Histoire et société

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CORONAVIRUS : NOUVELLE FAILLITE DE L’UNION EUROPÉENNE

INTERNATIONAL

On pourrait croire que je suis désespérée par la situation française, mais je pense au contraire que fort heureusement la relève est déjà là… Dans une jeunesse communiste lucide, dans de jeunes cégétistes qui sont rentrés dans les luttes, il y a une sorte de sérénité et de lucidité sur l’essentiel qui me fait souvenir d’autres temps. Ceux-là vont pouvoir construire des organisations adaptés aux problèmes qui se dressent devant eux, les exemples se multiplient dans et hors parti en France et ailleurs, comme si l’échec était enfin cuvé (note de Danielle Bleitrach).

 Clément R

L’OMS a qualifié officiellement le mercredi 11 mars la crise sanitaire du coronavirus de pandémie, reconnaissant ainsi le caractère mondial de la crise. Une telle situation appelle à une solidarité internationale renforcée. L’Union européenne, malgré les efforts propagandistes pour la faire passer pour une organisation de coopération, a été imposée aux peuples. Elle révèle encore une fois son caractère de classe, son dévouement au grand capital, son rôle de confiscation de la souveraineté populaire.

UNE LOURDE RESPONSABILITÉ DANS L’IMPRÉPARATION DE LA CRISE

Les dirigeants européens se tuent à répéter que personne ne pouvait prévoir la crise. C’est un aveu de faiblesse qui sonne étrangement à l’ensemble des syndicalistes et des militants des pays européens, qui depuis des années dénoncent l’austérité imposée aux services publics, notamment de santé. Dans l’imposition des « cures » d’austérité successives, l’Union européenne a joué un grand rôle. Plus de soixante fois, la Commission a adressé des recommandations aux États pour réduire les systèmes de santé. Comme souvent, cet appareil politique éloigné, sur lesquels les peuples n’ont presque aucun contrôle s’est fait le porte-parole du capital. Ce faisant, elle permet aux dirigeants nationaux, bien contents d’appliquer ces recommandations, de rejeter la faute et de se prétendre impuissants. Il est vrai que l’UE, instrument des impérialismes allemands et français, sait faire rentrer un peuple dans le rang, comme l’ont malheureusement appris les Grecs.

Il est vrai également que l’Union européenne, avec la complicité active des dirigeants nationaux, a imposé des règles budgétaires dont il est impératif de se défaire pour mener une politique qui prendrait d’autres critères que le seul profit du capital transnational. Le rôle funeste de la « règle d’or » budgétaire a d’ailleurs été avoué explicitement avec le déclenchement de cette crise. Comment appeler « règle d’or » un carcan dont on est obligé de se défaire quand la crise arrive ? En renonçant à l’application des restrictions à l’endettement des États pour faire face à la crise, l’Union européenne formule un aveu complet que ses règles vont à l’encontre de l’intérêt général, de la santé publique, de l’investissement dans les services publics, du développement de filières industrielles capables de répondre aux exigences de la situation, et de préparer les crises !

En matière industrielle, l’Union apparaît désormais au grand jour comme étant incapable de porter une coordination nécessaire des efforts de productions. Tous les atouts sont pourtant là pour prévenir une crise sanitaire. L’Union européenne est exportatrice nette de matériel médical. Comme le révèle le scandale de la fermeture de Luxfer, les savoir-faire sont là pour construire une filière industrielle de matériel médical de haut niveau. Pourtant, le rôle de l’UE en matière d’organisation industrielle se borne souvent à organiser le dumping social et fiscal, la concurrence entre travailleurs, le chantage aux délocalisations. L’excédent commercial est d’ailleurs essentiellement le fait de la puissance économique allemande et est le résultat, non pas d’une filière industrielle capable de répondre aux besoins des populations, mais d’une stratégie de concentration de l’économie allemande sur les segments les plus rentables de cette filière, en laissant les portions moins rentables et pourtant indispensables à la charge de pays dominés.

L’Union européenne joue aussi un rôle de garde-fou face à des gouvernements qui auraient la volonté d’organiser une prise de contrôle démocratique de l’appareil industriel, et ce de trois manières qui constituent autant de verrous.

Tout d’abord, les règles de la concurrence interdisent à un gouvernement de financer une entreprise privée. En effet, tout investissement public dans une entreprise est soumis à des règles strictes.

Ensuite, car ces règles étendues à l’extrême, rendent de facto difficile toute nationalisation. Si la nationalisation se fait en dessous de la valeur de marché de l’entreprise, elle peut être retoquée pour non-respect du droit de propriété. Cela interdit concrètement toute nationalisation avec expropriation, partielle ou totale, des capitalistes. À l’inverse, dans le cas d’une entreprise non rentable, mais socialement utile, la nationalisation impliquerait une forme de subvention déguisée. Or, les subventions destinées à une entreprise particulière sont interdites par la Commission européenne pour ne pas « distordre la concurrence ».

Enfin, si l’objectif est de gérer l’entreprise d’une autre manière, dégagée de la logique de la rentabilité, cela implique des subventions de fonctionnement, ou de fermer le marché à des entreprises concurrentes, deux prérequis explicitement exclus par la Commission européenne. En d’autres termes, s’il s’agit de nationaliser pour se comporter comme un actionnaire exigeant sa rentabilité, l’UE peut l’autoriser, quoiqu’elle y mette de sérieuses barrières, mais la nationalisation comme préalable à une organisation démocratique de la production, imposant une autre logique que celle du profit et de l’exploitation dans l’économie, nécessite de s’affranchir d’un certain nombre de règles européennes.

UNE RÉPONSE À LA CRISE SOUS FORME D’AVEU

Nous l’avons dit, l’Union européenne est exportatrice nette de matériel médical. C’est-à-dire que vis-à-vis du reste du monde, elle produit habituellement plus que ce qu’elle consomme, et qu’elle est donc mieux dotée en matériel que l’extérieur. Pourtant, dès le début de la crise, son incapacité à s’organiser a été éclatante. Très rapidement, l’Italie, premier pays européen touché, a essuyé les refus de l’Allemagne de livrer du matériel. L’industrie d’outre-Rhin est pourtant la locomotive des exportations européennes. C’est alors la Chine, plutôt que les pays membres de l’Union, qui est venue à l’aide de l’Italie. Les prétendus alliés européens se sont livrés à une succession d’actes de rapines dégradants, à l’inverse de toutes les exigences de solidarité internationales. Les peuples européens ont pu voir le gouvernement tchèque réquisitionner du matériel chinois à destination de l’Italie, la France réquisitionner des millions de masques suédois à destination de l’Italie et de l’Espagne, etc. Malheureusement, les exemples ne manquent pas.

Même le géant américain, chaperon de l’UE à ses débuts, a renoncé à tout faux-semblant de solidarité et interrompt son financement de l’Organisation Mondiale de la Santé. Loin de l’organisation de la solidarité du « monde libre », la première puissance économique mondiale a été le plus grand instigateur du tous contre tous, avec sa proposition indécente visant à se conserver le monopole d’un vaccin allemand en développement. Le chaperonnage yankee sur l’Union européenne est si bien intégré, que la Pologne, membre de l’UE et de l’OTAN, interdit à l’aide internationale russe le survol de son territoire, dans des relents de Guerre Froide insupportables.

Incapable d’organiser la juste répartition de l’existant entre ses membres, l’UE est bien loin de pouvoir aider les autres pays, notamment les pays en développement. Cette incapacité d’un des centres de l’économie mondiale tranche avec la solidarité exprimée par Cuba et la Chine, qui envoient à travers le monde médecins et matériel. La Chine, au PIB par habitant quatre fois inférieur à celui de l’UE et Cuba, quatre fois et demie inférieur, donnent une leçon de solidarité.

En l’absence de solidarité internationale, l’Union européenne doit être concentrée sur la gestion de la crise en interne. C’est le cas. L’Union n’est pas si inactive. D’abord, elle a suspendu pour un temps ses règles d’austérité budgétaire. Il s’agit, comme nous l’avons dit, d’un aveu frappant. Deuxièmement, elle a sorti les mêmes armes que depuis la crise de 2008, mais en plus gros calibre. 750 milliards de rachats de dette ont été budgétés par la BCE, dans le cadre d’une politique de quantitative easing jamais interrompue depuis la crise. Cette réaction, qui consiste à racheter aux investisseurs privés des titres de dettes, n’est qu’un pis-aller qui entérine la logique du marché et le rôle des grandes banques et fonds d’investissement comme créancier des États. Ceux-ci continuent donc d’imposer leurs logiques aux puissances publiques : la logique de la rentabilité des capitaux privés.

Une autre solution immédiate aurait pu être d’autoriser la BCE à abonder un fonds de financement des services publics, qui aurait lui-même prêté aux États avec d’autres critères que la rentabilité, comme : le développement des services publics de santé, la garantie des conditions de travail, l’assurance d’un revenu de remplacement pour les privés d’emplois, l’investissement pour le développement de filières industrielles. Cette proposition aurait pu être mise en place rapidement comme une réponse immédiate à la crise, avant d’avoir le débat démocratique absolument nécessaire sur la nature du projet européen. Dans ce débat, qui a partiellement eu lieu lors de Maastricht ou en 2005, les peuples se sont systématiquement opposés à cette construction qui les prive de souveraineté. Nul doute que la gestion de cette crise par l’UE va renforcer la perception du caractère de classe de l’Union, de sa déférence envers le grand capital, de son incapacité à organiser la solidarité internationale.

Les dernières annonces sont d’ailleurs caricaturales, que ce soit l’endettement de la Commission elle-même vis-à-vis des marchés financiers, ou l’émission de coronabonds, l’Union fait la preuve de son incapacité à sortir des logiques de rentabilité, d’accumulation financière, de soumission au marché capitaliste

Il est donc urgent de construire de nouvelles solidarités internationales, dans un cadre qui ne peut pas être celui de l’UE. Des solidarités qui devront inclure, non seulement les pays européens déterminés à s’engager sur la voie de la solidarité internationale et de la remise en cause de la domination du capital, mais également tous les pays du Sud, aujourd’hui conjointement victime d’une Union européenne aussi impérialiste que néfaste pour son propre peuple. Ces solidarités nouvelles pourraient commencer par l’expression d’une reconnaissance envers la Chine et Cuba, qui donnent de magnifiques exemples de solidarité internationale, et par la fin de la propagande et de la guerre économique contre ces deux pays.Tagged COVID-19Union Européenne

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