direction du développement de Chongqing une immense ville province lovée dans une boucle du Yang Tsé kiang. C’est la croissance la plus folle et la plus déséquilibrée, en 2007 il est nommé à la tête du Guangdong et accède au Politburo. Il reste un adepte du néolibéralisme mais cette fois il a choisi un cheval de bataille différent: la défense de l’environnement. Il prône une croissance verte et propose d’en finir avec les ateliers qui engendrent la pollution et de développer un high teck. Il est le symbole d’un nouveau modèle de croissance chinois.Il faudrait pour bien mesurer les enjeux mieux décrire la catastrophe environnementale de cette zone considérée jadis comme un miracle d’harmonie entre l’eau et les digues de la rivière des perles, autant que de tenir compte des récentes difficultés des entreprises y compris dans le recrutement des travailleurs migrants et le fait que les PME du coin risquent fort de faire les frais de la mutation envisagée par Wang yang.

Mais entre temps Chongquing était devenu un Chicago puissance chinoise, à la hauteur de ses 30 millions d’habitants et d’un des plus haut niveaux de pollution connue à ce jour… Aves la corruption généralisée y compris de la police. Il a fallu résoudre les problème à la Elliot Ness y compris en attaquant les mafias selon leurs méthodes les plus violentes. Et là nous avons un autre candidat au Comité permanent du politburo Bo Xilai qui est désormais le dirigeant de cette immense métropole etqui l’a nettoyée sans état d’âme. Bo Xilai est baptisé “conservateur”par les occidentaux parce qu’il privilégie l’équilibre social mis à mal par la croissance impulsée par Wang yang.
Il faut suivre ce qui se passe dans ces deux zones d’expérimentation pour comprendre comment la Chine évolue et comment sont formés les dirigeants chinois. Et il n’y a pas que ces deux zones : Deng dans les années 70 a proposé de “libérer la pensée”, en fait la Chine a repris sa vision de la libération : laisser l’oiseau voler mais dans une cage où l’expérimentation puisse être contrôlée.

Nous avons beaucoup de choses à observer et à comprendre avant toute intervention. Nous occidentaux ressemblons beaucoup à nos dirigeants toujours prêts à envoyer des bombes pour résoudre des problèmes que nous ne connaissons même pas.

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