Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Deux ou trois choses que l’on peut dire du socialisme, par Danielle Bleitrach

Oui on peut et on doit critiquer les erreurs du socialisme mais d’un point de vue révolutionnaire, oui il n’y a pas de modèle mais des expériences sur lesquelles nous devrions méditer pour mieux faire face à nos propres tâches spécifiques.

Robert Linhart a introduit une problématique importante pour comprendre ce qu’est une phase de transition. Il dit en particulier deux choses fondamentales à propos de Lénine et de la NEP, du communisme de guerre.

  1. La première est que Lénine considère que le communisme de guerre a été une erreur, et pourtant il enlève aux mencheviks le droit de critiquer cette erreur. Parce que leur point de vue est de tirer en arrière la Révolution, une fois de plus de démontrer qu’il ne fallait pas faire la Révolution dans de telles conditions. Donc apporter de l’eau au moulin de la contre-révolution.

Lénine le leur dit même d’une manière telle que ceux qui veulent reproduire la démarche des mencheviks ne peuvent pas se contenter de critiquer Staline. il leur faut désavouer Lénine: qui à la fois reconnait l’erreur mais condamne à être passés par les armes ceux qui se servent de l’erreur pour refuser la Révolution.

Les exhortations qu’articulent Otto Bauer et les dirigeants de la IIème Internationale et de l’Internationale II 1/2, et les mencheviks et les socialistes révolutionnaires, tiennent à leur propre nature. « La révolution est allée trop loin. Nous avons toujours dit ce que vous dites aujourd’hui. Permettez-moi de le répéter encore une fois. » Nous répondons : Permettez-nous, pour cela, de vous coller au mur
Lénine au XIème Congrès
, Œuvres, tome 33, p. 288. [↩]

l’obsession de Lénine c’est de transformer le parti et l’Etat par l’éducation, d’où le fait qu’il affronte toujours le problème politique y compris sous l’angle théorique, c’est déterminant dans le rapport aux masses. Il ne cesse de répéter qu’ils ont un Etat socialiste à déformation bureaucratique et il veut des organisations, parti mais aussi syndicats qui soient l’école du communisme;

Dans toute la sphère des rapports sociaux, économiques et politiques, nous sommes « terriblement » révolutionnaires. Mais en ce qui concerne la hiérarchie, le respect des formes et des usages de la procédure administrative, notre « révolutionnarisme » fait constamment place à l’esprit de routine le plus moisi. On peut ici constater un phénomène du plus haut intérêt, à savoir que dans la vie sociale, le plus prodigieux bond en avant s’allie fréquemment à une monstrueuse indécision devant les moindres changement

On peut à la lumière de l’expérience considérer que si ce trait persiste dans le socialisme, il lui survit et peut encore comme on le voit dans le PCF se combiner avec une dénonciation tout azimut du socialisme: le respect du chef, le caporalisme et l’absence d’initiative et d’esprit critique accompagnant servilement le démantèlement de tout ce qui faisait l’esprit et la pratique révolutionnaire, les caricaturant.

Peut-être ici faut-il retrouver la critique de Lukacs qui dit que Staline a tendance à dogmatiser l’erreur. Ce n’est peut-être pas aussi simple qu’il y paraît, Staline a un langage très pédagogique, immédiatement orienté vers l’action, et il a une grande puissance de conviction. En outre durant la deuxième guerre mondiale il est capable d’une grande mobilité et d’apprendre de ses erreurs. Qu’est-ce qui devient dogme chez lui et quand ? Les Chinois travaillent là-dessus, des textes ont été publiés y compris en russe. Nous sommes incontestablement dans un temps où partout se développe une réflexion. Les communistes au plan international commencent à sortir du choc de la fin de l’URSS. Ils peuvent parler, alors que pendant au moins dix ans le traumatisme a été tel qu’ils ont laissé d’autres parler à leur place.

2. La conséquence de la mise en évidence de l’erreur d’un point de vue révolutionnaire, nous conduit à la suite de Robert Linhart a une autre conclusion concernant le socialisme, la transition. Il est faux de vouloir reproduire l’erreur qui a été imposée et on peut et doit se poser les questions de quel parti, de quelles mesures concrètes ? Ne pas croire que nous avons un modèle tout prêt. Ni d’ailleurs un contre-modèle…

Dans tous les cas ce qui est nécessaire est la dictature du prolétariat ou démocratie populaire qui ne peut pas se déployer dans les institutions dans lesquelles nous sommes aujourd’hui, qu’il s’agisse de l’UE ou de la Constitution européenne, tout cela organise la dictature du capital et l’épidémie nous l’a au moins appris. Il faut rompre avec cette domination et cela peut prendre des formes différentes de ce qui s’est fait en URSS, en Chine, à Cuba, au Vietnam et il faut répondre à nos problèmes avec nos moyens. Cette étape est indispensable mais elle ne résout pas tout, Partout s’est posée la même question, comment faire pour que l’ouvrier s’approprie la production, pour que des rapports capitalistes qui restent dominants au plan international n’imposent pas leur efficacité en dépossédant les travailleurs du contrôle? Dans le même temps on ne peut pas être compris en parlant de communisme alors que la réalité les en éloigne… Fidel était passé maître dans cette pédagogie mutuelle et ce n’étaient pas ses qualités d’orateur qui l’emportaient mais bien sa capacité à faire corps avec l’état réel des consciences à partir des faits.

Quand comme en ce moment on voit surgir quelque chose qui différencie le socialisme dans l’art de répondre aux défis essentiels, il faut s’en emparer tout en insistant sur ce que nous sommes.

C’est un chantier très important dont on ne se sortira pas en diabolisant ce qui n’a pas lieu de l’être en suivant l’analyse de la bourgeoisie.

C’est tout le sens des mémoires que j’ai écrites pour que nous nous interrogions sur ce qui s’est passé dans les années soixante et dix et quatre-vingt et combien la stratégie était inadaptée à la recomposition du capital qui s’est opérée ces années-là et que l’on connait comme le néo-libéralisme..

En stigmatisant la révolution soviétique, non seulement nous commettons une terrible injustice historique mais nous sabotons la formation des militants communistes, nous les condamnons à être à la remorque de la social-démocratie sous toutes ses formes, nous continuons à les faire vivre dans l’état de choc de la fin de l’URSS, qui les soumet à la social-démocratie. Et nous ne sommes pas pour autant crédibles auprès de ceux qui chez nous aspirent réellement à une autre société.

C’est pour les mêmes raisons que comme le dit très bien Jean-Claude Delaunay, la Chine n’est pas plus un modèle mais un exemple à méditer.

Robert Linhart pose paradoxalement au nom de son adhésion à la Chine de Mao à la Russie de la NEP et de ce qui a suivi avec Khrouchtchev une question qui pourrait être celle de la Chine aujourd’hui : peut-on faire une pause nécessaire dans le socialisme pour en préserver l’existence même qui ne se traduise pas immédiatement en affaiblissement de la conscience sociale et comment ?

En tous les cas, la Chine n’a jamais abandonné la nécessité d’un parti révolutionnaire capable de tenir la rupture tout en apportant au niveau de “l’alliance” avec la paysannerie et les couches moyennes “la civilisation”, c’est-à-dire ce que donne le capitalisme aux pays développés: transports, moyens d’échange et éducation. Comment aujourd’hui franchir un nouveau seuil dans une élévation de la conscience qui permette de résister à l’assaut du capitalisme? Les buts poursuivis, les méthodes elles-mêmes, le gagnant-gagnant, la paix, le destin commun tout cela est en contradiction parfaite avec la dictature du capital ou d’une classe dominante qui ne connait que le perdant-gagnant, la guerre, l’imposition de son modèle… Il nous reste à comprendre beaucoup de choses mais aussi et surtout à former notre propre avant-garde rompue aux tâches concrètes qui sont devant nous en France.

Pourtant tant que l’on se conduit comme un menchevik c’est-à-dire que l’on nie la rupture, la démocratie populaire en faisant la critique du socialisme existant dans les mêmes termes que la bourgeoisie pour ne pas poser la nécessité de cette rupture, ne nous faisons pas d’illusion, c’est le règne des mots creux et l’immobilisme, les petits arrangements avec le système qui ne convainc personne et surtout pas ceux qui ont le plus besoin de ce changement.

C’est en ce sens là que Lénine demeure d’une actualité brûlante et pas parce qu’il faut reproduire les solutions qu’il a prises à une époque déterminée.

Danielle Bleitrach

(1) le texte de référence pour Robert Linhart, Lénine, les paysans, Taylor.

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2 Commentaires

  • Martin Pierre

    Je pense qu’il faut que nous revenions à nos fondamentaux, non pour fixer une orthodoxie, mais pour indiquer en quoi ils sont la conséquence et non la cause de notre vision, attitude dialectique.

    Je ne suis pas Danielle Bleitrach, je ne suis pas une femme, je ne suis pas marseillais, je ne suis pas de confession juive (difficile la question de la judaïté car elle se pose comme quelle que chose qui va au delà d’une religion, un problème d’élection, duquel on ne peut s’échapper), Je ne suis pas né dans l’époque tragique qui l’a vu naître, je n’ai pas fait d’études d’histoire ou de sociologie, et je n’ai jamais croisé (ou peu, ou différemment) les personnes et les situations qu’elle même a vécu.

    Qu’est ce qu’il me reste de commun avec Danielle Bleitrach ?

    Un sens de lecture du développement de l’histoire qui me fait partager un espoir commun : le Communisme. Et même là, sommes nous en tout point d’accord sur ce que nous appelons développement de l’Histoire et Communisme.

    Malgré tout je peux dire, nous pouvons dire, que ce qui nous rassemblement c’est l’idée de la luttes des classes, l’idée que la lutte des classes conduit le processus.

    Notre direction, nous répond : « vous sautillez sur place en disant « lutte de classe, lutte des classes » et vous oubliez le reste !! »

    Je viens de montrer que je n’oublie rien, je n’oublie pas le sujet psychologique D.B, je n’oublie pas le sujet sociologique D.B, ce que je refuse c’est qu’on nous enferme dans la psychologie et la sociologie, pour fixer ce que nous aurions de commun. Je dis que l’Economie Politique est aussi ce que nous avons de commun, puisqu’elle fixe la théorie de l’exploitation socle sur lequel s’inscrit la lutte des classes, comme une réalité inconsciente qui construit la société, et pas seulement la collectivité, et qu’en plus elle est bien l’aboutissement de notre projet et non son point de départ duquel il y aurait urgence à s’extraire.

    Danielle catégorie biopsychologique a-t-elle besoin du communisme pour se fixer « sujet de droit », l’équivalent à ma petite personne, et se rappeler que les collègues « Mâles » à l’université lui passaient devant pour s’attribuer les postes d’assistants, maitre- assistants, maître de conf., etc. etc.

    Non, le républicanisme seul suffit à satisfaire, une telle exigence, « tous les êtres humains naissent libres et égaux en droits » donc depuis 1789, la constitution n’est pas respectée et le féminisme est un combat nécessaire. Républicanisme= Liberté=Circulation.

    De là découle que Danielle a une retraite de merde, alors que si sa carrière s’était normalement déroulée, le principe social-démocrate : « à travail égal salaire égal » aurait du s’appliquer et aujourd’hui elle aurait un cabanon de luxe dans les calanques, elle ne déprimerait plus envoyant le prix des anchoïades, de la bouillabaisse et l’impossibilité d’offrir un plongeoir correcte à ses petits enfants, alors qu’ils continuent de sauter des rochers, ce qui est hyper dangereux. Social-Démocratisme= Fraternité= Répartition

    Alors c’est quoi, l’Egalité= Production=Communisme ?
    Ce n’est pas seulement ce que la droite de mon organisation valorise, le sujet de droit, le « droit de l’hommisme » de quoi pour eux tout découlerait, pour cela j’ai juste besoin d’un bon et vrai (ce qui est extrêmement rare aujourd’hui) Radical – Socialiste (au hasard Balthazar ? : Jean moulin !) voir Socialiste-Radical (Jean Jaurès ?) figure que je peux peut-être projeter en économie sur J.M. Keynes quand on veut le voir absolument bien inspiré (même si on sait aujourd’hui qu’historiquement il l’était moins).

    Ce n’est pas non plus ce que le centre de mon organisation valorise : le Social-Démocratisme. la justice d’affectation-Répartition, la satisfaction des besoins, la lutte, contre la misère, le pillage inter-impérialiste (car Danielle comme Pierre participent du pillage inter-impérialiste, leur différentiel de ressources provient de leur différentiels de revenus vis-à-vis des peuples du « tiers » monde, autrement-dit, ils participent de la péréquation des taux de profit) Donc si on en reste à une vision en terme de taux de profit on en reste à une vision social-démocrate, C.Q.F.D. Là je croise les visages de Jules Guesdes, ou mieux de K. Kautsky, Plekhanov, Martov, et puis dans une vision de gauche de Rosa et de Trotski, mais aussi pas mal de réflexion de Lénine et surtout de Staline.

    C’est la nécessité de partir des conditions de production et de reproduction de ses conditions, partir de la division technique et sociale du travail. Souvenez vous de cela, aujourd’hui plus on vous dit « ce n’est pas politique, c’est technique » plus vous pouvez être certains d’avoir mis le doigt sur un sujet éminemment politique. Jai même tendance à penser que dans les assemblées politiques il n’y a plus que de l’ersatz de politique, et que la vrai politique se fait dans les cénacles techniques, desquels par principe vous êtes exclus, puisque selon leurs dire même « vous n’y connaissez-rien ! ». En partant de l’objet « technique », je repose donc le lien entre sujet et objet qui est la question première de la lutte des classes. Car ce qui est premier dans la lutte des classes, c’est le lien de l’individu à l’objet qui lui permet de se reproduire. Donc la question de sa propriété. La lutte des classes n’est pas à son moment premier une intersubjectivité, une lutte pour la répartition, une lutte pour le repartage, une lutte pour la justice sociale, opposant deux subjectivités entre elles, d’un coté la bourgeoisie, de l’autre la classe ouvrière. Pour mener ce genre de combat l’abbé Pierre, le Secours Populaire, ou les tenants du C.M.E, me suffisent. Pour poser la question de la propriété, il faut que je me pose la question de la qualité technique dont je dispose pour faire agir l’objet, me « l’approprier », la division technique du travail est donc au centre de la lutte des classes. Que penser d’une formation sociale qui crée : des manœuvres, des O.S, des O.Q, des contremaitres, des ingénieurs, des cadres dirigeants (patrons ou non), et que penser d’une autre formation sociale qui prétendant rompre totalement avec la précédente, ne fait que reproduire ce schéma de division du travail. A-t-elle rompu oui ou non ?

    La réponse est dans la question, le socialisme est d’Etat, il applique la division du travail capitaliste, il est capitalisme d’Etat, pas seulement pour la répartition, la péréquation des profits à l’échelle internationale, ou pour la liberté du sujet de droit. C’est pourquoi, il est incontournable, mais ce pourquoi nous luttons et devons lutter c’est le communisme.

    Donc qu’est-ce que le léninisme ? C’est l’opération qui démontre comment j’entends aboutir au communisme en ayant intégrer- digérer, les contradictions du Républicanisme et du Social-Démocratisme.

    En conclusion : comment guérir « Danielle Bleitrach », « personnage » ; « actrice » de la scène sociale, « agent » des rapports de production, de sa souffrance psychologique ?

    Quelques réflexions personnelles que je garde pour moi :
    En fait pour une sociologue, je la trouve très soumise aux caprices de la psychologique. Peut-elle devrait elle s’essayer à souffrir dans ceux de la sociologie.

    Il ne faut pas qu’elle reste effacée, derrière une technique, il faut qu’elle redevienne la sociologue de nos vies quotidiennes (façon Henri Lefèvre) car comme disait le Mao de Godard « Qui n’a pas enquêté, n’a pas le droit à la parole » et qu’elle s’inspire des « 3 vies » (façon : Politzer ou Sève) de la famille Linhart :

    1) Robert : je m’installe (par exemple au Panier, pour enquêter, quartier populaire de Marseille (d’où l’expression mettre la main au Panier (sic), non je plaisante, ça c’est pour la blonde à chapeau).
    2) Danièle : j’enquête, je « questionnarise » (quand Danielle fait du Danièle, avec la question non exprimée qui s’y rattache : la sociologie est-elle devenue un métier de femmes, dans ce cas ce ne serait pas bon signe en matière de revenus.

    3) Virginie : je psychologise, je psychanalyse (la famille et le reste, le côté « Moïse » de notre Danielle avec de fréquents rappels
    A) à « L’avenir d’une illusion » : Y-a plus de parti, y-a plus de parti !! Snif, Snif.
    Ou mieux
    B) « Malaise dans la civilisation » : « on a tué notre Moïse, où se tient notre nouvelle synagogue !!?? »
    suivi de :
    « C’est quand même pas à mon âge que je vais traîner dans les rues Marseille pour savoir ou elle se planque ! »

    Alors parfois avec elle, je fais du Salomé, je fais mon « Jacques » : j’écoute, j’entends, je comprends, j’admets.

    Elle pleure : j’écoute.
    Oui mais c’est une camarade : j’entends.
    Oui mais c’est « ma » camarade, on a des valeurs communes dans ce grand bazar où plus personne n’en a : je comprends.

    Mais est-ce que j’admets ?
    Autrement dit :
    Est ce qu’il n’y a pas quand même, une cellule où elle pourrait jouer au survivaliste,
    Des locaux, du SFP ou ceux de Charles Hoareau et ses potes où on peut s’offrir de temps en temps un pastaga entre deux mobilisations C.G.T

    On peut franchir un pas, y a quand même le PRCF à Marseille, non ?

    Bon, on peut en faire deux, le fin du fin, n’y a-t-il pas, des copains du père de ma sénatrice favorite « Cécile » K. (quid)
    Là, Danielle tu ne pourrais pas te plaindre avec « K », c’est le cas, le portrait du vénéré leader n’est pas accroché au milieu de l’église orthodoxe à côté de celui de Poutine, il est carrément avec celui de Béria au milieux de la synagogue !

    Bon, une fois riz, il n’empêche qu’il te resterait ton blogue. Indispensable aujourd’hui.

    En dernière extrémité, je ne vois que le bleitrachisme :

    Courant que dans le prochain manuel du parti j’indiquerai par : Déviation de gauche ou une ancienne sociologue réunissait chez elle de jeunes étudiants pour les former à la sociologie et au marxisme.
    Où bien une version plus trache que je te laisse imaginer, pour faire la Une de la presse à scandale marseillaise.

    Allez, je t’embrasse, et après le Covid 19, que vive le Covid vin ! car si le Covid vin, le Covid fût !

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    • Danielle Bleitrach

      il y a cher Pierre martin une entrée essentielle que tu as désigné: technique… A la manière de Leroi GHouran ce prolongement du corps humain, une dialectique du vivant puisque nous sommes le produit d’une évolution entre le mécanique et l’organique et de la cette capacité à créer infinie, l’outil, l’automatisme des gestes qui recèle un savoir…Fascination pour l’aventure humaine… Quand le politique porte cela je me sens impliquée peut-être que cela rassemble le dépassement des peurs de l’enfance, la fuite et le destin messianique, l’aura de Walter Benjamin… Même ceux que j’ai aimés : “toi et moi nous sommes des aventuriers me disait le Cubain mais pas des mercenaires… la base matérielle de cela. Le communisme est cela. Tu as raison, ils m’empilent toutes les médiocrités bourgeoises, des ersatz comme si nous étions dans un supermarché avec des caddies pour les remplir de saloperies.. l’aliénation dirait lefebvre.

      j’ai réflechi à ce que je t’avais répondu, il n’y a pas l’essentiel. Je suis quelqu’un d’incroyablement fidèle et la décision que j’ai prise de quitter le PCF défintivement ne doit pas être entendue comme un caprice me permettant d’aller rejoindre un quelconque petit groupe dissident. Cela ne m’intéresse pas. C’est comme l’amour, je n’ai aimé que deux hommes dans ma vie et encore le deuxième était-ce parce que le premier était mort et qu’ils étaient semblables, des romantiques bienveillants, prêts à donner leur vie pour la cause qu’ils avaient choisi, subissant la torture sans parler et ne se vantant jamais, d’une pudeur et d’une modestie à nulle autre pareille, des communistes. Et j’ai attendu 10 ans pour remplacer le premier et seulement par quelqu’un de son envergure. Toutes mes amitiés sont de la meilleure qualité et partagent une sorte de grandeur, de refus de la mesquinerie.

      Chaque fois que pendant ces dix années de célibat je rencontrais un homme, je pensais il n’est pas digne de la femme de Pascal Fieschi et je m’éloignais.

      J’ai choisi le pCF avec la même exclusivité, sans doute parce qu’alors il correspondait à la fois à cette armée rouge qui m’avait sauvé la vie, à ces communistes qui allaient en camp de concentration par choix, par dignité humaine.. et aussi ma grande pitié pour la manière dont ma famille prolétarienne était sacrifiée, ma grand mère modiste puis femme de ménage dans un hôpital militaire… Ils m’appelaient professeur Nimbus, me pinçaient les joues en m’appellant “gosse de riche”… Le parti communiste de cette époque-là, m’unifiait dans mes eaux mêlées, y compris l’arrière grand père aristocrate italien anarchiste qui avait placé une bombe…
      J’aurais tout sacrifié à ce parti, parce que tu m’inventes, j’ai eu une carrière de sociologue très importante, j’avais écrit des livres importants avec Alain Chenu, j’étais parmi les 25 membres du comité national du CNRS quand j’ai accepté de sacrifier ma carrière pour le parti… j’ai toujours tout donné, rien demandé, si tu avais lu mes mémoires tu le saurais. A l’inverse des médiocres qui occupent les locaux de Fabien, je ne suis la fille de personne seulement de mes oeuvres et je n’ai rien pris, tout donné.

      Désormais j’ai pitié d’eux, de ce qu’ils sont devenus, il m’arrive d’avoir honte pour eux… Je me dis que dans le fond je n’étais pas faite pour eux, je me souviens de ce que me disait Aragon… Il était un prince, un don pour ce parti.

      Et tu veux que j’aille me commettre avec des gens qui ne valent pas mieux qu’eux, qui n’auront pas plus d’égard pour moi et qui me maltraiteront comme ces actuels “dirigeants” le font… c’est tout qui souffre du même mal, c’est un système… Je sais désormais qu’il se trouvera toujours un type un peu débile gorgé d’antisémitisme pour tenter de faire de moi une espionne du Mossad, et m’appeler comme dans un cas récent DB1938 en proposant de me suivre, sans soulever la moindre objection…parce qu’il utile à dieu sait quoi même si l’on sait qui il est.

      La décision que j’ai prise est un peu comme si choisissais le couvent. Ils ne m’auront pas brisée dans ce choix fondamental et je continuerai à exercer mon expérience avec les FAITS tels que je les lis, au nom de cette aventure humaine à laquelle je crois, mais le politicien c’est terminé si ça n’a jamais été pour moi. Et depuis que j’ai choisi cela je suis heureuse aussi étrange que cela puisse te paraître, j’ai pris la bonne décision et jamais je ne reviendrais là-dessus.

      Encore ub mot sur le fait d’être juif: Je me souviens que Pascal me racontais qu’à Dachau il y avait un petit juif qu’il adorait parce qu’il représentait la dignité, en effet il avait toujours des trucs invraisemblables à vendre, une boite d’allumette, même un chapeau et sous les bombardements il disait : “Je fais les meilleurs prix du camp”… Il y avait aussi ce que Gatti raconte, ce groupe de juifs pieux qui faisaient leurs prière et se redressant vers le ciel avaient maudit leur dieu en lui disant “tu ne nous mérites pas”… Pour moi être juif ce n’est pas une religion, c’est savoir que l’on est l’enfant de ceux qui ont choisi l’humiliation, les emmerdements pour ne pas désavouer la chaîne parentale… en se situant entre la trivialité assumée et le fait de maudire dieu comme dans l’histoire de job, un orgueil démesuré prométhéen… et alors on reconnait ceux qui aspirent à un autre monde ,à l’histoire… les humiliés, les exploités… C’est pour cela que je n’ai rien à voir avec israël, qui n’est que la tentative de renoncer à ce qui était une sorte d’originalité historique… je n’ai jamais mis les pieds en Israël, je ne suis plus invitée aux fêtes familiales de peur que j’y plombe l’ambiance en défendant le peuple palestinien et il se trouvera toujours néanmoins un connard quelconque pour m’inventer raciste parce que simplement je ne supporte pas l’imbécillité de l’antisémitisme…

      Et bien le pCF aujourd’hui c’est la même trahison, le même renoncement… Et imaginer qu’un génie aussi grandiose que Lénine peut être renié par cette bande de pignoufs me donne la nausée… ce sont des salauds au sens sartrien, ceux qui se vendent pour de petits avantages même pas par conviction… Risquet me disait il vaut mieux un fasciste qu’un opportuniste, un fasciste au moins a des convictions, un opportuniste se vend pour rien…

      Le mépris, comme le décrirait Godard, celui qui empêche d’aimer et dans ce cas là il ne reste plus qu’à tourner les talons, en disant “vous ne me méritiez pas!”

      Encore un mot sais-tu les souffrances que j’ai endurées pendant ces années où j’ai cru pouvoir retourner dans ce parti… La mort d’un enfant, l’autre en prison, ma mère veillée de 8 heures du matin à 22 heures pendant huit jours, sans rien faire d’autre que lui tenir la main pour l’aider à mourir, la mort du deuxième homme aimé, mon corps est devenu un œdème géant, si on m’effleurait je hurlais, j’étais devenue une vieille femme et malgré ce j’ai continué à me battre à écrire, à aller sur le terrain… j’ai serré les dents…mais je les ai méprisé d’être aussi mous , aussi minables…

      Mais je sais qu’il ne s’agit ni de Pierre, ni de Paul, ni de Fabien, c’est un moment historique et je n’ai rien à en attendre dans l’immédiat qui a toute chance d’être mon futur.

      Voilà, il n’y aura pas d’après, seulement ce qui m’apporte le bonheur de l’apaisement, comprendre, voir et ne plus être livrée parce que je manque de force à des voyous.
      danielle Bleitrach

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